En Afrique, l’intégration des peuples par la moto avance plus vite que par la politique
Alors que se tient, à Yamoussoukro, le « Festival ivoirien de la moto » à l’occasion de la Fête nationale de la paix, ce 15 novembre, on entend rarement parler sur la scène publique de ce vecteur d’intégration pourtant visible et sonore des peuples africains.
En effet, on observe depuis peu un effet amplificateur et accélérateur à l’échelle continentale africaine de ce mouvement de cohésion socioculturelle ascendante - en mode bottom up - pour les spécialistes du changement. Ce phénomène est bien plus authentique, profond et concret que les mouvements descendants – top down - des simagrées politiciennes et des réflexes claniques, ainsi que des faux semblants de la communauté internationale.
Côté actualité, alors que les frontières terrestres sont officiellement fermées pour des raisons affichées de protectionnisme sanitaire et commercial malgré le traité en vigueur de « zone de libre-échange continentale africaine » (ZLECA), plus de six cents motards de huit pays d’Afrique de l’Ouest ont récemment franchi les frontières avec des laissez-passer pour se retrouver à Ouagadougou. Malgré l’actualité dramatique au Burkina Faso, et rejetant toute idée de confinement sanitaire qui étouffe au sens propre et au sens figuré les peuples européens pour les asservir sans les protéger, il s’agissait d’afficher un signal fort de vie et d’espoir avec cet outil multiforme et multi-usage de travail, de plaisir et de liberté. Puis c’était au tour des Ghanéens d’accueillir leurs frères motards de la région, et celui des Ivoiriens pour ce festival annuel de Yamoussoukro où trône la magnifique basilique dédiée à Notre-Dame de la Paix. À nouveau, nous serons bientôt des centaines à converger en moto vers Bamako, capitale du Mali, pour surmonter les barrières mentales et partager cette passion autour du thème de « la femme et la moto ».
Côté diversité, en effet, au côté de celle des cultures, des confessions religieuses et des milieux socioprofessionnels, la présence de femmes passagères mais aussi pilotes est croissante, largement acceptée et appréciée comme facteur d’émancipation. Diversité des formes d’engagement social également, par des activités partagées avec les populations locales, en particulier jeunes qui apprécient ces moments d’évasion momentanée de leur quotidien, sans perspective d’amélioration faute de redistribution de la croissance. Ainsi, parties de foot avec les jeunes des quartiers s’enchaînent avec des visites et des dons à des hôpitaux et à des orphelinats dont le sourire des locataires fait chaud au cœur, parades et pétarades qui font spectacle et permettent à tous styles et cylindrées de s’exprimer dans « l’esprit motard » fait de solidarité et de fraternité, de maîtrise de soi et de respect d’autrui au sein de clubs qui tendent à se structurer dans des fédérations nationales, prémices d’une confédération continentale. Dans ces cultures africaines empreintes de spiritualité, les références à Dieu sous tous ses noms sont constantes et les déplacements sont précédés de prières collectives, musulmanes puis chrétiennes, pour implorer l’intercession de saint Colomban, institué saint patron des motocyclistes par Benoît XVI.
Ainsi, le vieux projet de panafricanisme longtemps affiché par des idéalistes impuissants ou des puissants sans idéal progresse par la base des sociétés africaines via la moto, bien plus vite et concrètement que toutes les déclarations de la plupart des « élites africaines ». Ce mouvement fédérateur d’intégration par la moto ne contredit qu’en apparence la parole de saint François de Sales : « Le bruit ne fait pas de bien et le bien ne fait pas de bruit. ». Car, ici, le bruit réveille les consciences et fait du bien au plus grand nombre.
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