Entre corruption diplomatique et tourisme « muslim-friendly » : comment Erdoğan tisse sa toile
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On trouve, ce matin, deux informations "qui posent question", comme on dit dans les médias branchés. Dans Le Point, un document sur « les combines des religieux d’Erdogan ». Combines qui nous touchent au premier chef puisqu’elles concernent l’ambassade de Turquie et l’Union turco-islamique des affaires religieuses en France (la DİTİB). Le second papier est une longue enquête de Marion Fontenille sur le site Slate.fr : alors que le tourisme ordinaire y est en chute libre depuis la tentative de coup d’État contre Erdoğan et les représailles musclées qu’elle a entraînées, un autre tourisme affiche les chiffres d’une croissance fulgurante : le tourisme « muslim-friendly ».
Le Point, donc, nous dit avoir eu accès à « des centaines de documents diplomatiques » révélant les pratiques douteuses de l’islam consulaire en France. L’ambassade de Turquie et la DİTİB, qui gèrent ainsi 202 imams détachés par Ankara et 264 mosquées sur notre territoire, sont en réalité coiffées par la Diyanet, « puissante administration turque qui structure “un clergé d’État” musulman ». C’est elle qui envoie les diplomates et les imams dans le monde entier.
Les documents compulsés par Le Point apportent la preuve que « des diplomatiques religieux n’hésitent pas à se transformer en commissaires politiques dès lors qu’il s’agit de devancer les désirs du président Erdoğan ». De même, ils confirment que, « à la manière de ce qui se passe en Allemagne, en Suisse, aux Pays-Bas, en Suède ou dans les Balkans, islamisme et exaltation du sentiment nationaliste turc sont entretenus par des fonctionnaires aux ordres d’un pouvoir en pleine dérive autocratique ».
À comprendre que si la Turquie n’a pas intégré l’Union européenne comme elle le souhaitait voilà encore quelques années, elle a fait mieux : sa diaspora l’a noyautée de l’intérieur. Mais bien loin des idéaux prônés par les religieux, cela est avant tout une affaire de gros sous : « Si l’islam officiel turc était une entreprise, ce serait une machine à cash », écrit Le Point. Pour parler clair, le marché religieux est juteux et les chiffres ahurissants : « Recettes du pèlerinage de 2012 pour les Franco-Turcs au départ de France : 3.638.400 euros. Bénéfice pour les affaires religieuses à Paris : 505.434 euros, après transfert de 1.942.220 euros à la fondation Diyanet à Ankara. » Etc. Autre exemple : les fonds obsèques gérés par la DİTİB et ses antennes régionales, qui rapportent des fortunes à l’association pour des services annoncés mais non rendus. Mieux : la DİTİB n’a jamais publié ses comptes ! Est-elle inquiétée ? Pas qu’on sache.
Qu’importe, il paraît que les musulmans ne sont pas heureux en France, pas libres de vivre comme ils l’entendent : la preuve par le burkini et les décrets "contre" pris par certaines villes de la Côte d’Azur. Les touristes religieux se tournent donc vers ce pays de rêve qu’est la Turquie d’Erdoğan, regonflant ainsi des chiffres devenus catastrophiques depuis 2015.
Marion Fontenille, qui consacre un long papier au phénomène sur le site Slate.fr, écrit que « le pays est une destination prisée pour le tourisme halal – la quatrième au classement mondial du Global Muslim Travel Index, juste derrière la Malaisie, l’Indonésie et les Émirats arabes unis ».
Un tourisme de luxe dans des hôtels cinq étoiles, 100 % halal, sans alcool, avec salles de prière et, surtout, « des piscines séparées ». C’est, à l’évidence, une nouvelle manne qui s’annonce : « Dans son dernier rapport sur l’économie islamique mondiale, Thomson Reuters estime que le secteur du tourisme halal représentera 283 milliards de dollars d’ici à 2022, soit 14 % du marché mondial du tourisme. » Dans ce secteur en pleine croissance, aujourd’hui, « 23 % des touristes viennent d’Allemagne (dont des personnes turco-allemandes), 16 % d’Angleterre, 11 % de Belgique et 8 % de France ».
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