Emmanuelle versus Raquel : donner une fessée, est-ce plus grave que guillotiner ?

guillotine

Ceci ressemble à une question d'enfant à la table familiale : donner une fessée, c’est plus grave que guillotiner ? Maman les petits bateaux… à ton avis, mon gros bêta ?

Twitter pense peut-être que les navires ont des jambes et, en tout cas, que la décapitation est moins - comment dit-on, déjà, en langage GAFA ? - offensante, choquante, contraire à leurs valeurs et à leur charte qu’une tape sur le postérieur.
Alors qu’Emmanuelle Ménard a son compte Twitter suspendu depuis cet été - préjudice non négligeable pour une députée - pour avoir déclaré, en référence à l’actualité française du moment, trouver « dommage que la fessée soit interdite en France parce que Greta Thunberg en aurait bien mérité une », Raquel Garrido, elle, gazouille toujours sans l’ombre d’un problème, après avoir relayé un message invitant à guillotiner le président de la République : « Louis XVI, Louis XVI, on l’a décapité, #Macron, Macron, on peut recommencer », sous le hashtag « En prévision de la #grève21janvier » (petit clin d’œil, là aussi, à l’actualité). Interrogée sur le sujet dans l’émission « Balance ton post », de Cyril Hanouna, elle a affirmé qu’elle ne regrettait pas son tweet. Elle avait d’ailleurs répondu à un étudiant qui l’accusait d’incitation à la haine : « Je crois que vous devez relire l’Histoire de France », « la mort de Louis XVI est précisément un acte de la fondation de la république. Admettez que la monarchie présidentielle est incompatible avec la république. » Rajoutant ailleurs que « les macronistes manquent totalement d’auto-dérision ». Il est vrai que s’imaginer décapité fait en principe beaucoup rire. Il faut être vraiment pisse-droit, un vrai bonnet de nuit pour ne pas goûter si fine plaisanterie.

Sur LCI, Emmanuelle Ménard s’est étonnée de ce traitement différencié. On lui a rétorqué que dans le cas de Raquel Garrido, c’était évidemment du second degré… quand la réflexion d’Emmanuelle Ménard appelait sans doute, de son avis, à une très sérieuse expédition punitive -  nom de code « panpancucul » - censurée par Twitter du fait de son extrême dangerosité ? Si Emmanuelle Ménard avait dit « Allez hop, un biberon et au lit », ou « Qu’elle aille plutôt faire ses devoirs ! »  - réflexion du même acabit, et procédant de la même philosophie : Greta Thunberg n’a pas l’âge de donner des leçons mais celui d’en recevoir -, imagine-t-on qu’un commando aurait poursuivi Greta avec un pot de Blédine ou un paquet de feuilles doubles ?

En revanche, quand dans un climat de tension sociale extrême, alors que des manifestants défilent avec l’effigie d’Emmanuel Macron au bout d’une pique, ou en brandissant une banderole rouge appelant à une « collecte pour une guillotine », l’hypothèse « pour rire » de Raquel Garrido, déjà acceptée et assumée par des foules en colère sur le plan symbolique, semble assez irresponsable.

Mais l’humour, n’est-ce pas, c’est affaire d’appréciation. Un peu comme l’amour et la haine. Cette haine contre laquelle entend lutter par sa loi Laetitia Avia sans jamais l’avoir définie, et qui pour cette raison, effraie par avance par sa prévisible et hémiplégique subjectivité : quelque chose nous dit, je ne sais pas pourquoi, qu'elle sera toujours plus Emmanuelle que Raquel...

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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