Emmanuel Macron veut taxer les livres d’occasion ? La dernière brillante idée de l’Élysée…

@tomhermans/unsplash
@tomhermans/unsplash

Une fois de plus, Emmanuel Macron semble avoir parlé avant d’avoir même fait mine de réfléchir. Ainsi, lors de sa visite au Festival du livre de Paris, ce 12 avril, a-t-il lancé l’idée d’une taxe sur les livres d’occasion : « On va mettre en place une contribution qui puisse permettre de protéger le prix unique et permettre à nos auteurs, éditeurs et traducteurs d’être mieux aidés. »

Pourquoi pas. Sauf qu’au ministère de la Culture, personne ne paraît avoir été prévenu de cette annonce. Pas plus qu’au sein de la filière concernée, le SLF, le Syndicat de la librairie française ou la Sofia, organisme chargé des mêmes « auteurs et traducteurs » ; lesquels, manifestement pris de court, n’ont pas encore communiqué sur cette décision jupitérienne.

De son côté, François Bayrou, haut-commissaire au Plan, est « contre » cette possible mesure. Mais il pourrait tout aussi bien être « pour » que cela n’en bousculerait pas forcément le Landernau politique. Passons. De manière plus sérieuse, de quoi s’agit-il ? D’éviter, manifestement, que des livres en état quasi neuf ne soient vendus moins cher que le neuf. Voilà qui démontre une singulière ignorance de ce marché pas tout à fait comme les autres. Car un vieux livre peut se vendre bien plus cher qu’un livre neuf. Tout dépend de sa rareté ou de sa « valeur d’estime », tel qu’on dit dans le milieu bibliophile. Laquelle peut fluctuer au rythme des modes ou des humeurs du marché.

 

De quoi énerver Rachida Dati…

 

La première qui a dû être ulcérée par cette initiative plus qu’intempestive, c’est Rachida Dati, locataire toute neuve de la rue de Valois, dont on sait bien que la lecture de ces livres donnés ou vendus à bon marché lui ont permis de s’extraire de la « culture » des cités, confiant au Parisien : « Pour ceux qui se demandent si je lis des livres, qu’ils sachent que j’y ai eu accès dans ma cité par le Bibliobus. Je n’ai pas honte de le dire. C’est cela qui explique mon combat en faveur de l’accès à la culture pour tous. »

La preuve en est que l’une des priorités de son poste consistait, justement, à « ouvrir des librairies dans les logements sociaux des quartiers populaires ».

Ce qui n’est pas exactement un luxe, sachant, à en croire les dernières enquêtes, que « les garçons ne lisent plus que douze minutes par jour, mais passent quotidiennement plus de cinq heures devant un écran ». Des statistiques qui ne doivent pas valoir que pour ces fameux « quartiers populaires », mais aussi pour d’autres « beaux quartiers »…

Mais, au-delà de cette communication permanente qui semble être devenue l’ordinaire élyséen, regardons les chiffres de plus près. À en croire le ministère de la Culture et la Sofia, « le livre d’occasion représentait, en 2022, près de 20 % des exemplaires achetés ».

Pas de quoi lapider un âne à coups de figues molles, comme on dit en Corse, sachant que le marché de l’ancien a toujours cohabité avec celui du récent, que ce soit avec ces soldeurs rachetant les stocks d’invendus ou ces bouquinistes spécialisés dans le commerce de la seconde main. Quant aux droits des auteurs, ne rêvons pas, les éditeurs ne leur accordant que 5 % de droits sur le prix de vente, tandis que dans le même temps, les à-valoir se réduisent comme peau de chagrin. Ce n’est donc pas le pourboire qu’ils pourraient éventuellement toucher sur la vente de leurs invendus qui devrait venir bouleverser leur triste sort.

 

Une parfaite ignorance des milieux de l’édition…

 

Ce que nous confirme une libraire des Yvelines, ne désirant pas être nommément citée : « Ces propos présidentiels, manifestement tenus à l’emporte-pièce, me laisse pantoise. Nous, aussi, voudrions bien vendre des livres d’occasion afin de permettre aux plus modestes de nos concitoyens d’accéder à ces livres vendus de plus en plus chers, hausse du papier oblige. Seulement voilà, il n’existe pas le moindre cadre législatif censé nous permettre d’exercer cette activité. »

On notera que le SLF, Syndicat des libraires auquel elle est affiliée, a déjà devancé l’appel, ayant déjà collecté 22.000 livres gracieusement distribués aux plus démunis. Et notre interlocutrice d’ajouter : « Il semble que cette annonce pour le moins confuse puisse concerner les sites de vente en lignes, l’Américain Amazon au premier chef. Lequel a déjà refusé cette réflexion sur l’accès à la culture pour tous, depuis longtemps initiée au sein de notre corporation et à laquelle des enseignes telles que la FNAC s’est déjà associée. Mais il est vrai que des mastodontes tels qu’Amazon refusent tout, par principe. »

Ensuite, on pourra se poser la question consistant à tenter de comprendre pourquoi, en cette période de recyclage lancée par l’Élysée, il faut absolument redonner une seconde vie à tous les objets, des cafetières jusqu’aux chaussettes, alors que les livres seraient les seuls exclus de cette spirale donnée pour vertueuse ? Comme quoi les contradictions d’Emmanuel Macron parviennent à se nicher en des endroits les plus inattendus. Direction le pilon, tel qu’on dit dans l’édition ? Là où sont réduits en miettes tout ce qui est trop mauvais pour même être soldé ? Ça peut éventuellement commencer à y ressembler.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

72 commentaires

  1. Dans cette idéologie du nivellement par le bas, il est logique de vouloir taxé ce qui est susceptible d’apporter le savoir et l’indépendance face au dogme.

