[ENTRETIEN] « La Justice est un contrat entre l’État et les citoyens »

vignette Pierre-Marie Sève

L'affaire de Sucy-en-Brie, où un père de famille (au casier judiciaire vierge) a été condamné à six mois de prison ferme pour avoir, après une course-poursuite, poignardé son cambrioleur au casier judiciaire chargé, soulève des questions cruciales sur la légitime défense et la justice en France. Alors que la violence augmente sans cesse et que l’État semble toujours plus incapable d’assurer la sécurité des Français, certains sont tentés de se rendre justice eux-mêmes. Pour éclairer cette affaire et ce phénomène, BV a interrogé Pierre-Marie Sève, le directeur de l’Institut pour la justice.

 

Louis de Torcy. Pensez-vous que la condamnation de ce père de famille à six mois ferme est justifiée ou, au contraire, qu’il s’agit d’une condamnation laxiste ou trop sévère ?

Pierre-Marie Sève. Je suis assez partagé sur cette affaire, pour tout vous dire. D’un côté, c'est une affaire de légitime défense et j'ai un a priori positif, comme je pense que la Justice devrait l'avoir, pour toute personne qui vit une intrusion - quand bien même elle commettrait un délit ensuite. Maintenant, c'est une affaire un peu particulière puisqu'en l'occurrence, la victime, la vraie victime pour moi, c’est-à-dire la personne chez qui le voleur s'est introduit, l’a poursuivi et l'a visiblement poursuivi sur une assez longue distance. On ne peut donc pas considérer qu’elle a seulement repoussé son assaillant. La vraie question est celle de la proportionnalité de la peine. J’estime celle-ci très lourde. Je pense qu’il y avait une autre façon de faire, bien que je comprenne la nécessité que les gens ne se fassent pas justice eux-mêmes. La légitime défense suppose de ne pas se défendre un kilomètre et 25 minutes plus loin, après avoir pris le temps de prendre des armes, etc. Je le comprends bien, mais je trouve la peine malgré tout disproportionnée. Une condamnation symbolique aurait pu montrer à cette personne que la Justice est de son côté, qu’elle est du côté des vraies victimes, celles qui n'ont pas de casier judiciaire, qui ne demandent rien à personne et se font cambrioler, tout en rappelant les limites de la légitime défense. On peut être condamné avec une dispense de peine ou simplement à un rappel à la loi. Dans le cas présent, cela aurait été plus pertinent.

 

L. de T. Ne craignez-vous pas qu’un simple rappel à la loi ne donne un « blanc-seing » et incite à se faire justice soi-même ?

P.-M. S. Si c'est un blanc-seing pour les vraies victimes, pour se faire justice elles-mêmes, alors comment qualifier les rappels à la loi qui sont donnés par milliers, tous les ans, par la Justice à de vrais délinquants ? Nous donnons beaucoup trop de rappels à la loi à des gens qui mériteraient plus. Dans le cas présent, nous sommes à l'évidence en présence de quelqu’un qui n’est pas un délinquant de carrière et je pense qu'en l'occurrence, les peines symboliques sont justement faites pour cela : pour montrer qu'il y a eu quelque chose qui n'allait pas, mais qu’on ne perd pas pour autant de vue le vrai but de la justice, qui est de défendre les honnêtes gens et les citoyens.

 

L. de T. Pensez-vous que ce père de famille ait poursuivi son agresseur car il pensait justement que, sinon lui, personne ne s’en occuperait ? En d’autres termes, que cette affaire est le fruit d’un système judiciaire défaillant ?

