Enquête : Des Français sont-ils morts en Ukraine ?

En France, un homme connaît bien le milieu des engagés français en Ukraine, et pour cause : il en est le principal recruteur. L’« Oncle Sam » (un nom d’emprunt) est le Français qui gère la logistique du départ des volontaires.
illustration jean ukraine

« Je regardais mon portable parce que je n’arrivais pas à dormir, quand j’ai entendu un missile tomber sur les stocks d’armement », nous raconte Mickael Sciacca, un volontaire de nationalité française servant dans les forces armées ukrainiennes.

Le dimanche 13 mars, au petit matin, la Russie a envoyé huit missiles de croisière sur la base militaire où stationne la Légion internationale de Yavoriv, comme le rapporte sur Twitter le gouverneur de la région de Lviv. Cette petite ville située entre Lviv et la frontière polonaise, à l’ouest de l’Ukraine, accueille des volontaires venus d’horizons divers pour combattre aux côtés des Ukrainiens. En février dernier, un volontaire français nous montrait l’ordre de mission reçu par courriel de l’ambassade d’Ukraine en France : « Vous passerez par le checkpoint de Karchova-Krakivets. Puis vous signerez votre contrat définitif à la base du Centre international pour le maintien de la paix et de la sécurité dans la ville de… Yavoriv. »

Y a-t-il eu des morts de nationalité française dans cette frappe balistique stratégique ? Originaire d’Alès, Mickael Sciacca, 40 ans, a laissé sa femme Clotilde et sa fille pour partir combattre en Ukraine contre la Russie. Le 13 mars, il poste une vidéo où on le voit courir en treillis de combat. Derrière lui, les bâtiments reconnaissables de la base des volontaires sont en feu. Quand nous lui demandons dans quel contexte il a tourné cette vidéo, il explique : « Je voulais prouver que j’étais vivant. » Dans une série de vidéos publiées en direct sur son compte Facebook (Mickael Sciacca les a rendues non accessibles en actionnant le mode privé), dans la matinée du dimanche 13 mars, il raconte sa fuite. « J’ai des copains qui sont morts », entend-on dans cette séquence impressionnante tournée avec son iPhone. Dans le fond du plan, un incendie provoqué par la frappe des missiles rougit le ciel. En sanglots, Mickael Sciacca, que ses camarades appelaient, sur la base, « le sergent », constate, paniqué : « La base a été détruite ! »

Joint par Boulevard Voltaire au téléphone, Mickael Sciacca précise les dégâts humains : « Il y a au moins un de mes amis français qui est mort lors de cette frappe, dit-il. Une fois le bombardement achevé, notre instructeur ukrainien a fait l’appel des noms inscrits sur un gros carnet, beaucoup de Français manquaient. » Selon le récit du volontaire à l’accent méditerranéen, les missiles ont touché la base, obligeant les survivants à fuir et à se cacher dans la forêt. Mickael Sciacca assure qu’il a pu réveiller sa section d’une dizaine de combattants français et l’évacuer. Une fois la menace éloignée, les survivants se sont regroupés autour d’un officier des forces de défense territoriale ukrainiennes qui aurait notifié l’ensemble des manquants, dont des Français, raconte toujours le volontaire. « L’instructeur appelait des noms à consonance française, personne ne répondait », nous raconte Mickael Sciacca. Sont-ils décédés ? Sont-ils partis ? Sont-ils revenus en France ? Il ne le sait pas.

