En Irlande, l’immigration de plus en plus contestée

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Le village de Ballinrobe, en Irlande, dans le comté de Mayo, est en ébullition : sans coup férir, les autorités nationales avaient décidé de faire venir 50 hommes en provenance d’Afrique et d’Asie pour les héberger dans un hôtel désaffecté à proximité d’une crèche. Devant la mobilisation de la population de ce bourg de près de 2.000 habitants, au nord-ouest de la République d’Irlande, de jour comme de nuit, les autorités ont reculé.

Mais les opposants n'ont obtenu qu'une demi-victoire. Car à la place de ces hommes seuls, ce seront des familles qui y seront logées. Cette politique de maillage du territoire dans l’installation de clandestins en attente du statut de protection internationale, comme en France, est pratiquée depuis plusieurs mois. Selon le site InfoMigrants, « en 2022, le pays a reçu au total un peu plus de 13.000 demandes d’asile, en plus des 70.000 réfugiés ukrainiens - contre 2.700 dossiers au total en 2021 ». Soit 190 lieux d’hébergement dans 26 comtés irlandais, et ce, pour une population nationale de 5 millions d’habitants.

La situation concernant l’hébergement des demandeurs de protection internationale reste extrêmement difficile et le ministère n’a pas suffisamment de logements à offrir à de nombreux demandeurs de protection internationale nouvellement arrivés.

Capacités d’hébergement saturées

Les capacités d’hébergement d’urgence sont ainsi plus que saturées et, pour la population qui subit de plein fouet crise économique et augmentation du coût du logement, voir le gouvernement prendre en charge l’hébergement des migrants passe mal. Le ministre de l’Intégration se dit conscient du problème : « La situation concernant l’hébergement des demandeurs de protection internationale reste extrêmement difficile et le ministère n’a pas suffisamment de logements à offrir à de nombreux demandeurs de protection internationale nouvellement arrivés. »

Ce qui ne l’empêche visiblement pas d’imposer, sans concertation, de nombreuses implantations de migrants sur tout le territoire. En effet, à la manifestation de Ballinrobe succède une autre prévue à Dublin devant une ancienne maison de retraite à Ballsbridge après la confirmation de l’ouverture d’un centre d’hébergement d’urgence de 220 lits pour les demandeurs d’asile à Pembroke Park.

L’épisode de Ballinrobe n’est donc que le dernier d’une longue série qui cristallise une situation de saturation déjà tendue. Toujours selon InfoMigrants, « l'été dernier [2022, NDLR], des parlementaires s'inquiétaient déjà des conséquences de cette crise de l'habitat sur les réfugiés. "Le constat est que la capacité de l'Irlande à fournir ne serait-ce que le strict minimum en termes d'hébergement d'urgence à ses propres citoyens et à ceux qui fuient la guerre est gravement compromise", avait déclaré Carol Nolan, une députée indépendante. Au mois de janvier [2023, NDLR], le gouvernement irlandais a annoncé que les structures d’accueil du pays étaient arrivées à saturation. Et que les nouveaux demandeurs d’asile seraient logés… à la rue. »

On comprend, dès lors, la réaction des habitants du village de Ballinrobe, pour qui « Ireland is full ».

Vague de migrants, insécurité grandissante

Cette protestation s’inscrit dans un contexte croissant de défiance envers le gouvernement irlandais et de ras-le-bol migratoire.

En novembre dernier, lors de l’attaque au couteau d’une femme et de trois enfants à Dublin, par un Algérien naturalisé irlandais, la colère avait éclaté de façon violente : incendies, heurts avec les forces de l’ordre prises de court par la force de cette réaction, slogans anti-migrants comme « Irish Lives Matter »...

Quelques mois auparavant, le 24 mars 2023, « un bus transportant des demandeurs de protection internationale (PI) a été refoulé lundi à l'entrée de la caserne de Columb dans le comté de Westmeath après que des manifestants ont bloqué l'entrée pendant plus de deux heures », relate le Irish Times.

Quelques jours plus tard, « environ 30 manifestants ont bloqué les portes du site de Mullingar, où le ministère de l'Intégration a récemment annoncé que 120 hommes célibataires demandeurs de protection internationale seraient hébergés. Depuis sa fermeture en 2012, la caserne de 10 hectares située au centre de la ville de Westmeath a été utilisée par jusqu'à 30 groupes communautaires, qui ont exprimé leurs inquiétudes quant aux perturbations que cela pourrait causer à leurs activités. Le plan, soutenu par le ministère de la Défense, prévoit que les réfugiés ukrainiens et internationaux soient hébergés dans cet établissement. »

Selon une rhétorique bien huilée, les protestations d’une population inquiète et menacée se transforment en « immonde récupération par l’extrême droite » du drame des réfugiés. Une tentative dérisoire d’occulter que, là-bas comme partout ailleurs, c’est surtout la question migratoire qui devient l’enjeu politique essentiel, quelques mois avant les élections européennes.

Marie d'Armagnac
Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

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