P.-M. S. Probablement, oui. Vous savez, j'ai coutume de dire que la justice appartient aux citoyens avant tout. Ce sont les citoyens, historiquement, qui ont délégué à l'État le droit de rendre la justice, pour que ce soit plus organisé, pacifié et, en quelque sorte, civilisé. L’État a le monopole de la justice, mais c’est un contrat entre lui et les citoyens. C'est un très bon processus, mais lorsque l'État ne répond plus ou ne semble plus à même de répondre aux yeux des citoyens, s'il ne paraît plus remplir sa part du contrat, alors la justice retombe entre leurs mains. Je suis persuadé qu'inconsciemment, c'est ce que cette personne, tout comme chaque personne qui a la tentation de se faire justice elle-même, a pensé. Malheureusement, ces phénomènes risquent d’augmenter face à la faillite de l’État et à l’augmentation de l’insécurité. Je ne sais pas si cela se généralisera, mais cela va avoir tendance à augmenter. Il y aura alors un contre-coup : l’État deviendra encore plus sévère avec les gens qui se font justice eux-mêmes, parce qu'il sentira le monopole de la violence légitime lui échapper.

Louis de Torcy
Louis de Torcy
Etudiant en école de journalisme

Vos commentaires

51 commentaires

  1. On résume : la justice condamne le propriétaire de la piscine au lieu du squatteur, l’agressé au lieu de l’agresseur, le maire interdisant le port de vêtements religieux dans l’espace public au lieu de la porteuse d’étendard, le policier au lieu du délinquant fuyard, bref, la justice n’a rien de juste et nos lois creusent sont les tapis sur lesquels se vautre l’entrisme gauchiste, islamiste et wokiste. RIEN dans ce pays ne donne plus envie et au mieux nous vivons en retrait, isolés de tout cela au pire, pour une grande majorité des gens sans œillères, nous le subissons. Une véritable désolation qui chasse les meilleurs ou les plus brillants à mesure que l’appel d’air fait entrer toujours plus de mauvais ou de médiocres jusque dans les hautes sphères du pouvoir.

  2. D’où sortent ces juges avec une telle logique ?? C’est à ce niveau qu’il faudrait revoir la justice
    Elire les juges et non pas les nommés !!

  3. Faire passer à l’agresseur l’envie de recommencer, voire de revenir en force, en montrant qu’on ne le craint pas et qu’on sait se défendre, n’est-ce pas encore de la légitime défense ? De la légitime défense pour toutes les victimes à venir.

  4. La victime se défend et poursuit son agresseur pour le frapper. Il est condamnable. Tiens, c’est étrange, car on a eu Hitler qui s’introduit furieusement chez Staline, qui se défend et poursuit son agresseur jusque chez lui pour le frapper et cela n’est jamais évoqué dans les sens où un juge condamne Staline à la prison. Au contraire, il fraternise avec Roosevelt et Churchill…On va dire que je m’égare, je suis à jeun.

  5. Si : « la justice appartient aux citoyens avant tout. Ce sont les citoyens, historiquement, qui ont délégué à l’État le droit de rendre la justice… » Alors force est de constater que c’est la justice de l’État qui fait défaut.
    Dans ce cas, il ne faut pas s’étonner que « la loi du talion » revienne au goût du jour, que les français « normaux » qui respectent la loi, et n’ont pas de casier judiciaire, appliquent celle-ci : « œil pour œil, dent pour dent ».
    Les juges n’auront plus qu’à s’en laver les mains… Comme ceux du syndicat de la magistrature.

    • Le syndicat de la magistrature, certes, mais pas seulement eux car leurs « sous-marins » sont nombreux ailleurs. Au fait pourquoi les magistrats et les policiers ont-ils le droit de se syndiquer et pas les militaires ?

  6. La justice scie la branche sur laquelle elle est assise Elle n’aura pas d’autre choix d’être toujours plus sévère avec les victimes qui se font justice jusqu’à ce que la goutte déborde du vase. Et là, personne ne peut dire ce qui arrivera.

  7. Notre nation marche à l’envers et de plus en plus avec l’assortiment de certains politiciens de gauche qui maitrisent nos grandes institutions tels la justice et autre. En effet en donnant des droits, qu’elle refuse a la population vivant légalement sur son sol, à des hors la loi comme par exemple les migrants illégaux, ce n’est qu’encourager la délinquance alors que cette cette personne qui entendait défendre ses bien qu’elle a justement gagné, de tels faits se répètent parfois pire, vous devez vous défendre que si vous êtes attaqué mais souvent c’est trop tard vous rejoignez la quantité des malheureuses victime innocentes s’en suit une marche blanche. Si çà continue il faudra une dictature pour redresser cette dérive de civilisation.

