Enseignement : dans ce domaine aussi, Macron entretient l’illusion

école professeurs

Les plus lucides avaient depuis longtemps sonné l'alarme : voici qu'à quelques semaines de la rentrée, les autorités prennent conscience de la crise du recrutement. Alors, on improvise, on organise des job dating pour recruter des vacataires. Une journaliste de BFM TV s'est fait passer pour une postulante et a relaté son expérience. Instructif !

Elle s'est portée candidate dans trois départements d'Île-de-France pour enseigner dans les écoles primaires : elle a été accueillie comme le Messie. Pour postuler, dit-elle, il suffit de satisfaire à trois conditions : « Être titulaire d'une licence, avoir un casier judiciaire vierge et être mobile au sein du département. » Avec une licence de lettres modernes, sans mentionner son diplôme de journaliste qui eût été rédhibitoire, elle avait toutes ses chances. Quelques jours de formation et, hop ! on vous envoie devant une classe.

La journaliste n'est pas allée jusqu'au bout, elle s'étonne qu'on puisse recruter aussi facilement quelqu'un qui n'a aucune connaissance des programmes, aucune expérience pédagogique, aucune familiarité avec le fonctionnement d'un établissement, seulement assurée d'avoir la visite d'un conseiller pédagogique... deux fois dans l'année. Les autorités tentent de rassurer les parents légitimement inquiets. L'important, c'est de pouvoir dire, jeudi prochain, que la rentrée s'est bien passée et qu'il y avait un professeur devant chaque classe. Dans ce domaine aussi, le macronisme, c'est l'illusion.

Pourtant, le métier de professeur ne s'improvise pas. Il a beau y mettre de la bonne volonté, quelle instruction peut donner quelqu'un qui n'a que des connaissances lointaines des matières qu'il doit enseigner ? Au mieux, il suivra docilement les recettes du « livre du maître » ou se montrera un bon animateur. Après tout, n'a-t-on pas voulu faire de l'école un « lieu de vie », oubliant que c'est le lieu du savoir ? Dominer sa discipline, s'adapter aux élèves, asseoir son autorité sans devenir tyrannique, « élever » les élèves : tout cela ne s'improvise pas.

Elle démissionne au bout de cinq mois

D'autant plus que le métier devient de plus en plus difficile, voire impossible. Même des professeurs titulaires s'y épuisent. Comme Léa, ce jeune professeur de lettres classiques dont France Info raconte l'histoire : « Une vocation, explique-t-elle. J’ai idéalisé cette profession en me disant : un prof, c’est charismatique avec ses élèves, cela détient des savoirs pour les transmettre. » Elle a vite déchanté : un collège loin de son domicile, une surcharge de travail pour préparer ses cours, toutes les activités annexes qui ne sont pas comptabilisées... Elle a fini par démissionner.

Chaque année, de jeunes professeurs démissionnent : ils veulent survivre. Le ministère n'en fait pas la publicité, continuant de sauver les apparences. On manque de titulaires ? Qu'on recrute des contractuels ! Pour fidéliser ces vacataires, on soigne leurs affectations, on leur promet une titularisation rapide. Les titulaires, on leur fait miroiter une revalorisation financière, sans en préciser le calendrier. Du haut de son Olympe, Macron assure aux professeurs qui travailleront plus qu'ils gagneront davantage, laissant ainsi entendre à l'opinion que les enseignants sont en général des jean-foutre.

Le gouvernement fait du bricolage pour faire croire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Le ministre, qui a vite adopté la langue de bois, participe à l'organisation de cette grande illusion. Il sait, mieux que personne, ce que devient l'Éducation nationale, mais charité bien ordonnée commençant par soi-même, il a mis ses propres enfants à l'abri.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

21 commentaires

  1.  » Le ministre, qui a vite adopté la langue de bois, » Il ne l’a pas adoptée, il est né avec.

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