  2. Décidément la « pensée complexe », généreusement attribué à cet homme par je ne sais plus par quel cireur de souliers, semble être fréquemment en panne. Une pensée beaucoup plus ordinaire arriverait rapidement à comprendre qu’avant la taxe, il y a l’économie. Difficile j’en conviens de sortir du dogme socialistes qui consiste a dépenser sans compter avec l’argent des autres.

  3. Je croyais avoir entendu qu’il n’y aurait plus de création de nouvelle taxe. Ah ? il ne faut pas croire ce que dit notre gouvernement ? Mais oui, bien sûr, suis-je distrait ! en effet je l’avais souvent constaté : le verbiage gouvernemental est insensé et donc insignifiant. – – – – – Ceci dit, déjà qu’on n’achète plus de livres, neufs ou d’occasion, cette idée de taxe est vraiment stupide.

  4. Quel guignol! Le livre d’occasion se vend entre 2 et 5 € sur les marchés, pour des prix du neuf allant de 7 à 25€, ce qui permet à beaucoup de gens comme moi de pouvoir lire à moindre coût de plus le bouquiniste me les reprend entre 1 à 2€ Au fait avez vous remarqué ces boites de dépôt qui fleurissent dans toutes nos rues, cette habitude de déposer ses livres lus au dessus des boites aux lettres, ceux là il va les taxer comment puisqu’ils sont gratuits? Comme à chaque fois qu’il l’ouvre il dit une connerie au sujet de la guerre en Ukraine, de celle à Gaza etc il préfère prendre de grandes décisions qui vont relever notre pays comme taxer les vieux bouquins. Pauvre de moi débarrassons nous de ce clown inutile et nocif.

  5. Taxer. Ca c’est de la politique culturelle ! Taxer un livre d’occas qui a déjà été taxé neuf . Et pourquoi pas taxer les véhicules d’occasion ? Non, mieux, mettre un contrôle technique du livre. Taxer, faut être un « mozart » de la finance qui avoir cette vivacité d’esprit, cette intelligence politique. Je vous vois venir, vous allez me taxer de parti pris, mais j’ai l’habitude.

  6. D’un côté on gaspille un pognon de dingue en subventionnant un cinéma moribond et de l’autre côté machiavel veut taxer les livres d’occasion. Qu’en dit notre ministre de la culture ? Et si, enfin, ce gouvernement décidait de taxer les voleurs, les délinquants, les barbares, les privilèges et avantages en nature des élus, de ceux qui ne font pas le travail pour lequel ils sont rémunérés avec de l’argent public, etc.? Il y en aurait un pognon de dingue à se faire pour renflouer le déficit abyssal de la France. Pourquoi toujours taxer et spolier les honnêtes gens ?

  7. Il faut se rappeler que pour notre président les librairies n’étaient pas des commerces de première nécessité et que la France n’avait pas de culture, alors le livre n’en parlons même pas, les yeux ne les usent pas, ils sont comme neuf donc leur redonner un petit coup de taxe, tandis que le reprisage des chaussettes et le ressemelage des godasses ça c’est subventionnable. A vouloir s’occuper de tout, on finit par en oublier l’essentiel.

  8. Parler pour ne rien dire ou pire dire des bêtises ! Il est vrai qu’il n’y a rien de plus important en ce moment. Certains ministres devraient prendre leurs responsabilités et démissionner mais le courage n’est sans doute pas leur qualité première !

  9. Une parfaite ignorance des milieux de l’édition, et pas seulement de ces milieux ! C’est la fermeture programmée de toutes les librairies vendant des livres d’occasion, qui n’avaient pas besoin de ce surcroit d’imbécillité. Le propriétaire de l’une d’entre elles me confiait récemment qu’il gagnait à peine 30 euros par jour ! Au lieu de prendre des mesures incitant les gens à lire plus, il va accroire le fossé culturel !
    A quand le péage sur les nationales, et autres mesures tyranniques dans les tuyaux ? C’est invivable !

  10. Malade il était et bien atteint restera .nous sommes épuisés ..ses idées loufoques s,arrêteront elles un jour ..il veut encore casser quelque chose ..

  11. « Une fois de plus, Emmanuel Macron semble avoir parlé avant d’avoir même fait mine de réfléchir » . Votre phrase caractérise parfaitement la personnalité de Macron. Il est tellement narcissique que l’extrémité de son nez lui paraît déjà trop éloignée. Il s’aime trop. « Je m’aime, oh combien ! » . Au-delà de cette particularité personnelle, il adopte ce que sait faire tout bon socialiste ayant par nature des difficultés à gérer, il augmente les impôts. La solution la plus aisée qui ne demande surtout pas de réflexion et d’efforts, encore moins de sacrifices. Il impose,…. heureux. Il s’est dégagé de la difficulté à peu de frais personnels. Au bilan, on perçoit que chez certains, même chez les Mozart, plus on est diplômé, plus on a de difficultés à ajouter des « plus » et des « moins » et d’en comparer les sommes régulièrement. Certainement une activité de « petits » indigne de ces seigneurs . Chez ces gens là, on ne compte pas.

  12. On se croirait presque revenu dans les années 90 dans les grands groupes. L’aéropage pour s’occuper lance chaque jour une nouvelle idée totalement impossible et inutile a mettre en place .

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Un vert manteau de mosquées

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois