[ENQUETE] L’Immaculée Conception, à Pau, nid de fachos ?

Capture d'écran Street View
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[MISE A JOUR du mercredi 11 septembre 2024] Ce 11 septembre, le rectorat de Bordeaux a rendu sa décision : le directeur de l’Immaculée Conception de Pau est suspendu dans ses fonctions pour une durée de trois ans. Il pourra néanmoins continuer à enseigner, selon son avocat.

Ce jour-là, vendredi 30 août 2024, ils l’ont applaudi à tout rompre. Quand Christian Espeso, directeur de l’Immaculée Conception, à Pau, a terminé son discours lors de l’assemblée générale durant laquelle il convoquait Hannah Arendt et Ferdinand Buisson, les professeurs et le personnel de l’établissement lui ont spontanément fait une ovation. La veille, il avait passé dix heures sur le gril, au rectorat de Bordeaux. On parle d’une convocation à quatorze heures trente et d’une fin de l’audition à plus de minuit. Il faut dire que l’ensemble scolaire est dans la tourmente depuis plusieurs mois - depuis que, le 1er février 2024, un article fielleux de Libération a braqué les projecteurs de la bien-pensance (et jusqu’aux sphères gouvernementales) sur cet établissement d’excellence.

Une inspection de l’« Immac » par le rectorat, menée par une douzaine d’inspecteurs, a débouché sur un rapport, qui est actuellement la seule base d’accusation et ne semble pas peser bien lourd face aux dizaines de témoignages (certains professeurs parlent de plus de 200) qui s’accumulent pour dénoncer certains articles de presse et regretter de ne pas avoir été entendus par les inspecteurs.

Boulevard Voltaire a décidé de mener l’enquête et de remonter aux sources de ce cas emblématique de harcèlement par la gauche.

Les faits reprochés : rien de concret, sauf l’excellence

Christian Espeso refuse catégoriquement de s’exprimer sur le sujet, mais les parents et les profs disent volontiers, eux, qu’ils ne comprennent pas ce que l’on reproche à cet homme - puisque c’est d’une attaque ad hominem qu’il s’agit. Directeur d’établissement dans les Pyrénées-Atlantiques depuis plus de vingt ans, M. Espeso ne semble pas avoir été rappelé à l’ordre pour ses résultats. Quand il arrive en 2013 à Pau, pour diriger l’Immaculée conception, les résultats sont catastrophiques, les effectifs en forte baisse et le commissaire aux comptes donne une année de survie à l’établissement si un plan de redressement sérieux n’est pas proposé. Dix ans plus tard, c’est le 4e meilleur lycée privé de France et le meilleur établissement du département, les listes d’attente ne cessent de s’allonger, les collégiens effectuent leur rentrée dans un collège tout neuf et une salle de sport construite entre-temps fait même la joie des clubs de l’agglomération paloise. Dix ans pendant lesquels le directeur a laissé toute sa place à la modernité pédagogique (sa « cellule innovation » tourne à plein régime et, de l’avis général, n’est pas nostalgique des Choristes)… et a même pris de l’avance sur les programmes de 2024, puisque les uniformes et les groupes de niveau, de retour en France en cette rentrée, sont en place depuis plusieurs années.

Pendant ces années, cependant, il semble également avoir accumulé une haine tenace et même recuite de quelques individus, puisque certains témoignages envoyés au rectorat datent, selon un membre de l’équipe pédagogique, d’une dizaine d’années. Ce que ces témoignages critiquent, c’est un état d’esprit. Selon ceux qui ont connu les premières années de sa direction, l’homme a renvoyé certains professeurs aux comportements déplacés, interdit certains ouvrages que les collégiens pouvaient consulter librement (des BD à caractère pornographique avec scènes d’inceste, un livre d’Anna Gavalda avec des scènes de sexe très crues dont une tournante…) et refusé le lien Internet renvoyant vers une vidéo de Roméo et Juliette sans Juliette, avec des garçons mimant des actes sexuels. Il a toujours assumé tout cela. Beaucoup de professeurs adhèrent à cette vision (que Libé, peut-être au vu de son passé, juge probablement rétrograde), d’autres non. Un état d’esprit, donc, que Libé, par insinuations successives, semble assimiler au royalisme, à l’intégrisme catholique, à l’opposition aux « valeurs de la République » et à un élitisme intellectuel.

Établissement royaliste ? Cela reste à prouver, dans un établissement dont le collège est arrivé premier, en 2024, au « rallye citoyen » organisé par la ville de Pau. Apparemment, Libé a bloqué sur les fleurs de lys de la chapelle et la conférence organisée, fin janvier, avec Reynald Secher, sur le génocide vendéen. La fleur de lys est un symbole marial et, si les chiffres du génocide avancés par Secher, élève de Pierre Chaunu et Meyer, sont discutés par la gauche, le fait, lui, est établi. De plus, le directeur et les professeurs d’histoire avaient aussi fait intervenir un universitaire palois, moderniste, pour porter la contradiction.

Établissement intégriste ? Parce qu’on dit la messe (en dehors des heures de cours…) dans une école catholique ? Habile. Et pourquoi pas antisémite, tant qu’on y est ? Il faudrait dire ça à M. Ribes, ce Juif observant qui a mis ses enfants à « l’Immac » et leur permet de suivre les cours d’instruction religieuse… Certains parents précisent même que l’Immaculée a été le seul établissement de Pau à inviter les représentants locaux de la communauté israélite pour leur témoigner un soutien sans faille après le 7 octobre. À cette occasion, les propos du directeur ont été filmés.

Établissement opposé aux valeurs de la République ? Il faudrait dire ça à Achille Muller, SAS français, héros de la France libre et résistant presque centenaire, ou encore à ce général qui commandait, jusqu’à l’été dernier, les Forces spéciales de l’armée de terre, et qui a témoigné par écrit en faveur de Christian Espeso.

Établissement élitiste et intello ? C’est oublier que le groupe scolaire s’est doté d’un centre de formation d’apprentis, sous la direction de M. Espeso justement, en plus du lycée professionnel qui existait déjà, un CFA qui a développé un dispositif prépa-apprentissage pour les jeunes en rupture, issus des quartiers dits prioritaires et des zones rurales.

Tout ça sent donc un peu la cabale : rien de concret, des sous-entendus, des clichés haineux contre les cathos ou les méthodes pédagogiques classiques, des compilations de faits tronqués. À la différence de ces ragots, d’ailleurs, les engagements et valeurs de l’établissement, eux, sont en ligne sur son site Internet. On se demande donc surtout à qui profite le crime. Alors, creusons un peu.

Une désinformation jusqu’en haut lieu : à qui profite le crime ?

D’abord, cette impression de cabale est renforcée par le fait que, du côté de l’inspection d’académie, on n’entende pas tous les profs de la même oreille. Selon les témoignages de plusieurs professeurs, au moins trois des dix ou douze inspecteurs qui ont investi l’établissement cette année, dont l’inspecteur « valeurs de la République », n’ont pas pris en compte les témoignages favorables des professeurs, ou plutôt qui leur déplaisaient ou ne leur convenaient pas. Or, les témoignages favorables étaient pourtant, de très loin, les plus nombreux, si on s’en réfère au nombre d’attestations (selon eux). C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, ces mêmes profs sont venus témoigner, fin août, au rectorat de Bordeaux. En revanche, cet inspecteur « valeurs de la République » n’a pas hésité à donner son numéro de portable à une déléguée syndicale de l’établissement, farouche adversaire du directeur.

C’est donc, à ce qu’il semble, une boucle très courte entre une poignée de syndicalistes (dont beaucoup, issus des syndicats du public, ne travaillent même pas au sein de l’établissement) et Libération, un journal d’extrême gauche sous perfusion d’argent public. 2.600 élèves, 1.800 familles, une santé financière florissante dont semblent témoigner les rénovations en cours, un palmarès académique admirable… Tout ça aurait pu sauter, parce que l’Éducation nationale a écouté Libé et, prise de panique, a envoyé ses inspecteurs pour terroriser profs et élèves… et, peut-être, décourager les parents.

À Pau, en effet, personne, jusqu’ici, n’était au courant que l’Immaculée Conception, sous des dehors souriants, était en fait une Junkerschule pour petits SS : ni les ingénieurs de Total ou Safran, qui sont habitués au multiculturalisme, ni les pilotes d’hélico ou les parachutistes qui servent la République, ni les habitants des vallées pyrénéennes (terres peu suspectes d’être d’extrême-droite, même aux yeux de Libé) ne s’en étaient aperçus.

En fait, il est proprement hallucinant qu’une poignée de profs, en transmettant un dossier à un journal, imposent leur tempo au ministère de l’Éducation nationale. C’est d’autant plus incroyable qu’il s’agit d’un véritable revival historique sur trois siècles de gauchisme éducatif : laïcité étroite qui n’est dirigée que contre le catholicisme (le meilleur des années 1790) ; guerre scolaire, y compris contre la volonté des parents, puisque l’établissement affiche complet (le meilleur des années 1880) ; volonté d’imposer à toute force une pédagogie « nouvelle » (mais plus tant que ça, désormais) dont même Gabriel Attal est revenu (le meilleur des années 1970). La nuit des morts-vivants.

Alors, pourquoi ça ? La recherche de boucs émissaires au naufrage de l'Éducation nationale ? La haine de l’excellence ? En tout cas, le « jugement dernier » annoncé par Libé le 29 août aura lieu le mercredi 11 septembre. Le rectorat notifiera sa décision au directeur de l’établissement. On verra bien.

 

Note : contacté par BV, le rectorat de Bordeaux n’a pas répondu à nos questions.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 12/09/2024 à 9:19.
Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

47 commentaires

  1. Pour avoir été élève à l’Immac il y a quelques décennies puis y avoir mis mes enfants ces dernières années je tombe de haut. Jamais je n’ai constaté ni les enfants vécus ce qui est reproché à ce directeur. Mes enfants après avoir eu leurs bac avec mention poursuivent d’excellentes études. Alors tout simplement je remercie Monsieur Espeso et son équipe pédagogique. C’est une honte, l’éducation nationale serait plus inspirée de faire que les lycées de France soient aussi performants !!!

  2. Ces profs syndicalistes opposés au directeur sont payés par l’Etat, ce sont des « cheval de Troie » qui sévissent, hélas, un peu partout dans les établissements sous contrat ! Nous avons un nouvel exemple, après l’affaire de Stanislas, d’un acharnement contre les établissements d’excellence voulu par le ministère de la rééducation nationale !

  3. C’est curieux mais je connais des enseignants, dont quelques enseignantes, qui vont régulièrement vociférer dans les manifs mais qui ont pris soin de faire instruire leurs enfants dans des établissement privés.
    Quelqu’un pourrait-il m’exliquer cette anomalie ?

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