[ENTRETIEN] « Ce sont les républiques bananières qui dissolvent les partis »

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Agrégé de droit public, Frédéric Rouvillois enseigne le droit constitutionnel et les libertés fondamentales à l'université de Paris. Il a publié une trentaine d'ouvrages, dont le dernier, Politesse et politique, publié en mars dernier aux Éditions du Cerf. BV lui a demandé s'il était possible, comme le demande Christian Estrosi, de dissoudre LFI.

 

Gabriel Decroix : Thomas Portes, le député insoumis de Seine-Saint-Denis, a déclaré, le 20 juillet, lors d’un rassemblement pro-palestinien, que « les sportifs israéliens ne sont pas les bienvenus » aux JO. « Il faut utiliser cette échéance, tous les leviers que nous avons pour créer des mobilisations », a-t-il ajouté. Le président du CRIF Yonathan Arfi a rappelé qu'aux Jeux olympiques de Munich en 1972, onze athlètes israéliens étaient assassinés par des terroristes palestiniens. Peut-on parler d'un appel au terrorisme de la part du député ?

Frédéric Rouvillois. Comparaison n’est pas raison. Il serait très exagéré, voire un peu ridicule, de vouloir comparer les deux. Le terrorisme, par définition, et notamment celui que vous évoquez, l’épouvantable massacre de Munich de 1972, a été longuement préparé, mûri, suppose des moyens considérables et bien évidemment le secret. Dans cette situation, c’est le contraire. Nous avons l’improvisation la plus totale, quelque chose formulé avec imprécision : « Ils ne sont pas les bienvenus. » Et quant aux mobilisations, elles n’auront pas d’impact majeur sur la vie des sportifs israéliens. Ce n’est pas plus sérieux que les appels au boycott de la chanteuse israélienne lors de l’Eurovision. Par conséquent, il ne faut pas donner à cela plus d’importance sous peine de se ridiculiser. Il ne faut pas se faire de peurs inutiles.

G. D. Le maire de Nice, Christian Estrosi, a demandé, sur son compte X, qu'une procédure de dissolution contre LFI soit engagée et que toute aide publique contre ce parti et ses membres soit suspendue. Qu'en pensez-vous ?

F. R. Estrosi était appelé le « motodidacte », car c’est un ancien champion de moto qui n’a pas fait beaucoup d’études par ailleurs. Il a quand même un peu fréquenté le monde politique, et il sait bien que ce qu’il raconte n’a aucun sens. Il demande de porter atteinte à deux principes constitutionnels : le principe de liberté d’expression, consacré dans l’article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et celui de la liberté d’association, consacré par le Conseil constitutionnel en 1971. S’il suffisait d’un mot de travers d’un des membres d’une association ou d’un parti pour entraîner automatiquement sa dissolution, nous serions certainement dans un État totalitaire, de la plus belle facture.

La déclaration d’Estrosi est donc plus risible qu’autre chose. On trouve un peu la même chose qu’avec Thomas Portes. Je crois que nous sommes dans une sorte de concours Lépine de celui qui sortira son épingle du jeu médiatique : ce comportement bravache est un moyen de lever le doigt et de dire « Attention, j’existe ! » En fait, depuis la dissolution du 9 juin, nous assistons à une espèce de concert gigantesque.

G. D. Est-il possible de dissoudre un parti ? Y a-t-il eu des précédents dans l’histoire de la Ve République ?

F. R. Dieu merci, on ne dissout pas une association ou un parti n’importe comment. Nous avons vu, avec les Soulèvements de la Terre, qu’il y avait une vigilance, bien ou mal placée, du juge administratif, en l’occurrence du Conseil d'État, pour éviter les abus. Le principe fondamental, en France, est la liberté d’association reconnue par les lois de 1901. Il ne peut être mis en cause que dans des conditions strictes : lorsque l’activité de l’association apparaît gravement menaçante pour l’ordre public, depuis une loi de 1936. Dans cette hypothèse, une procédure longue et complexe, étroitement contrôlée par les juridictions administratives, doit être mise en œuvre : un décret de dissolution du président de la République doit être pris en Conseil des ministres. Le problème se pose quand il n’y a pas de gouvernement - comme c’est le cas.
Imaginez que l’on puisse dissoudre LFI avec la situation qui est la sienne. La remise en cause d’une association et a fortiori d’un parti qui bénéficie de protections supplémentaires, et d’un parti aussi important et central que celui-ci, est inimaginable. On aurait l’impression d’être une république bananière si l'on commençait à dissoudre un parti en position de conquérir le gouvernement. Cela susciterait un scandale national et international. La sortie d’Estrosi doit moins être imputée à son ignorance qu’à sa volonté de briller à nouveau et de donner l’impression qu’il monte sur le podium, comme au temps où il était champion de moto.

Gabriel Decroix
Gabriel Decroix
Étudiant journaliste

Vos commentaires

22 commentaires

  1.  » S’il suffisait d’un mot de travers d’un des membres d’une association ou d’un parti pour entraîner automatiquement sa dissolution, nous serions certainement dans un État totalitaire, de la plus belle facture. » Ouvrez les yeux. Faut-il vous rappeler le nombre d’associations qualifiées « d’extrême droite » par leur censeur, supprimées par Darmanin sans aucunement nécessiter le moindre mot de travers?

