En plein carême, en Normandie, un Stabat Mater christianophobe

Une mise en scène irrévérencieuse volontairement « burlesque et transgressive »  du Stabat Mater de Scarlatti.
Stabat Mater revisité La Tempête
capture d'écran Facebook

Ainsi donc, après Genève et Charleroi, l'Opéra de Rouen (les 20 et 21 mars) et le théâtre de Caen (le 1er avril) programment le spectacle musical Stabat Mater d'après l'œuvre de Scarlatti revisité par la compagnie La Tempête. Vendu comme «  un voyage iconoclaste et transgressif à travers les siècles », c'est en réalité à une déconstruction woke d'une des œuvres les plus sacrées du répertoire chrétien que les Normands sont conviés. Une « composition » dirigée par une certain Simon-Pierre Bestin dans une mise en scène de Maëlle Dequiedt, qui peut être considérée comme blasphématoire et offensante pour les croyants en pleine période de carême et qui n'aurait jamais pu être jouée (comme tant d'autres) sans l'argent des contribuables, et particulièrement des Normands.

« Une adaptation libre, païenne, sans la terreur sacrée »

Œuvre majeure de la culture chrétienne, à l'origine, le Stabat Mater est un texte liturgique datant du début du XIIIe siècle (attribué au franciscain Jacopone da Todi) qui fait référence aux souffrances de la Sainte Vierge au Golgotha : « La mère douloureuse se tenait debout/Au pied de la croix en larmes/Tandis qu’on y suspendait son Fils. » L'hymne qui évoque à la fois le Calvaire du Christ, les sept douleurs de sa mère et la Résurrection prochaine est particulièrement médité par les chrétiens pendant tout le carême, et tout spécialement lors des chemins de Croix des vendredis. Dans l'histoire de la musique, plusieurs compositeurs se sont emparés du Stabat Mater, parmi lesquels Pergolèse, Vivaldi, Rossini, Verdi et Scarlatti. C'est cette dernière version qu'a choisi de déconstruire la compagnie La Tempête, comme annoncé par Simon-Pierre Bestion (dossier de presse) : « Nous avons souhaité adapter l’œuvre de manière libre, païenne, sans la "terreur sacrée" que certain·es associent à toute démarche d’interprétation dès lors qu’il s’agit d’œuvres de répertoire. »

Sans grande surprise, le spectacle donné en 2023 au théâtre des Bouffes du Nord avait, à l'époque, fait les délices d'une certaine presse : « Un gros coup de cœur », pour la rédaction culture de France Télévisions, qui y voyait là « une sorte d'opéra baroque-rock euphorisant » ; « un objet inclassable […] d'oraisons antireligieuses » pour le site suisse Wanderer. « L’émotion naît du geste collectif, de cet affranchissement de la partition […] de ce placenta formé entre la scène et la salle », s'enthousiasme avec des mots choisis Opera Online (site des amateurs d'art lyrique) ; « Une vraie élégance formelle », exulte Libération. Seul le critique du Figaro, peu tombé sous le charme, dénonce « une mauvaise plaisanterie ».

« Des cardinaux à cornette, une gazinière en feu, une mère timbrée »

Et pour cause : sur scène, en lieu et place de la Vierge debout au pied de la Croix, « des éplucheurs de patates -"d'un genre indéterminé"-, des cardinaux à cornette dans un décor de bâches froissées, une mère timbrée aux prises avec sa gazinière en feu : une mise en scène irrévérencieuse (volontairement "burlesque et transgressive" du Stabat Mater de Scarlatti – une première – a résolument pris ses distances avec le caractère religieux de l’œuvre », annonce le théâtre de Caen. Les cardinaux « interprétés par deux hommes et deux femmes » sont singés, réunis dans « un conclave qui est surtout l'occasion d'une partie de rigolade : présenté comme un combat de coqs ou de cerfs (chacun utilise sa mitre en papier pour faire tomber celle des autres, et le dernier coiffé est sacré pape ». Tout cela, sur fond de musique de « Scarlatti version rock, musique brésilienne, free jazz (pendant que les artistes dansent, en transe) ». En bref, rien n'est épargné aux spectateurs plongés dans une « immersion sensorielle » infligée aux chrétiens qui n'ont rien demandé.

Une programmation et un financement qui interrogent

Dès lors, la programmation de cette pièce au moment du carême interroge. Car pourquoi choisir cette période, particulièrement, pour offenser des catholiques, dont les églises sont souvent profanées ou incendiées, dont la religion est régulièrement et très officiellement bafouée (voir l'affligeante parodie de la Cène de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques ou encore le spectacle Porte des ténèbres à Toulouse) et dont les chiffres officiels prouvent, une fois encore, qu'ils sont les premières victimes des actes antireligieux ?

Ses financements, ensuite. Les deux établissements culturels où se dérouleront les représentations de la pièce sont, comme leurs comparses, tenus à bout de bras par l'argent public des collectivités. En l'occurrence, sans sa ville (principal financeur à hauteur de 4.150.000 euros), sa région Normandie (515.000 euros), le ministère de la Culture-DRAC Normandie (397.300 euros) et l'État, le théâtre de Caen aurait depuis belle lurette fermé ses portes. Et la métropole de Rouen a, pour sa part, dû augmenter ses subventions (passées de « 1,3 million d'euros par an à 2,7 millions d'ici 2028 en complément de ce que verse la région Normandie - 7,5 millions annuels - et l'État - 1,4 million annuel ») pour maintenir sous perfusion son Opéra. De l'argent public sorti tout droit de la poche des Normands, parmi lesquels bon nombre de chrétiens qui auraient motif à protester.

Certains l'on déjà fait. À l'heure où nous publions ces lignes, les mairies de Caen et Rouen, le théâtre, l'Opéra concernés et la région Normandie contactés n'ont pas répondu aux sollicitations de BV.

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Sabine de Villeroché
Journaliste à BV, ancienne avocate au barreau de Paris

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