Entre affaire Polanski et affaire Dreyfus…

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Depuis trop longtemps, la France a une fâcheuse tendance à toujours se trouver à la traîne des USA, nation dont l’industrie exportait naguère, en nos contrées, sexe libre, tabagie glamour, alcoolisme chic et gauchisme cool.

Mais chassez le naturel et il revient au galop qu’on sait. Puritains furent les Américains, puritains ils demeurent. Et puritains sommes-nous en train de devenir. La preuve par la énième « affaire » Roman Polanski. On sait à quelles turpitudes ce dernier se serait jadis livré, dans sa villa hollywoodienne. Accusé du viol d’une fille de treize ans, Samantha Geimer, en 1977, celle-là a depuis pardonné. Aux USA, mieux vaut un bon arrangement qu’un mauvais procès.

Depuis quelques jours, c’est une autre affaire, millésime 1975, qui fait la une des gazettes, concernant cette fois une photographe française, Valentine Monnier, qui aurait eu affaire à lui. Entre-temps, quatre autres plaintes ont été déposées pour des faits similaires remontant à la même époque, sans suites judiciaires probantes.

Bon, que Roman Polanski ait pu commettre des violences sexuelles, voilà qui ne laisse guère de place au doute. Ce qui, en revanche, pourrait être douteux, c’est le fait que - ambiance de l’époque aidant - nombreuses soient les candidates à tenter de se faire un peu de sous et de renommée sur son dos ; surtout pour des histoires remontant à près d’un demi-siècle.

Mais bon, après, voilà : ça couche plus dans le cinéma que dans le notariat, tout le monde le sait et il faudrait être bien sot pour s’en étonner. En revanche, il est assez réjouissant de voir ces vedettes du show-biz qui, il n’y a pas si longtemps, n’avaient pas de mots assez sévères pour flétrir hommes et femmes politiques en évoquant le strict minimum de décence nécessaire au bon fonctionnement de notre société, jouer aujourd’hui les parangons du nouvel ordre moral.

Ainsi, le vaillant Jean Dujardin, pourtant héros, avec Louis Garrel, du dernier film du même Roman Polanski, J’accuse, inspiré de l’affaire Dreyfus, a-t-il annulé au dernier moment sa venue à la messe dominicale du JT de TF1 du 10 novembre dernier, histoire de ne pas avoir à répondre à des questions qui auraient pu se révéler gênantes. Quel courage ! Si l’infortuné Albert Dreyfus avait été défendu par des avocats de cet acabit, il serait encore au bagne de Cayenne.

Pareillement, les interventions programmées sur France Inter et France 5 de Louis Garrel, interprète du capitaine que vous devinez, ont-elles été également annulées. Le plus croquignolet, c’est que Louis Garrel est le fils de Philippe Garrel, cinéaste emblématique de cette époque où il était justement interdit d’interdire…

Pour sauver l’honneur des professionnels de la profession, c’est toujours cette vieille réactionnaire de Catherine Deneuve qui s’y colle : « La plupart des gens ne connaissent pas la réalité de l’affaire » ; « affaire » Polanski et non point Dreyfus, précisons. Même son de cloche chez le réalisateur Costa-Gavras, lequel affirme que « le pardon est nécessaire dans la société ». Du côté du directeur de la Mostra de Venise, Alberto Barbera, on estime « qu’il faut faire une distinction très claire entre l’homme et l’artiste » ; ce à quoi une certaine Iris Brey, qui donne dans le « représentation du genre au cinéma », rétorque : « Séparer l’artiste de l’œuvre, c’est une question qu’on ne réserve qu’aux hommes. »

Pour le reste, on constatera que les temps changent et que le poids des réseaux communautaires évolue. Pour résumer, en d’autres temps, pas si lointains, les contempteurs de Roman Polanski auraient été poursuivis pour antisémitisme ; désormais, ce sont ses derniers défenseurs qui le sont pour misogynie.

Il y a là matière à ample réflexion.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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