  2. Il est vrai que Constitution ou pas, je ne vois pas comment il serait possible de dissoudre une entité partitaire de notre belle République ?..

  3. Cet entretien est très décevant : le professeur de ‘droit constitutionnel’ consulté par B.V., semble vivre sur une planète théorique lointaine sans rapport avec la réalité basique constatée dans notre pays à savoir un mouvement politique « d’INSOUMIS » qui précisément bafouent les règles du savoir vivre ensemble permettant à tous d’exister dans le RESPECT des différentes composantes de la société;
    Les Insoumis refusent de se soumettre à ce respect élémentaire.
    Réveillez vous Monsieur le Professeur, sortez de votre bulle et de votre vocation purement livresque pour ne pas dire ‘hors sol’.

  4. LFI c est un groupe d individus emplis de haine et d intolérance à l égard de ceux qui ne pensent pas comme eux En outre ils font l apologie de la violence et de l antisémitisme Voilà ce qu’est ce parti islamo fasciste

  5. Étonnamment ce monsieur fait l’impasse sur la dissolution des groupes identitaires. Le juge administratif n’a pas manifesté de la même clairvoyance que pour les soulèvements de la terre. La cocotte failli exploser ce n’est que partie remise et les dégâts seront plus importants.

  6. La période qui s’en suit le deuxième tour de l’élection législative 2024 restera dans les anales de la politique Française aux commandes le la gauche assuré par le pouvoir encore en place. Déjà nous avons pu sentir venir le vent au par avant avec les manifestations black oc et antifa, celle de Saint Soline où le pouvoir aurait du en prendre les mesures qui s’imposaient on vois bien que les dégâts sont passés en pertes et profits pour la suite et un pions supplémentaire pour la gauche. Ces gens là ont la vue d’une décroissance pour l’économie de demain avec toutes les graves conséquence surtout pour les pays pauvres ou la famine fait rage mais ce sont eux qui tiennent le haut du pavé.

  7. On ne peut pas dissoudre un parti, mais une chaine télé (C8) au nom de la liberté d’expression, on peut ? Il est amusant votre agrégé quand il dit « …Il demande de porter atteinte à deux principes constitutionnels : le principe de liberté d’expression, consacré dans l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789…………. » Cette citation concernerai uniquement le motocycliste mais pas l’Arcom !!

  8. Liberté d’expression ? Concernant lfi et plusieurs de ses membres ( Guiraud, Portes, Soulais, Obono, Hassan liste non exhaustive ) on est plus souvent dans le discours de haine, l’incitation à la violence, et autres délicatesses légalement répréhensibles. Par ailleurs, lfi n’est pas un parti mais un « mouvement ».

  9.  » Il ne peut être mis en cause que dans des conditions strictes : lorsque l’activité de l’association apparaît gravement menaçante pour l’ordre public  » ! les émeutes de Sainte Soline qui ont fait 43 blessés chez les forces de l’ordre, sans compter les dégradations qui se chiffrent en dizaines de millions, c’est quoi ? De petits débordements de bisounours ??

  10. Vos réponses monsieur font bien rire ils ont dissout tous ceux qui défendaient ce pays et ne font rien contre ceux qui saccagent ce pays . LFI un parti central et important avec le peu d’électeurs qu’il a c’est vous qui lui donnez beaucoup trop d’importance . De plus vu le comportement de ceux qui le composent il y a longtemps qu’ils devraient être trainé en justice .

  11. Ne nous cachons pas. La médiocrité absolu des politiques aux responsabilité est à l’image de ce que sont devenus les français ; puérils, en demande de maternage et pourtant arrogants (à l’étranger surtout) et vaniteux (nous le valons bien) en France. Le résultat est sous nos yeux et les effets mortifères toujours en cours.

    • Vous pouvez constater que ce « monsieur », en tant qu’enseignant de gôche cela va de soi, est au départ de la destruction de notre éducation et civilisation.

  12. Estrosi demande la dissolution de LFI après avoir soutenu le pacte NFP/macronie/LR contre le RN. Comme Darmanin, ils sont ecoeurants et pourtant toujours réélus. Cela en dit long sur l’état mental des français.

  13. « On ne dissout pas une association ou un parti n’importe comment… » lit-on ici, et j’aurais bien aimé avoir une explication concernant justement ces associations que le fameux Darmanin « dissout » comme çà, comme un morceau de sucre dans une tasse de café. Comment procède-il ? Il convoque l’assemblée générale du parti ou association, il propose en expliquant les circonstances du besoin de dissoudre, il s’occupe des contrats de travail, des bénévoles, de la vente des meubles de bureau, il va au Journal Officiel déclarer la dissolution ?
    C’est une vraie question et j’aimerais une réponse car je suis passé par là et je sais comment faire mais ce n’est pas un ministre ou un fonctionnaire quelconque qui a dissout l’association dont je m’occupais. En plus les dissolutions de Darmanin concernent des associations qui n’ont pas de budget public !
    Quant à dissoudre un parti, oui, c’est déjà arrivé, et pas seulement en république bananière, on peut se référer à l’histoire de certains pays.

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