En France, un homme connaît bien le milieu des engagés français en Ukraine, et pour cause : il en est le principal recruteur. L’« Oncle Sam » (un nom d’emprunt) est le Français qui gère la logistique du départ des volontaires pour l’Ukraine. Contacté par nos soins au téléphone, il évalue le nombre de victimes : « À mon avis, cinquante Français de la Légion internationale sont morts lors de l’attaque de la base. » En tant que responsable de l’acheminement des Français désireux de se battre en Ukraine, il a accès à plusieurs canaux Telegram et Signal (des applications de messagerie chiffrées). « J’ai vu passer au moins 50 messages concernant des camarades qui confirment que leur ami a été tué lors de cette frappe. » Ce coordinateur nous explique : « Quand on s’engage pour combattre en Ukraine, chacun échange son numéro avec les autres. Quand quelqu’un meurt au combat, son camarade prévient les autres sur les conversations, afin que la famille soie tenue au courant. J’ai vu une cinquantaine de cas comme cela. »

Des chiffres impossibles à confirmer pour l’instant, à prendre donc avec beaucoup de précaution. Nous avons contacté le Quai d’Orsay, qui s’abstient de tout commentaire. Il n’établit, pour l’heure, aucun bilan. Une semaine après le bombardement de la base militaire de Yavoriv, les autorités des différents pays engagés dans le conflit n’ont pas établi de bilan de pertes chez des volontaires français. L’Ukraine garantit même qu’aucun militaire étranger n’a été tué. Selon le gouvernement ukrainien, les missiles russes auraient tué 35 Ukrainiens et en auraient blessé 134. Côté russe, le ministère de la Défense considère que la cible de la frappe était bien les volontaires internationaux. « En conséquence de cette frappe, jusqu'à 180 mercenaires étrangers et une importante quantité d'armes étrangères ont été éliminés », a ainsi affirmé lors d'un briefing le porte-parole du ministère de la Défense russe Igor Konachenkov. Le ministre des Affaires étrangères russe Sergei Lavrov, cité par l’agence d’État Tass, avait par ailleurs lancé, le 10 mars : « Ceux qui abreuvent d’armes l’Ukraine doivent bien sûr comprendre qu’ils porteront la responsabilité de leurs actes. » Il avait aussi dénoncé le recrutement de « mercenaires » étrangers. « Ces pays créent un danger colossal, y compris pour eux-mêmes », disait-il.

Nous avons contacté et relancé à plusieurs reprises le ministère des Affaires étrangères français qui ne nous a, pour l’instant, donné aucune confirmation de morts chez les volontaires français lors de cette attaque. La représentante de la France à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, Muriel Domenach, questionnée le 17 mars à l’occasion d’un point presse du ministère des Armées, a évacué la question : « Cela ne concerne pas l’OTAN. »

La guerre en Ukraine garde ses secrets.

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Jean Bexon
Journaliste

Vos commentaires

68 commentaires

  1. Tiens tiens ! Le recruteur s’est donné le nom d’Oncle Sam. C’est la désignation claire du boute-feu de cette guerre. Pauvres Ukrainiens et pitoyables engagés étrangers qui ne servent que de chair à canon !

    • Et surtout qui ne comprennent pas la si Franche allusion « l’Oncle Sam » Mais évidemment cela ne veut rien. J’ai vraiment un mauvais esprit.

  2. quitte à passer pour un russophile, et de la même manière que les morts cachés suite au pseudo-vaccin, je ne les plains pas. Ils n’étaient pas obligés d’écouter à ce point les « St-Jean-bouche-d’or » (tel BHL) et d’aller se fourrer dans cette galère.
    « Mourir pour des idées, l’idée est excellente, moi, je risque de mourir de ne l’avoir pas eu, car tous ceux qui l’avaient, multitude accablante, en hurlant à la mort vont me tomber dessus » (Brassens)

  3. Je suppose que, comme naguère Chirac avec les combattants pro-républicains de la guerre d’Espagne, Macron va les considérer comme anciens combattants morts pour la France et indemniser leurs familles. S’il y en a 50, cela fait déjà plus que les militaires Français engagés au Sahel.

