En Anjou, les communes nouvelles : la fausse bonne idée ?

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Entre 2013 et 2019, l’Anjou a divisé le nombre de ses communes par deux, passant de 363 à 177, en les fusionnant. À l’occasion des dix ans de ces premières communes nouvelles en Maine-et-Loire, Le Courrier de l’Ouest a mené l’enquête. Et il en ressort, malgré les « points positifs » ou « un vrai choix d’avenir » dont se félicitent quelques-uns, pour autant, une amère expérience des habitants sur le terrain.

Dans une passionnante enquête réalisée ces derniers jours par Le Courrier de l’Ouest titré « Le procès des communes nouvelles en Anjou », au regard des différents témoignages, le bilan de cette décennie de modernité semble un peu nuancé... « Je trouve que le bourg a perdu de son âme. Il n’y a plus de Poste, plus de commerces... Celui qui a inventé ça, il aurait mieux fait de rester dormir ! » ; « Franchement, Mauges-sur-Loire, ça veut dire quoi ? » La distribution du courrier est devenue un vrai casse-tête : « Rien que sur-Chemillé-en-Anjou, on a quatre rues Nationales. » Et le sentiment d’appartenance s'est évaporé : ainsi, la commune nouvelle de Gennes-Val-de Loire, avec ses 145 km2, « a du mal à trouver son identité ». Certains déchantent : « Les trois maires ont fait ça entre eux, sans consultation des habitants. On nous a fait comprendre que c’était obligatoire et qu’on y gagnerait de l’argent », déplore Maurice Barreau, ancien maire de Chavagnes-les-Eaux, devenue Terranjou.

Car l’Anjou, terre d’histoire et de racines, de beaux châteaux et de vieilles vignes, de petits villages et de vivants hameaux, avait été la première à s’engager dans ce mouvement inexorable du progrès à tout prix : abandonner les antiques traditions et les noms ancestraux, repousser les trop proches limites et les vieilles contrées, épouser la modernité, devenir grand enfin, et plus gros et plus riche avec, à la clé, les promesses de grasses subventions, de dotations d’État, d’équipements nouveaux. « Il y a aujourd’hui une mode, particulièrement dans les Mauges, qui consiste, au nom des ressources financières ou d’autres intérêts, à regrouper les communes en une commune nouvelle par paquet de dix, douze ou quinze. Les populations sont à peine consultées par des conseils municipaux souverains qui n’avaient pas été élus pour ça. La démocratie en prend un coup dans l’indifférence générale », nous confie Henry Renoul, ex-adjoint au maire à Saint-Christophe-du-Bois (49) et vice-président de la Vendée militaire, qui s'interroge : « Tous les saints disparaissent. Peut-on espérer vivre, dans quelques années ou décennies, sous un régime qui effacera ces contresens historiques et géographiques ? »

Mort aux bourgs ruraux, vive les belles agglos ! Oubliés paroisses et clochers, honneur aux communes nouvelles et aux hôtels de communautés ! En ces terres de l’Ouest, résistantes lors des guerres de Vendée, la Révolution venait enfin de s’achever : et les nouveaux noms que Thermidor n’avait pas su imposer, les voilà qui fleurissent sur les panneaux tout nouveaux tout gros. Fièrement, Bouillé-Saint-Paul devient Val en Vignes, Argenton-Château devient Argentonnay, Saint-Michel-Mont-Mercure se mue en Sèvremont...

Comme une brève de comptoir, avec un peu de Muray et un peu d'Audiard. Car enfin, tout est vrai. Une presse locale qui dit tout haut ce qu’aucun plateau ne dira même tout bas. Des élus cocus pas contents. Des habitants qui relèvent la casquette et retrouvent le parler des anciens. Peut-être faut-il y voir quelques raisons d’espérer ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 29/05/2023 à 12:58.
Iris Bridier
Iris Bridier
Journaliste à BV

Vos commentaires

31 commentaires

  1.  » ce mouvement inexorable du progrès à tout prix : abandonner les antiques traditions et les noms ancestraux, » Du passé faisons table rase. L’Histoire est un éternel recommencement, ou plutôt un éternel hoquet.

