Emmanuelle Auriol, cette économiste qui veut régler les problèmes de recrutement avec encore plus d’immigration

La crise du Covid a eu comme heureuse conséquence d'exciter la pensée économique. Pensez donc : pénurie de matériaux, retour de l'inflation, surexplosion de la dette publique. Pour le coup, cette « crise qui ne ressemble à aucun autre » (Daniel Cohen, Le Monde, 29 octobre) leur donne du grain à moudre. Et, parmi les contributions aux Journées de l’économie, diffusées en ligne « en partenariat avec Le Monde », cette pépite : « Pour un recours accru à l’immigration face aux pénuries de main-d’œuvre », signée Emmanuelle Auriol, professeur à l'École d'économie de Toulouse (TSE) et membre du Cercle des économistes.

Wikipédia vous apprendra que l'universitaire s'était déjà fait remarquer, en 2015, par une proposition, dans Libération, pour « légaliser l'immigration économique en vendant des visas aux gens qui souhaitent travailler chez nous » et que « lors de l'élection présidentielle de 2017, elle apporte son soutien à Emmanuel Macron ». Son unique ouvrage : Pour en finir avec les mafias. Sexe, drogue, clandestins : et si on légalisait ? Voilà pour le décor. Cohérent.

Le raisonnement d'Emmanuelle Auriol est limpide. Avec une forte reprise économique, les pénuries de main-d'œuvre dans de nombreux secteurs sont criantes : « Ainsi, parmi les dix métiers les plus recherchés (hors saisonniers), on trouve, pêle-mêle, des agents d’entretien, des aides-soignants, des aides à domicile, des employés de la restauration et de libre-service, des ouvriers non qualifiés manutentionnaires, des agents de sécurité et de surveillance, mais aussi des infirmiers, des ingénieurs, des cadres et responsables de l’informatique. » Et la solution, tout aussi limpide : « Faire appel à la main-d’œuvre étrangère. »

Si vous avez le sentiment que, en matière d'immigration, la coupe est déjà pleine, détrompez-vous : « De fait, notre pays est aujourd’hui très peu compétitif sur ce sujet. Il souffre d’un déficit d’attractivité auprès des candidats à l’immigration de travail comme l’illustre la faible immigration intra-européenne. » Et l'économiste de pointer un « climat d’hostilité ». Pour elle, la faute en revient à « la mise en œuvre par les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, de politiques migratoires de plus en plus restrictives, dans le but de contrer la montée de l’extrême droite ».

Là encore, si vous avez peine à trouver autour de vous les traces de ces « politiques migratoires de plus en plus restrictives », c'est qu'Emmanuelle Auriol et vous ne parlez pas exactement des mêmes choses. Ou qu'elle ne veut pas en aborder certaines.

C'est entendu : l'économiste a raison de déplorer le manque d'attractivité économique de la France pour des travailleurs qualifiés et, avant tout, européens. Mais si la France n'attire plus les travailleurs européens, elle subit des flux forts d'une immigration africaine peu qualifiée. Ceci ayant peut-être à voir avec cela.

Mais Emmanuelle Auriol ne veut voir qu'une cause à notre manque d'attractivité : un « climat d'hostilité » dû aux contraintes administratives. Certes, la France est bien la championne des contraintes administratives, celles-là mêmes qui font fuir les talents français, autre partie de la solution qu'elle ne veut pas envisager. Alléger les contraintes, faciliter, légaliser, c'est nécessaire, mais uniquement pour les immigrés. Elle n'a aucun mot pour les Français qui se cognent à ces contraintes-là tous les jours. Et puis, qui ne voit que ce manque d'attractivité est aussi dû aux problèmes d'intégration d'une grande partie de notre immigration africaine ? Les Suisses ont-ils envie de venir s'installer à Saint-Denis ? Nos émeutes de banlieue, nos attentats islamistes, nos professeurs et nos policiers agressés ne pèsent-ils pas aussi dans la balance de notre attractivité ? Mais, là encore, silence. Et puis, bien entendu, rien sur la question démographique du point de vue de la natalité, rien sur la question de l'éducation, de la formation, puisque « certains chômeurs n’ont aucune qualification et sont difficilement employables ». Toutes les portes ayant été fermées ou ignorées, il ne reste plus que le « recours accru à l'immigration ». Laquelle n'a que des avantages, et aucun coût, bien sûr.

Longtemps, on a reproché à la pensée souverainiste son déficit intellectuel et programmatique sur le plan économique et il était de bon ton de dire que le sujet de l'immigration ne pouvait à lui seul constituer un programme. Or, avec les questions du coût de l'immigration, d'attractivité économique, de pénurie de main-d'œuvre, de déclassement général du pays dans toutes les enquêtes internationales, les choses changent et le roi migratoire est nu. Et la faiblesse du raisonnement a changé de camp : merci, Emmanuelle Auriol.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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