  4. Ils ne se battent pas pour la France et en France contre les terroriste islamistes , mais rejoignent une pseudo armée de l’ombre en Ukraine ! ils ont tellement l’habitude des jeux de guerre sur internet qu’ils vont se battre sans entrainement physique et sans comprendre qu’il risque une mort réelle et non virtuelle ! qu’espèrent ils ? sortir de leur immobilisme en se prenant pour des héros ???

  5. Tout est dit : mercenaires lesquels n’ont pas écouté I24 et le rejet de Zelinsky par Israel,
    considérant l’Ukraine comme une annexe corrompue de l’Otan et qui précise que leur président joue la comédie.

  6. J’ai du mal à comprendre qu ´une armée qui tombe en panne d’essence dispose de missiles qui volent à match 6 ou plus avec des statoréacteurs ou des spikes et les tirent sur une caserne avec une charge conventionnelle. Sachant que ces missiles, si ils existent coûtent un rein. Les observateurs satellites ne disent rien. Ce qui m’inquiete.

    • Propagande de la panne d’essence et de l’imprécision de l’armée russe et réponse : précision de leur frappe sur un stockage des armes US et des « volontaires » qui croyaient être figurants…

    • Les Russes n’ont sûrement pas envoyés leurs fameux missiles « hypersoniques ». Entre ce que l’on fait mine de trimbaler sur la Place Rouge le 9 mai et l’arme réellement opérationnelle et disponible en quantité, il y a souvent un gouffre. Il est nettement plus plausible qu’il s’agisse de simples missiles de croisière des générations précédentes. Il faut bien utiliser les stocks de munitions existantes.

  7. La guerre est une triste réalité avec ses horreurs et surtout ses morts. Le protagoniste principal de cette chronique semble découvrir cette évidence. Il y a bien de l’angélisme dans ces départs. Les réseaux sociaux et cette litanie permanente d’appels à la guerre sur les chaînes TV qui n’évoquent jamais les pertes militaires ukrainiennes sont un encouragement à ces départs parfois sans retour.

  8. Quelle peut bien être la motivation de ces individus pour aller « combattre » la Russie?
    Intoxication médiatique sur cerveaux faibles vraisemblablement.
    C’est la France qu’il faut libérer. L’Ukraine peut attendre.

    • Je suis sûr qu’ils sont partis avec leur masque et une bonne réserve de gel hydroalcoolique.

  9. Bombardés donc ils s’éparpillent, une fois terminé on s’étonne qu’il manque beaucoup de noms dans le petit carnet du chef , attendez un peut ils reviendront, faut rester groupir

  10. Si il y a des Français morts en Ukraine, c’est qu’ils l’ont bien voulu et je ne verserai pas une larme sur leur sort.

  11. Entre autres Le soit disant bombardement d’une maternité mis en scène par les «  bons «  à fait pschittttt
    Bref , ce guerrier aurait dû s’entraîner avant dans les centaines zones de non droit en France avant d’aller faire une vidéo en Ukraine…chez les racailles des banlieues , y a du boulot …et ils n’ont pas ( encore ) de missile

    • La « maternité de Marioupol » ressemble aux « couveuses irakiennes »…
      Zelansky fabrique des scénographies, qu’il a vu fomentée dans d’autres guerres américaines, et s’en sert pour appitoyer les bonnes âmes occidentales… triste joueur

      • Ce n’est pas lui. La seule responsable, c’est la CIA qui l’a placé au pouvoir et qui , en bonne américaine, est incapable de changer da propagande d’une guerre à l’autre.

      • Exact, mais Zelansky prend son pied dans son rôle où tous les « grands » l’idolâtrent. Ce mec est très dangereux…

  12. Je n’ai pas pleuré sur les « Francais » s’étant fait tuer en Irak, je ne pleurerais pas non plus sur ces mercenaires: ils savaient ce qu’il faisaient!

  13. Tout le monde n’est pas Bob Denard. Les affreux du Kantaga ou des Comores ça avait plus de gueule. La boue d’Ukraine ça manque d’exotisme.

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