ENA, etc. : en finir avec tous ces « grands corps » malades ?
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Dans le train de mesures et de réformes détaillé jeudi dernier au cours de sa conférence de presse, le président de la République a annoncé son intention de supprimer l’ENA, l’École nationale d’administration, dont sont issus la plupart de nos dirigeants, et, dans la foulée, de mettre fin aux « grands corps » de la fonction publique.
On ne sait pas encore sous quelle forme s’opérera le changement ; on sait seulement que la valse des têtes couronnées de l’ENA, Polytechnique et autres boîtes à produire de l’entre-soi ne sont plus supportables. Et c’est peu dire que la revendication d’un toilettage de ces grands corps malades va bien au-delà des revendications en jaune.
Ce discours du nécessaire « coup de pied dans la fourmilière » est aussi celui qu’a tenu, sur Radio J, Nathalie Loiseau. Notre ex-ministres des Affaires européennes, aujourd’hui tête de liste LREM aux élections européennes, a dirigé l’ENA de 2012 à 2017, cela, bien qu’elle soit sans doute l’une des rares, dans la haute fonction publique, à ne pas en être sortie. Sa parole n’en a donc que plus de poids : « Je sais ce que j'ai pu faire pendant cinq ans à essayer de réformer cette école, il y a des choses que j'ai réussies, dont je suis fière, mais je sais aussi les limites auxquelles je me suis heurtée », dit-elle, soulignant notamment « le manque de diversité » des élèves. Ce que confirment également les « anciens ».
Ainsi Ségolène Royal, invitée d’Élisabeth Martichou, ce lundi latin sur RTL.
Ici, une parenthèse : Mme Martichou, tout sourire, lui dit en préambule : « Vous êtes une personnalité politique de première importance, la seule femme à être parvenue au second tour de la présidentielle dans notre pays… » On connaît, certes, la détestation de cette journaliste pour Marine Le Pen, notamment parce qu’elle utilise toujours un ton particulièrement agressif et méprisant lorsqu’elle l’interroge, mais pour « LA » journaliste politique de la station, c’est une faute grave que ses collègues ont dû rectifier dans les minutes qui ont suivi l’entretien.
Fermons cette parenthèse et revenons à Mme Royal.
Jeune énarque chérie de Mitterrand, qui lui offrit la carrière politique que l’on sait, elle reconnaissait elle aussi, ce lundi matin, qu’une sorte « d’aristocratie sociale » s’est installée au sein de l’école qu’elle a fréquentée. « L'ENA constituait un progrès considérable au moment où elle a été mise en place. À l'argent ou à la naissance, on a substitué le travail scolaire ardu. J'étais très fière de réussir ce concours auquel ma famille ne m'avait absolument pas destinée », dit-elle. Elle poursuit : « Ça s'est quand même dégradé dans la progression sociale. Je ne suis pas sûre que mon cheminement serait encore possible aujourd'hui. Il y a une sorte d'aristocratie sociale qui s'est constituée. Il ne faut pas tout jeter dans l'ENA mais il faut la réformer. »
Jacques Attali – et s’il en est un qui incarne cette classe insupportable à la nation, c’est bien lui ! – ne dit, d’ailleurs, pas autre chose. Invité par Frédéric Taddeï à nous faire découvrir son Paris à lui (Europe 1), il revisitait, l’autre jour, les quartiers de ses études et disait ceci, à propos de Polytechnique : « Quand j’y étais, il y a un certain nombre de décennies, dans ma chambre – on était six –, il y avait un fils de gendarme, un fils de paysan, moi j’étais un fils de commerçants, et seulement un fils de grands bourgeois… Aujourd’hui, la majorité sont des fils d’ingénieurs ou de professeurs. Autrefois, il arrivait des élèves de toute la France. Aujourd’hui, seuls deux lycées [parisiens, NDLR ] représentent la majorité des élèves de Polytechnique… »
« La sélectivité, ce n'est pas un gros mot, l'élite, ce n'est pas un gros mot », dit Nathalie Loiseau, « mais sans autre distinction que celle de leur vertu et de leur talent. »
Hélas, on en est loin…
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