Ensemencer d’urgence en céréales les jachères françaises

Les prévisionnistes, agro-économistes ou spécialistes des marchés internationaux constataient, dès la fin 2021, une augmentation des prix mondiaux des céréales de +31 % en un an (réf : ONU-FAO, 4 novembre 2021). Ce 3 mars, les cours des céréales de base (blé, maïs) viennent soudain encore d'augmenter de 20 %. Certes, il s'agit en partie de mouvements spéculatifs liés à une anticipation et/ou à un début de panique dû à l'atroce, soudaine et inattendue guerre menée par Poutine contre l'Ukraine. Car, parmi les grands fournisseurs mondiaux, l'Ukraine abonde à un niveau énorme de 12 % les exportations de blé. L'Ukraine exporte aussi la moitié de l'huile de tournesol mondiale. Peu peuplée, mais disposant de terres exceptionnelles, l'Ukraine approvisionne des pays très largement tributaires. Ainsi en 2020-2021, l’Afrique du Nord est devenue le premier importateur mondial de blé, en particulier l’Égypte, avec 43 % du total des achats réalisés (département de l'agriculture amérricain - USDA). Mais on mentionnera aussi l’Asie du Sud-Est, l’Afrique subsaharienne et le Moyen-Orient comme autres grands consommateurs mondiaux de blé.
La guerre peut-elle effondrer la production et les exportations de blé ukrainien ? Sans nul doute, mais on ne sait pas encore de combien. En effet, personne ne peut dire, à ce jour, combien de temps le conflit durera ; et, donc, quel sera l'état des dévastations à la fin de la guerre ? En outre, on ne sait pas ce qu'il restera des moissonneuses, des trémies et des silos, et des usines de fabrication de ces matériels. Enfin, dans quel état seront, après les bombardements par les Russes des stocks, des installations portuaires spéciales et des navires céréaliers ukrainiens, lorsqu'il faudra exporter ce qui restera des pauvres moissons de l'été 2022, si la guerre devait durer ?
La France est exportatrice de blé mais elle n'abondera pas suffisamment les besoins alimentaires des pays du Sud : chaque jour de guerre en plus rapproche l'humanité d'une disette alimentaire sévère, porteuse en outre de guerres civiles.
Or, la France dispose de réserves de terres arables laissées en jachères du fait d'une politique agraire bruxelloise absurde. La France dispose de 18 millions d'hectares de terres arables, dont 9 millions consacrés aux céréales. Et il demeure 523.000 hectares en jachère forcée (agreste.agriculture.gouv.fr, 2020). Même si, dans l'urgence, les agriculteurs français ne parvenaient à ensemencer que la moitié de cette réserve foncière, leurs efforts produiraient environ 2.000.000 tonnes de blé supplémentaires. De quoi limiter pour l'avenir la pression sur les prix de la farine panifiable qui a déjà conduit en France à une augmentation du prix du pain de 20 centimes la baguette en janvier dernier. On peut semer du blé et de l'orge au plus tard jusqu'à fin mars : le temps presse, donc, terriblement. Car la paupérisation d'une partie des Français, désormais très inquiétante, ne saurait être aggravée sans de vastes conséquences.
Une telle mesure est-elle compatible avec la PAC ? D'abord nécessité fait loi et les vrais juristes (pas les légistes ordinaires) trouveront, en outre, dans le traité des arguments pour légitimer, dans l'urgence, la déjachérisation. Les articles 39 et 44 TFUE assignent comme but à la PAC « [...] de stabiliser les marchés [...] d'assurer des prix raisonnables aux consommateurs [...]. » Ces textes envisagent aussi que « dans un État membre un produit fasse l'objet d'une organisation nationale du marché ».
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69 commentaires
La politique agricole bruxelloise est une aberration pour l’agriculture française; la France c’est fait avoir une fois de plus.
Par ailleurs, il y a quand même peu de risque pour que l’armée russe détruise la production céréalière ukrainienne; ses objectifs sont différents.
Vous êtes très…optimiste ?
Le ravage des ports, des usines, des voies de communications, des hangars…
A la vitesse de réaction des non élus, il va falloir longtemps pour obtenir une réaction. D’ici à ce qu’elle soit cohérente…
Très bon article
» 2020-2021, l’Afrique du Nord est devenue le premier importateur mondial de blé » !
