Emmanuelle Ménard : « On n’ose pas nommer le problème. C’est pourquoi j’ai décidé de déposer une proposition de loi qui cible l’islamisme »
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La députée de l'Hérault Emmanuelle Ménard revient, au micro de Boulevard Voltaire, sur le projet de loi sur le séparatisme et l'amendement qu'elle propose. Elle dénonce la précipitation du gouvernement et le caractère « biaisé » du débat.
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L’Assemblée nationale est en plein débat sur le projet de loi sur le séparatisme. Avant de parler du projet de loi de manière générale, on va revenir sur le tollé que vous avez suscité en commission en évoquant « l’État français » au lieu de parler de « la République française » dans le cadre d’un amendement qui viserait à modifier la loi de 1905. Pourquoi avoir utilisé ce terme ?
On peut revenir dessus, mais je préférerais aborder le fond de mon amendement plutôt que cette appellation qui a, effectivement, suscité beaucoup de remous. C’était d’abord et avant tout un amendement qui visait à rappeler les racines chrétiennes de la France. C’est dans ce cadre-là que j’ai utilisé l’expression « l’État français », et pas du tout en référence à Vichy, vous vous en doutez. Ce procès d’intention me met hors de moi, tellement il est malhonnête. Je ne voulais pas utiliser le terme de « République » parce que l’héritage chrétien de la France transcende tous les régimes politiques. Il est tellement ancien que la République n’existait pas à ce moment-là. Il est vrai que c’est compliqué, pour nos amis de gauche ou de La République en marche. Un d’entre eux m’est tombé dessus. Il doit avoir quelques accointances franc-maçonnes. Cela a été très compliqué à digérer, pour eux. Ils ont, évidemment, fait exprès de ne pas comprendre ce que je voulais dire. Mon but était de rappeler les racines chrétiennes de la France.
Lorsque vous voyez nos paysages, nos musées et notre littérature, vous remarquerez que tout est pétri de cette histoire et civilisation judéo-chrétienne. On ne peut donc pas la nier. Cette histoire chrétienne a traversé les siècles et tous les régimes politiques. C’est pour cette raison que je n’ai pas utilisé le mot « République ». Mea culpa.
Ce qui est paradoxal avec ces débats, c’est qu’à la base, nous devions partir sur un vrai débat de fond qui devait être mené sur le séparatisme et sur le fait que certaines zones de la République sont, de fait, des territoires séparés de la République. Ces débats sont devenus une espèce de « ni oui ni non » géant où, finalement, le but du jeu est de ne jamais prononcer le mot « islam ». En réalité, ces débats sont là pour répondre à cette question.
Il a changé de nom plusieurs fois. Effectivement, nous sommes arrivés à un projet de loi qui n’a pas de nom et de sens. « Conforter les principes de la République », personne ne comprend ce que cela veut dire. Tout cela parce que le gouvernement a peur de nommer les choses par leur nom et de se confronter à la réalité. Ce qui tue, aujourd’hui, en France, ce ne sont pas les bouddhistes, les juifs, les protestants ou les catholiques, mais bien l’islamisme. Je ne comprends pas pourquoi on ne veut pas nommer les choses par leur nom. Probablement par peur de stigmatiser, comme ils disent tout le temps. C’est absolument insupportable. À force de ne pas nommer les choses par leur nom, on ne cible pas notre ennemi, qui est l’islamisme et rien d’autre. Par conséquent, on punit toutes les religions, les écoles hors contrat, l’instruction à la maison. En revanche, on ne vise pas du tout l’école de la République, l’école publique. Lorsque j’en ai parlé au ministre de l’Éducation nationale, il m’a dit qu’il n’y avait pas du tout de problème avec l’école publique. Pas moins de 800 « incidents » ont eu lieu dans les écoles publiques au moment de l’hommage à Samuel Paty. Aujourd’hui, un professeur sur deux avoue s’autocensurer parce qu’il a peur de dire les choses dans l’école française publique. Il me semble qu’il y a un vrai problème, aussi, avec l’école publique. Or, ce problème-là n’est pas abordé et il est mis sous le boisseau.
Pour traiter les problèmes liés à l’islamisme, nous sommes obligés de taper sur les chrétiens et sur les évangélistes. Ils sont devenus une sorte de bouc émissaire, alors qu’ils n’ont jamais véritablement posé de problèmes de séparatisme.
Vous avez absolument raison. D’un seul coup, on parle des évangélistes dans le débat contre le séparatisme. Je vous rassure, les catholiques sont quand même la première cible. Il n’y a pas de doute là-dessus. J’ai dû rappeler à un certain député de La France insoumise que, jusque à preuve du contraire, ce n’était pas les écoles hors contrat catholique qui tuaient, mais plutôt l’enseignement donné dans les écoles coraniques. Au lieu de s’attaquer au fond du problème et aux 2 % qui posent problème en France, on met tout le monde dans le même sac et, encore une fois, on punit tout le monde. Ce n’est pas admissible.
On n’est plus dans la neutralité de l’État vis-à-vis des religions, mais dans la tentative de neutralisation totale de la religion.
C’est exactement cela. C’est une volonté de prendre le contrôle sur les religions. C’est cela qui pose vraiment problème. Dans les débats en commission, j’ai essayé de faire valoir des lois qui ont mis deux ans à aboutir, en 1905, au prix de vraies souffrances de la part des communautés religieuses en France. Aujourd’hui, on veut les remettre en question et on veut reprendre le contrôle des religions en quelques discussions. En temps législatif programmé, 40 heures de discussions sont prévues sur ce texte dans l’Hémicycle et en procédure accélérée, c’est-à-dire sans deuxième lecture.
On veut bousculer les choses et aller très vite. Je n’ai rien contre la vitesse, mais je crois savoir que le gouvernement nous dit, depuis un certain temps, qu’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation… Ces sujets auraient vraiment mérité davantage de réflexion et une concertation beaucoup plus importante, notamment avec l’Église catholique qui, par la remise en question de la loi de 1905 et 1907, est la première concernée par ce projet de loi.
Attendez-vous quelque chose de ce débat ?
Malheureusement non. Les débats en commission m’ont montré que le débat était complètement biaisé dès le départ puisque l’on n’ose pas nommer le problème. C’est pour cette raison que j’ai décidé de déposer une proposition de loi avec une quarantaine d’articles qui, eux, ciblent cet islamisme : ils seront malheureusement déclarés irrecevables. Je déposerai cette proposition de loi en mon nom parce que je ne baisse pas les bras, je n’abandonne pas et je ne veux pas que l’on confonde tout. Aujourd’hui, l’ennemi est bien l’islamisme !
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