  2. Une vraie mauvaise idée, en tous cas. Pour moi qui ai habité le Maine et Loire pendant 20 ans et qui y ai encore des attaches très fortes, j’ai été très agacée lorsque ma petite-fille s’est installée à Terranjou et que mes enfants ont vu leur village transformé en Bellevigne en Layon. : qui habite où ? Que faire lorsque la nouvelle commune se retrouve avec trois fois les mêmes noms de rue ? Et en quoi ce regroupement a-t-il un intérêt pour les habitants et leurs finances ? A voir la célérité avec laquelle les élus ont enfourché ce dada, il doit bien y avoir une raison. Une communauté de communes aurait été hautement préférable, comme j’en habite une moi-même dans l’Hérault, chacune gardant son nom et son identité mais faisant partie d’un ensemble qui gère tout un tas de choses de la vie quotidienne (prévention des risques d’incendie ou d’inondation, ordures ménagères, aménagements pour les loisirs, etc). Je comprends la bronca qui s’est installée en Anjou…

  3. Il serait intéressant de connaître l’appartenance politique de ces maires et conseils municipaux qui pratiquent ces regroupements sans consulter leurs administrés .

  4. Ces agglomérations pour ce qui est des communes me font penser aux ARS pour la santé ; les unes rognent sur l’accès au soins par les suppressions de lits et le manque de soignants ,pour les autres Il y a un vrai projet de destruction de notre patrimoine culturel et de nos services publics sous de faux prétextes d’économie . Parce les fonctionnaires qui travaillent dans ces structures ne créent pas moins de charges pour le contribuable mais moins de service pour le citoyen et l’administré.

    • Et si l’on voulait faire des économies, nous pourrions, vous, moi et tant d’autres, établir une looongue liste de propositions.

  5. Regrouper des petites communes de quelques centaines d’habitants n’est pas une mauvaise idée et devrait entraîner des économies, à condition de réduire le nombre des élus. La petite commune de l’Aube (218 habitants) dans quelle j’ai vécu a un maire et trois adjoints. La grande ville de 110 mille habitants dans laquelle je vis en Hongrie a aussi un maire et seulement trois adjoints. Mais je n’y paie pas de taxe foncière !

    • J’habite dans une petite commune d’un peu plus de 4000 habitants en Anjou, associée ainsi que trois autres à une plus grande, cela n’empêche pas d’avoir des maires délégués, des mairies annexes et du personnel qui et c’est reconnu n’est utilisé qu’à 30% de son potentiel, donc les économies de fonctionnement c’est une plaisanterie…

      • Exactement ! le but est d’avoir une floppée de fonctionnaires qui servent peu mais font des consommateurs, des acheteurs de bagnoles/essence, et font baisser artificiellement le chômage.

  6. Les élus locaux se plaignent de se faire agresser mais au regard des nouvelles pompes à fric que sont les agglos et les nouvelles régions il y a de quoi se révolter dans ce pays pourri par la politique de tous poils. Et c’est toujours le phénomène du nombre et de la boulimie politique et administrative de cette République gauchiste et fainéante.
    Même les partis qui se disent de droite comme le LR sont d’ignobles centristes de gauche qui tous sont dans le même mouvement piller la population et préserver les rentes de fainéants il suffit de regarder la présence s
    dans les hémicycles. Quand aux Maires ils sont tous dans ces nouvelles structures à toucher des jetons mais responsables de rien.

  7. Durant ce temps les routes ne se croisent plus qu’en rond-point , ce qui fait disparaître le calvaire qui marquait l’intersection . Communes toujours plus vastes et moins signifiantes !

  8. La seule (in)efficacité de ce regroupement de communes, avec la création de communautés de communes, c’est l’usine à gaz qui en est résulté avec une couche supplémentaire du millefeuilles administratif, au grand dam des contribuables !

