Entre Europe et USA : la Turquie aux grandes manœuvres
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Toujours savoir jusqu’où ne pas aller trop loin, telle semble être la devise du président turc, Recep Tayyip Erdoğan. Il pousse ses pions en Méditerranée, nouveaux gisements gaziers obligent, lesquels sont également disputés par la Grèce, le Liban et Israël : délicat de se mettre à dos ces trois pays en même temps ; surtout lorsque la Turquie a été, le 10 juin dernier, à deux doigts d’un incident diplomatique avec la Marine française.
D’autres pions ont encore été poussés en Azerbaïdjan, bousculant ainsi une Arménie avec laquelle, c’est le moins qu’on puisse prétendre, les liens sont plus que tendus. Là, c’est la Russie qui a mis le holà. Tout comme elle l’a fait en Syrie et en Libye, où l’influence d’Ankara se fait de plus en plus pesante.
Et puis, il y a cette Europe qui a fini par prendre quelques sanctions, ce vendredi 11 décembre. Sanctions a minima, certes, mais sanctions tout de même, arrachées par la France, seule nation du Vieux Monde à encore tenter, vaille que vaille, à mener un semblant de politique étrangère, aidée en la circonstance par Chypre et la Grèce, pour les raisons qu’on devine. En revanche, la Bulgarie et la Hongrie, dont les relations commerciales avec la Turquie sont aussi anciennes qu’excellentes, ont freiné des quatre fers, suivies par l’Espagne, l’Italie et Malte, pour de semblables raisons.
La position allemande, comme toujours, demeure floue. Pour cause, là aussi, d’ancestral partenariat économique, mais surtout de la forte minorité turque en ses frontières. Après, hormis leur valeur symbolique, à quoi serviront ces sanctions ? À rien ou presque. Des nations telles que l’Iran, la Corée du Nord, la Russie ou Cuba en sont victimes depuis des décennies sans avoir jamais plié de quelque manière que ce soit.
Du côté de la Maison-Blanche, c’est encore plus flou. Certes, Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine, a également annoncé d’autres sanctions, mais pour d’autres motifs : l’achat de matériel militaire sensible à la Russie, ces fameux missiles S-400 dont Téhéran a également fait l’acquisition et qui ne sont évidemment pas compatibles avec les systèmes électroniques d’une OTAN dont la Turquie est un des membres les plus importants. Autant les USA sont assez peu regardants sur l’autoritarisme de tel ou tel, mais s’il est un domaine avec lequel ils ne plaisantent pas, c’est bien celui de leur prépondérance en technologie militaire, surtout lorsque menacée par la Russie.
Pourtant, Donald Trump qui, jusqu’au 20 janvier prochain, est encore président en titre vient de déclarer que ces menaces ne seront pas suivies d’effets. À ce retournement de situation, il y a au moins deux raisons.
La première, c’est que Donald Trump entretient de très bonnes relations personnelles avec Recep Tayyip Erdoğan. La seconde consiste à savonner la planche de son successeur Joe Biden sur l’épineux dossier turc, empêchant ainsi ce dernier de mettre une pression telle sur Ankara, qui pourrait l’obliger de fait à se chercher d’autres alliances du côté de la Chine, le seul véritable ennemi structurel des États-Unis dans les années à venir.
Le président turc, qui connaît son histoire sur le bout des doigts, n’ignore manifestement rien de cette nouvelle donne, continuant de ménager les USA tout en tentant de désormais se rapprocher de l’Europe. D’où ce coup de téléphone passé, le 15 décembre dernier, à Charles Michel, président du Conseil européen, à l’occasion duquel il propose « d’ouvrir une nouvelle page » avec l’Europe, en « regardant la situation dans son ensemble et sur la base des intérêts mutuels », proposant que le pacte migratoire signé en 2015 puisse « créer un climat plus positif ».
Bref, le nouveau sultan sait faire de la politique. Alors que les Européens, à l’exception française près…
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