Emmanuelle Ménard : « Nous avons saisi le Conseil constitutionnel car nous n’avons pas tous droit à la parole ! »
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Emmanuelle Ménard, député de l'Hérault, dénonce l'escamotage du débat dans l'examen du texte de bioéthique, la mascarade du débat sur l'immigration, et rappelle quelles sont les vraies préoccupations des Français.
Les débats parlementaires sur la révision de la loi bioéthique se poursuivent.
Avec d’autres députés, vous avez fait état d’une absence de temps de parole. Visiblement, cela devient un réel handicap pour s’exprimer. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Cela fait plusieurs jours que les députés non inscrits ne peuvent plus parler, dans l’Hémicycle. Un temps de parole absolument ridicule nous a été dédié par la conférence des présidents.
Je vous rappelle qu’ils avaient décidé de donner une heure de temps de parole pour 14 députés non inscrits. Nous avons déposé 347 amendements. J’en ai moi-même déposé 180. Après avoir fait le calcul, et avec une heure de temps de parole, cela faisait exactement dix secondes pour défendre chaque amendement. Le président de séance ose nous dire que c’est tout à fait proportionnel, circulez, il n’y a rien à voir…
Depuis quelques jours, je reprends la parole régulièrement dans l’Hémicycle pour faire des rappels au règlement et pour protester. Nous avons saisi le Conseil constitutionnel.
Il me semble qu’il y a vraiment un déséquilibre notoire et un motif tout à fait probable d’inconstitutionnalité des débats. Les députés ne sont pas traités de façon équitable et n’ont pas tous le droit à la parole dans ce débat.
La loi bioéthique devrait-elle être mise entre parenthèses pour se concentrer sur le sujet de l’immigration qui, pour certains, serait beaucoup plus grave ?
C’est malheureusement trop tard. Le calendrier avait été, à mon sens, très mal choisi. Ce n’était d’ailleurs pas la priorité des Français. Quand vous interrogez les Français sur leur priorité, ils vous parlent de pouvoir d’achat, d’impôt, d’immigration et, bien évidemment, de terrorisme. Je n’en ai pas entendu beaucoup vous dire que leur priorité était la légalisation de la PMA pour les couples de femmes. Le moment n’était pas très bien choisi. Dire qu’il faut le mettre entre parenthèses, c’est malheureusement trop tard. Il ne nous reste plus que trois articles à examiner et un peu mois de 130 amendements.
Ce qui est absolument insupportable, c’est que nous allons encore avoir des débats, notamment sur la GPA. L’amendement de M. Touraine avait été voté la semaine dernière pour régulariser la filiation des enfants nés de gestation pour autrui (GPA) à l’étranger.
Le gouvernement avait prévu une deuxième délibération…
C’est probablement ce qui se passera tout à l’heure. Je ne parle plus seulement pour les non-inscrits. Un certain nombre de groupes, à commencer par Les Républicains, ont épuisé leur temps de parole et ne pourront donc pas faire valoir leur point de vue. Je ne pourrai pas faire valoir le mien sur la question de la GPA. C’est un véritable problème de démocratie.
En d’autres termes, le sujet est extrêmement important, mais pas du tout opportun en termes de calendrier.
Ce sujet est débattu dans des conditions démocratiques absolument catastrophiques. Entre-temps, nous avons eu le débat sur l’immigration qui n’avait ni queue ni tête. Le discours du Premier ministre était absolument décevant. Il ne disait rien et ne faisait que répéter et énoncer des évidences. Les trois ministres qui se sont succédé à la barre ont dit, pour les uns, des bêtises, et pour les autres, des choses absolument fausses. Ils ont rappelé de grands principes comme « oui, c’est sûr, on est tous contre le terrorisme, il faut que l’immigration soit humaine et efficace ».
Quels sont les moyens pour mettre en œuvre un contrôle de l’immigration efficace ? On attend toujours.
On a perdu beaucoup de temps, lundi après-midi, à écouter cette succession d’orateurs à la tribune sans aucun débat, et encore moins de vote à l’issue. C’était une mascarade !
Aujourd’hui, ce qui importe le plus aux Français, c’est comment on fait pour empêcher le terrorisme de s’étendre. Comment fait-on pour contrôler les potentiels terroristes qui ont infiltré les services publics français ?
Je vous rappelle qu’on a dénombré pas moins de 80 personnes, soit en voie de radicalisation, soit déjà radicalisées porteuses du badge rouge, le badge qui permet à du personnel d’entrer dans des endroits sensibles dans les aéroports.
On ne peut rien faire parce que notre législation est insuffisante. Quand on pose la question à M. Castaner, il nous répond qu’il faut attendre que quelqu’un passe à l’acte pour qu’on puisse faire quelque chose. C’est absolument ahurissant ! On en arrive à des situations comme celle qu’a vécue la préfecture de police la semaine dernière. Quatre personnes sont quand même mortes et une blessée.
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