Entre-deux-tours : sur un air de déjà-vu, les petits arrangements entre amis
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Jean-Laurent Félizia n’aura pas attendu longtemps, même pas mardi matin, pour retirer sa liste écologiste en PACA. Et pourtant, il avait pompeusement expliqué, dans un premier temps, que « dans ce second tour, nous aurons un adversaire, le candidat sortant, Renaud Muselier, et un ennemi, le Rassemblement national » (20/6, 22 h 19). « Dimanche, j’appellerai tous les électeurs de la gauche et de l’écologie, qui se sont abstenus car ils craignaient que ce vote de premier tour soit un vote "pour rien", à se mobiliser largement pour faire vivre les valeurs de la gauche et de l’écologie dans la prochaine assemblée. […] Nous n’avons pas proposé aux électeurs de la gauche et de l’écologie de voter pour leurs idées, pour leur proposer ensuite de disparaître et de s’effacer pendant les 6 prochaines années. »
Mais quelques heures plus tard, face à la pression de Julien Bayou qui le menaçait d’expulsion s’il persévérait dans ce comportement déviant, il ploie sous le joug de l’état-major : « Croyez bien que personne n’a plus de peine que moi à vous le dire ce soir, mais, aux régionales, je voterai dimanche prochain pour Renaud Muselier pour battre Mariani et sa triste cohorte. »
Dès le lendemain, en meeting à Toulon, Renaud Muselier fait applaudir Jean-Laurent Félizia et déclare : « On a un devoir moral de gagner et de les prendre en compte, pour qu’ils ne se sentent pas les dindons de la farce. » C’est beau comme l’antique…
Mercredi matin, Renaud Muselier va encore plus loin, promettant la création d’un comité d’une vingtaine de personnes représentant les membres de la coalition du Rassemblement écologique et social de Jean-Laurent Félizia : avant chaque assemblée plénière et chaque commission permanente, ce comité pourra formuler deux délibérations, un vœu et une motion.
Le vote et les électeurs seraient-ils donc devenus de simples accessoires de la vie politique ?
On ne peut trouver meilleure contribution à l’abstention que cette logique obsolète du front républicain : une preuve supplémentaire,s’il en fallait encore, de la démonétisation des partis politiques tels qu’ils sont aujourd’hui, habités par le même personnel politique et les mêmes vieilles lunes depuis des décennies. Alors qu’on nous rebat les oreilles avec des valeurs républicaines désincarnées et indéfinissables comme remèdes à toutes les fractures et séparatismes qui sévissent en France, cette stratégie les aggrave singulièrement, faisant apparaître nos hommes politiques comme interchangeables et sans corpus idéologique propre qui ne soit soluble dans un accord local. Pourvu qu’ils soient « tous unis pour sauver la République du Front national ».
On voit ainsi, dans les Hauts-de-France, un Dupond-Moretti qui appelle à voter Xavier Bertrand après avoir mené une vraie-fausse campagne contre lui.
Mais surtout, cette stratégie de front républicain n’est valable (entendez moralement acceptable par le camp du Bien) qu’à sens unique.
Alors que, depuis des mois, on dénonce à longueur de colonne les collusions entre La France insoumise, EELV et l’islamo-gauchisme qui constitue, à tout le moins, une menace pour l’unité de la France, la gauche devient curieusement aveugle et sourde. En Île-de-France, l’alliance entre le PS, LFI-PCF et EELV face à Valérie Pécresse et Jordan Bardella ne fait pas se désister Laurent Saint-Martin (LREM) : il n’y aura pas de front républicain face à l’extrême gauche. Comme le dit Louis Vogel, le maire de Melun (LREM), au Figaro Live : « On se désiste quand il y a un problème de front républicain », et là, Jordan Bardella n’est pas une menace.
Valérie Pécresse, que l’on plaçait comme ultra-favorite dans les sondages, a peut-être du mouron à se faire : ayant martelé son opposition au Rassemblement national et ayant éjecté de ses listes toutes les composantes conservatrices, elle ne pourra compter que sur ses propres forces.
Décidément, cette stratégie pluri-décennale du front républicain aura grandement contribué à l’effondrement de l’authentique action politique. Au détriment des Français.