En Corée du Sud, les robots ne sont pas seuls à perdre le nord

robot

C’est une abominable tragédie : le 20 juin, en Corée du Sud, le corps d’un fonctionnaire municipal employé par la mairie de Gumi a été retrouvé sans vie, en bas d’une cage d’escalier. Selon les premières constatations, il semble que le malheureux se soit lui-même jeté dans le vide. Il s’agirait donc d’un suicide – peu ordinaire, toutefois, car la victime est un robot androïde. Selon Le Parisien, qui a rapporté l’information, la municipalité de Gumi – ville industrielle de 440.000 âmes, robots non compris – prend cette affaire « très au sérieux » et a ouvert une enquête.

« Il faisait officiellement partie de la mairie, il était l’un des nôtres », a déclaré l’un de ses collègues, visiblement ébranlé par le caractère inhumain de ce drame. Des témoins ont déclaré avoir vu l’androïde, avant sa chute, « tourner en rond comme si quelque chose était là » – ce qui semble indiquer que lui-même ne tournait pas rond. Mal-être ? Burn out ? La presse coréenne s’est demandé « pourquoi ce fonctionnaire assidu a agi de la sorte » et si le travail n’était pas trop dur pour lui. J’aurais tendance à en douter, car le robot, nanti de sa propre carte d’agent de la fonction publique, travaillait, paraît-il, de 9 à 18 heures, ce qui lui assurait un temps de repos raisonnable. Un responsable municipal a fait savoir que des pièces avaient été prélevées sur le cadavre et seront analysées par la société californienne conceptrice du fonctionnaire. Cette autopsie permettra-t-elle de savoir s’il était suivi par un psychiatre, accro aux antidépresseurs ou s’il consommait des stupéfiants ?

Toute cette histoire est en effet stupéfiante. Le conseil municipal de Gumi a « confirmé qu’il ne prévoyait pas d’acquérir un autre robot pour remplacer le défunt », indique un article publié sur le site Internet de Capital (sans guillemets à défunt…). Mais qu’est-il advenu du corps ? On n’imagine pas que ce respectable agent public ait pu être jeté comme les androïdes sans le sou à la déchetterie commune. A-t-il eu droit à des funérailles municipales ? A-t-il été inhumé au cimetière de Gumi, ou les pompes funèbres ont-elles assuré un service de crémation ? Y a-t-il eu une cérémonie religieuse ? A-t-on organisé une cagnotte pour financer l’achat de gerbes et de couronnes, portant sur les rubans de deuil les messages de rigueur : « À notre regretté collègue, éternel souvenir » ou « À notre cher colocataire, la copro attristée » ?

Pour finir, cette lugubre affaire appelle une conclusion : en Corée, il n’y a pas que les robots qui ont des courts-circuits au plafond.

Éric Letty
Éric Letty
Journaliste

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