  9. Je mets quiconque au défi de trouver un panneau routier indiquant la direction de Brissac Loire aubance, tuffalun ou Terranjou. Dans ma nouvelle adresse il n’est plus fait mention ni de mon hameau, ni de ma commune. Les conseillers municipaux bénévoles ne comptant pas leur temps, ont été replacés par des fonctionnaires territoriaux incompétents et imbus. Le centre de décision a été déplacé du village vers un conglomérat de personnes n’ayant rien à voir avec le village, ils n’avaient pourtant de le mot démocratie directe à la bouche.Nous avons vu apparaître un, puis deux, puis trois policiers municipaux alors que nous avions déjà une gendarmerie et que très peu de délinquance était présente. Et maintenant ils bradent nos joyaux communaux trouvant qu’ils sont trop chers à entretenir. Comment faisions nous avant lorsque nous n’étions que 1400 villageois (14000 aujourd’hui) ?

  10. Si l ‘ Etat veut faire des économies , qu ‘ il réduise déjà son train de vie avant de démolir encore plus ce qui reste de
    l ‘ authenticité du pays , et cela , toujours dans le dos des Français .

  11. les « communautés de communes » sont aux petites communes ce qu’est la « Com. européenne » est à la FRANCE: un venin mortifère ! … Les coucous politicards sont odieux à en vomir car effectivement, ils n’ont pas été élus pour eux aussi « atomiser » les souverainetés locales ! … Il faut reconnaître que le délire de hollande avec son « regroupement régional » a donné des idées au niveau local … Supprimer la taxe d’habitation réduit encore un peu plus les « entrées financières » des communes et donc là aussi l’auto proclamé « premier de cordée » étrangle encore plus la FRANCE « profonde » … Et en même temps, les kapots macroniens veulent imposer le bout de tissu de l’UE … Bientôt le « multicolore » des « lgbt-et-tout-l’alphabet » ? ! …

  12. « Les populations sont à peine consultées par des conseils municipaux souverains qui n’avaient pas été élus pour ça. La démocratie en prend un coup dans l’indifférence générale.  » Le problème est bien là en effet. Alors qu’on nous rabâche sans cesse « Démocratie », « liberté d’expression », nous ne pouvons qu’assister à violation de ces valeurs par une caste dirigeante soumise aux injonctions de la technocratie Bruxelloise que la majorité des Français consulté a pourtant refusé. L’Europe trahit son peuple, aux peuples de tout mettre en oeuvre pour renverser la table. En juin 2024, une porte s’ouvre. Puissions nous être nombreux à choisir comme représentants des hommes de convictions plus attachés à l’intérêt des citoyens qu’à leurs prébendes.

  13. Encore des décisions qui ne tiennent pas debout, d’autant plus que l’Anjou, riche de son Histoire et de ses racines, comme expliqué par Iris Bredier, est une très importante page de l’Histoire de France. Pourquoi vouloir ainsi supprimer des racines et redéfinir le territoire ET le terroir.

  14. Encore une fois les administrés n’ont pas été consultés , dans le même style nous retrouvons des villageois mécontents de voir s’installer des centres d’accueil pour immigrés par simple décision d’un maire ou d’un conseil municipal ,dans ce pays la dérive totalitaire est devenus une évidence .
    Inutile de s’étonner de la démolition des églises , la loi de séparation de 1905 n’est pas adaptée à cette nouvelle réalité .

  15. L’idée n’est pas forcément mauvaise , le bémol étant qu’on garde le même nombre d’élus ! Pourquoi ne pas avoir qu’un seul  » Maire » avec le nombre de conseillers municipaux en rapport avec la population globale . La fusion des communes doit engendrer des économies d’échelle , sinon ça ne sert pas à grand chose , sinon qu’à dépenser un peu plus d’argent. Réduisons notre millefeuille administratif , nous en avons bien besoin .

    • Idem pour les nouvelles Régions en place de nos Provinces depuis Hollande. Elles n’ont conduit qu’à la multiplication des fonctionnaires et à la perte su Service Publique.

    • Tout à fait d’accord avec vous. Mais il faut dire pour leur décharge qu’ils ne font que suivre les élus nationaux qui n’ont pas renoncé à leurs mandats et privilèges lors de la fusion des régions. Et ne parlons pas des fonctionnaires territoriaux dont non seulement le nombre ne diminue pas mais augmente.

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