Enterrement des terroristes : cachez ces morts qu’on ne saurait voir
En mars 2012, lors d’un parcours meurtrier dans le sud-ouest de la France, Mohammed Merah assassine sept personnes : trois militaires dont deux musulmans, ainsi qu’un rabbin et trois enfants juifs. Merah est finalement abattu le 22 mars à son domicile par le RAID.
Merah interdit d'Algérie
On pense alors l’affaire close, mais elle ne l’est pas tout à fait. Dans un premier temps, il est prévu que le terroriste soit enterré en Algérie, à la demande de sa famille. Mais l’affaire a fait tant de bruit que le gouvernement algérien refuse d’accepter le corps pour des raisons « d’ordre public ». Pourtant, Mohammed Merah est de père et de mère algériens, sa nationalité algérienne est donc automatiquement reconnue. Officiellement musulman, il doit absolument être enterré dans les 24 heures, et l’est donc finalement, en urgence, à Toulouse. La polémique s’installe, le père de Mohammed menace la France de procès, la mère dit craindre que la tombe soit profanée, d’autres qu’elle ne devienne, au contraire, un lieu de pèlerinage… puis quelques années passent avant que Merah ne refasse parler de lui, sous la plume d’Éric Zemmour. Dans La France n’a pas dit son dernier mot, le futur candidat à la présidentielle évoque l’affaire et précise que Mohammed Merah et les enfants juifs qu'il a tués « n'appartenaient pas à la France ». Son raisonnement s’appuie sur la volonté familiale d’enterrer le terroriste en Algérie et sur le fait que ses trois petites victimes ont été enterrées en Israël. Ces assertions déclenchent la polémique, et Éric Zemmour s’excuse finalement auprès de la famille des trois victimes.
Le 7 janvier 2015, les frères Chérif et Saïd Kouachi pénètrent dans les locaux de Charlie Hebdo, où ils massacrent à vue. Bilan : douze morts et onze blessés. Leur cavale s’arrête dans une imprimerie à Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne), où ils sont abattus par le GIGN. Entre-temps, le 8 janvier, un certain Amedy Coulibaly, complice des Kouachi, tue une policière à Montrouge et, le 9, il prend des otages dans la supérette Hyper Cacher de la porte de Vincennes, où il tue un policier avant d’être lui-même abattu par la police.
Un enterrement sans Charlie ni trompette
La mise en scène de la solidarité « Je suis Charlie » ne suffit pas à balayer les craintes des autorités françaises : la condamnation est loin d’être unanime, au sein de la communauté musulmane, même si une prudente discrétion voire le silence sont le plus souvent de mise. Du moins en France, car dans certains pays musulmans, la fête bat son plein. Dès lors, comment et où les enterrer sans risquer de faire de leurs funérailles une manifestation pro-djihadiste et de leur sépulture un lieu de pèlerinage ? Les trois terroristes sont, finalement, enterrés dans leurs villes de résidence, comme l’autorise la loi française : Chérif Kouachi à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), Saïd Kouachi à Reims (Marne) et Amedy Coulibaly à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine). Mais tous le sont de façon anonyme, sans marquage sur les tombes, comme la même loi en donne la possibilité aux maires.
Le 16 octobre 2020, le terrorisme frappe, cette fois-ci, le milieu enseignant, à Conflans-Sainte-Honorine (Val-d’Oise). Pour avoir montré en classe des caricatures de Mahomet parues dans Charlie Hebdo lors d’une séance pédagogique, Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, déclenche l’ire d’un parent d’élève. Son adresse est ensuite diffusée sur les réseaux sociaux et il est suivi, attaqué et décapité en pleine rue.
Hommage tchétchène
Son assassin, Abdouallakh Anzorov, un Tchétchène de 18 ans, est abattu par la police. Né à Moscou et de nationalité russe, il est alors transféré sur le sol russe le 5 décembre. Malgré toutes les précautions prises pour que l’enterrement se fasse dans la discrétion, des photos et vidéos en sont publiées sur les réseaux sociaux. Comme le relate Le Monde, on y voit « une foule d’environ 200 personnes accompagner le cercueil vers le cimetière du village, sous la neige [alors que] la police locale avait fermé les accès au village dès la réception du corps, pour éviter qu’une foule plus importante se joigne à la cérémonie ». Un article du quotidien local Novaïa Gazeta nous apprend que les Anzorov sont une grande famille, le plus grand clan local, ce qui expliquerait l’affluence. Mais que le rapatriement et l’enterrement local n’auraient pu avoir lieu sans l’assentiment de Ramzan Kadyrov, le dirigeant de la République tchétchène. Et que s’il est habituel d’entendre réciter des sourates du Coran dans ces cortèges, les « Allahou Akbar » le sont moins. Et Le Monde d'en conclure que « vu la manière dont a été présenté l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine dans la région, il est difficile de ne pas y voir un message plus politique que religieux ».
Tout cela aurait sans doute fait beaucoup plus de bruit en France qu’en Tchétchénie, si la mort de Samuel Paty n’avait suscité chez nous nombre d’autres interrogations, débats et polémiques quant aux complicités, modes opératoires et absence de soutiens qui entourent ce drame.
Mais force est de constater que du fait de la charge émotionnelle qui émane de ces attentats, leurs auteurs sont presque plus bruyants morts que vivants.
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