Entre Brexit et coronavirus, Boris Johnson tourne la page du thatchérisme…
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Quand Margaret Thatcher, le 4 mai 1979, entre au 10 Downing Street, pour n’en sortir que le 28 novembre 1990, c’est la fin d’un monde qui se profile à l’horizon. Il est vrai que, dans le même temps, allait s’achever un autre cycle : celui du communisme, à sa sauce soviétique comme maoïste.
Bref, rompant avec la tradition travailliste anglaise – même si l’Angleterre, patrie du libéralisme, à l’instar des USA, est aussi terre historiquement socialiste –, ce Premier ministre hors normes enclenche alors un cycle néolibéral que l’on sent désormais en voie d’achèvement.
Ainsi, pour son premier budget, Boris Johnson, son actuel successeur, est-il en train d’accomplir une sorte de révolution copernicienne en prônant une ambitieuse politique d’interventionnisme étatique en matière économique ; ce qui aurait pu, ces dernières années, s’apparenter au blasphème. Selon Le Monde, deux cents milliards d’euros seront donc investis, les cinq prochaines années, dans les infrastructures routières, la recherche et la remise à niveau d’un système social bien mal en point ; voilà qui n’est pas rien.
Étant donné l’actuelle conjoncture, le champion du Brexit joue sur du velours : crises financières à répétition, inégalités sociales se creusant jusqu’à prendre des allures de fossés de plus en plus infranchissables et, surtout, mondialisation forcenée, dont la crise sanitaire qu’on sait est en train de démontrer les limites. Pour mettre cette politique atypique en œuvre, il a choisi un homme aussi insaisissable que lui : son jeune ministre des Finances – il n’a pas encore quarante ans –, Rishi Sunak.
Ce dernier, issu d’une famille indienne, originaire du Pendjab, installée en Afrique de l’Est avant de venir faire souche à Southampton, est un pur produit de la méritocratie anglaise, précise Le Monde. Depuis longtemps membre du Parti conservateur, il a été l’un des plus fervents partisans du Brexit, estimant qu’une fois sortie du carcan européen, la Grande-Bretagne sera « plus libre, plus juste et plus prospère » ; point de vue qui en vaut bien un autre. Une telle promotion à un ministère si stratégique a, évidemment, étonné plus d’un observateur politique. Mais Boris Johnson est coutumier du fait.
En effet, si l’homme peut se révéler être parfaitement conservateur sur tel ou tel sujet, plus sur la sécurité que les questions sociétales, le moins qu’on puisse prétendre est qu’il n’a pas tout à fait la hantise de « la diversité »… D’ailleurs, le prédécesseur de Rishi Sunak n’était-il pas Sajid Javid, d’origine pakistanaise, lui ? D’ailleurs, Boris Johnson n’a jamais fait mystère de ses ascendances turques – Ali Kemal, son arrière-grand-père, fut ministre de l’Intérieur de l’Empire ottoman, en 1919 –, tandis que sa deuxième épouse, Dip Singh, était, elle, aussi originaire du Pendjab…
Et c’est de la sorte que semble se conclure la parenthèse libérale initiée, de l’autre côté de la Manche et de l’Atlantique, par Margaret Thatcher et poursuivie par Ronald Reagan, avant de devenir loi d’airain sur le Vieux Continent. Aujourd’hui, Donald Trump, tout comme Boris Johnson, paraît en revenir à une vision plus dirigiste de l’économie.
Et la France, dans tout cela ? Toujours un peu à la traîne, finalement. En 1981, François Mitterrand entendait redonner ses lettres de noblesse au colbertisme, même si mâtiné de gaullo-communisme, avant, en 1983, de se convertir à la fois au libéralisme et à l’européisme. Nous en sommes toujours là.
La preuve en est qu’aujourd’hui, l’Élysée est occupé par un jeune Valéry Giscard d’Estaing, les cheveux en plus et la prestance en moins, s’entêtant à prôner une sorte de libéralisme avancé. Un peu comme on dirait d’un fruit blet ou d’une viande plus très fraîche.
Il fut une époque où notre pays donnait le la en matière d’élégances politiques, voire en élégance tout court. Il ne serait pas incongru d’en revenir à ce qui fut autrefois la norme.
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