J’ai souvenir, de mes jeunes années où l’Algérie était « le grenier à blé » de la France. Mais grâce à la magie du pétrole et du gaz,depuis 1962, les terres algériennes sont redevenues les friches de 1830 !! J’exagère à peine.
Ce serait une belle façon de montrer que les Français peuvent être acteurs citoyens, et non les marionnettes des administratifs dans leurs bureaux, ou de Monsanto avec l’interdiction de disposer de ses propres semences.
Et la symbolique est belle, porteuse d’avenir.
Enfin un article plein de bon sens paysan!
parole de non-paysan ..Et quid du remembrement imposé par Bruxelles en 1949-51 , qui a forcé les pov’paysans à abandonner leur champs de patates vivrières au profit de méga-exploitations de centaines d’hectares aux mains de « gentleman- farmers » ( franc-maçons aussi ? ) pleins aux as dans les grandes plaines de la beauce/brie; et à faire quotidiennement 5 km à pied pour continuer à ensemencer/récolter le fourrage de leurs bêtes sur 1 hectare isolé n’appartenant pas » de tradition » à la famille ?
Mon grand père a été spolié de ses terres proches du village au profit des gros propriétaires terriens.
C’est tellement évident que nos ’’ intelligents’’ de l’Europe et de l’ENA n’y ont pas pensé.
Mais bon , Maltus avait raison.
Grâce à l’UE et l’OTAN la France v amanquer de gaz et de blé, entre autre autre. Vont-ils après l’ensemensement de jachères tirer le gaz de shiste se trouvant sous l’ile de France (histoire de voir si Paris s’enfonce ou pas) ? Vive Zemmour et Marion etc pour nettoyer cette chienlit.
La France ne manquera pas de blé (elle exporte) mais les prix vont augmenter
J’ai constaté qu’en plaine champenoise les céréaliers ont entrepris une campagne massive de semences de blé, pour nourrir les français, ou pour faire du pognon ?
Excellente idée.
Quel sera l’état des dévastations à la fin de la guerre ? Car le passage de centaines de chars à chenilles de 60 tonnes à travers les champs ensemencés non seulement détruit
les promesses de la récolte 2022 mais peut tasser le sol au point de le rendre stérile pour longtemps.
Le « timing » est bon . La terre dégèle et si les Russes ne veulent pas s’embourber ils vont rester sur le macadam .
Techniquement les chars exercent une pression au sol inférieure à celle des véhicules à roues. Cela dit les chenilles ne sont pas fertilisantes
Si nos grands dirigeants en avaient, ils donneraient des consignes de circonstance en faisant fi des politiques absurdes.
Mais malheureusement, on a des imbéciles qui préfèrent nous emmener dans le mur en étant un élève modèle de l’UE.
la bêtise européenne la première chose à combattre , ensuite le temps qui presse , et le climat incertain . Que penser de l’Ukraine qui veux entrer dans ce machin .
Qui, en Ukraine, demande cela? Au profit de qui?
Également, il serait bien de signifier aux agriculteurs leur utilité, de valoriser leur travail que des décennies de mépris et de soumission à Bruxelles et aux lobbies agroalimentaire ont mis à mal. Une terre non travaillée pour nourrir les populations est une hérésie. Des subventions et des jachères avec une éolienne au milieu n’ont jamais remplacées la fierté du travail de la terre .
Bien dit
Bien vu
Quand les français se serreront très fort la ceinture, ils regretteront les agriculteurs nombreux qui peuplaient la France dans les années 40 et ont permis de nourrir très chichement mais suffisamment le pays pendant la guerre, malgré les énormes réquisitions de l’occupant.
A l’époque l’agriculture étant encore peu mécanisée et les élevages de chevaux de trait nombreux, les paysans n’étaient dépendants ni du gaz ni du pétrole. Le niveau des récoltes n’a guère fléchi.
Effectivement avec cette guerre qui risque de durer des mois , il faut revoir la politique de jachère. Notre gouvernement actuel saura il influencer rapidement les décisions de l’UE ? Ou sera t il assez clairvoyant pour passer outre les décisions de l’UE . Avec Macron , président de l’UE , on le voit mal aller à l’encontre des règlements de la PAC .
Bien dit
Bien vu
Il suffirait de laisser les acteurs privés faire leur boulot !