Enseignement : la crise sanitaire donnera-t-elle de mauvaises idées à Jean-Michel Blanquer ?
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Jean-Michel Blanquer n'a pas de chance : il doit parfois regretter d'avoir accepté un maroquin, d'autant plus que la rue de Grenelle n'est pas une sinécure. Le voilà donc à la manœuvre dans un domaine particulièrement touché par les effets de l'épidémie, puisque les écoles, collèges et lycées sont fermés jusqu'à nouvel ordre.
Il est vrai que, comparé à d'autres ministres, il détonne par son air sévère qui ne le quitte jamais. À côté de Sibeth Ndiaye, l'écervelée, il fait figure de mentor, ce qui sied au précepteur en chef de notre jeunesse. Reconnaissons que personne n'aimerait être à sa place, mais ses déclarations intempestives pourraient lui jouer des tours. Ainsi, quand il annonce, ce dimanche, dans Le Parisien, que « le scénario privilégié est celui d'un retour en classe après les dernières vacances de printemps, le 4 mai », on se demande s'il ne prend pas ses désirs pour la réalité. Il admet, d'ailleurs, que la décision reste tributaire de l'évolution de l'épidémie.
Ce n'est pas tant l'interruption des cours qui pose problème. De longues grèves, dans le passé, n'ont pas rogné les pourcentages de succès au baccalauréat. Si, à ce stade, « la principale option » reste le maintien du bac et du brevet en fin d'année, d'autres hypothèses sont à l'étude, comme « la prise en compte, importante ou partielle, du contrôle continu ». Une telle perspective va ravir les défenseurs d'un baccalauréat national, qui trouvent déjà bien des défauts à la réforme en cours ! Le ministre a également démenti un courrier lui prêtant « la ferme décision de reporter les vacances d'été » : « J'ai porté plainte pour identifier les auteurs de ce faux », a-t-il confié au Parisien.
Dont acte, mais les auteurs de ce canular se trompent de cible. La question n'est pas de savoir si les vacances d'été des élèves et des professeurs seront raccourcies, mais de déterminer toutes les conséquences du confinement sur l'organisation de l'enseignement : quid des concours d'accès aux grandes écoles reportés sine die ? Quid des concours de recrutement de professeurs, brutalement interrompus ? Quid du dispositif Parcoursup, des affectations dans l'enseignement supérieur ? Tout cela va prendre un retard considérable.
Sans compter que cette situation pourrait donner de mauvaises idées à ceux qui les croient bonnes : à quoi bon des examens exigeants, des concours de recrutement, tout ce qui ressemble à une sélection ? Il est des gens pour penser, jusque chez nos « élites » qui crachent facilement dans la soupe, que tout ce système coûte cher et n'est pas démocratique, qu'il ne tient pas assez compte de la diversité, qu'il vaudrait mieux instaurer un système de quotas et tutti quanti... Tant il est vrai que, depuis des années, les intérêts des ultralibéraux et des idéologues égalitaristes se conjuguent pour faire de l'enseignement un moule de normalisation.
Bien plus ! L'enseignement à distance, dans lequel se sont lancés beaucoup de professeurs – sans, pour la plupart, avoir reçu de formation spécifique –, sera-t-il promis à un grand avenir ? Si on palliait le déficit d'enseignants en profitant des ressources de l'informatique ? De nombreux rapports sur le numérique ont été publiés, ces dernières années. La tentation pourrait être grande, après cette expérience imposée par la crise sanitaire, de généraliser la « société du numérique » en réduisant le nombre de cours « magistraux » (quel terme réactionnaire !). Cela permettrait à la fois de faire des économies et de former les élèves en fonction des seuls besoins du marché.
La crise du coronavirus pourrait être l'occasion de révolutionner l'enseignement : pour le meilleur ou pour le pire ?
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