  8. L’abus de confiance est pratiqué depuis des décennies par les gouvernements successifs. Lorsque le peuple vote il signe un contrat avec les élus. Si ces derniers ne font pas leur travail en vertu des règles constitutionnelles et de la laïcité ils doivent partir ou être sanctionnés. Un PDG qui ne marche pas dans le sens de l’entreprise est remplacé. En politique ces règles ont été contournées et nous avons au pouvoir des voyous en col blanc qui se gavent sur le dos des contribuables. La république bananiere de France à encore des beaux jours devant elle.

  9. Six mois de prison avec un casier judiciaire vierge , tandis que d’autres peuvent sévir 10, 20 , 30 fois ou plus ils ne sont jamais inquiétés . C’est celà la justice dans ce pays . Les criminels , les assassins sont une espèce protégée , grand luxe dans les prisons , sorties , visites , il y en a même qui deviennent père en prison ……..

    • Pour les juges, s’il est français, qu’il travaille, circonstances aggravante s’il gagne bien sa vie et a passé la quarantaine et qu’il n’est pas connu des services de police, alors il doit prendre le max parce qu’il faut quand même bien faire des exemples

    • Eh oui, ceux qui sont arrêtés 30 fois, comme vous dites, qui sont relâchés 30 fois et recommencent une 31ème fois, provoquent des réactions (bien légitimes) de la part de victimes sans casier judiciaire, que le juge va « se payer » pour faire un exemple et faire comprendre à ceux qui voudraient faire de même qu’ils doivent rester à la place qui est la leur : celle de la victime consentante.

  10. Comme dans tout contrat les petites lignes dont les plus importantes mais elle sont noyées dans un verbiage médiatique qui fait qu’elles ne sont pas lues…

  11. La justice, un machin hors sol .
    Qui vit encore au XIX siècle.
    Ils viennent a peine de découvrir le fax dans les juridictions.
    Alors penser l’internet …… peut être dans 200 ans …

    Sinon, la justice devrait être remplacée par l’IA .
    Selon les lieux entre un jugement donné à Bethune ou Aix , pour la même affaire le suspect n’aura pas la même peine.
    On voit rapidement la limite de cette justice faite par des littéraires hors sol .
    Des lois peu structurées , qui se contredisent.
    Il est temps que des scientifiques refondent tout cela .
    Des gens mieux structurés dans leur tête

    • Oser proposer l’IA comme « remède » aux maux qui sont en train de gangréner la société française est tout aussi ubuesque que les « mesures » prises par les venimeux en place ! …
      Comment faire « prendre conscience » que cette « IA » est à l’intelligence ce qu’est macron à la FRANCE : UN désastre civilisationnel ! …

    • Je serais tenté de dire le contraire.Le pays crève de ses technocrates hors sol pour le coup . La littérature offre un minimum de réflexion et si ils travaillent encore avec me Fax ,c’est parce que les gouvernements ne donnent pas les moyens à ce qui est aussi un service public.. La justice est aussi et surtout gangrénées par la gauche et aux ordres de gens qui se servent de l’immigration pour diviser la société.
      Il faut maîtriser les velléités de révolte des gens qui veulent se défendre .
      Par contre il faut laisser faire la racaille .

    • Les juges devraient être autistes, car l’autiste a comme caractéristique d’être d’une logique stupéfiante. -‘ Vous réclamez contre un propriétaire alors que vous êtes entré dans sa maison par effraction, ce n’est pas logique, vous êtes condamné’.

  12. L’état est en train de provoquer sa propre chute dans peu de temps,car oui, pour garder son monopole de la violence,il va châtier ceux qui se feront justice eux-mêmes,ce qui engendrera encore plus une haine viscérale à son égard et à celui de la justice qui ne respecte plus son contrat,et à force que nombre de gens se rebellent contre lui et la justice,la police ne suffira plus à endiguer ce phénomène et ce sera la fin, finalement souhaitable de son incurie et de son inconséquence.Et alors là,et seulement là, une société équilibrée à nouveau pourra être reconstruite mais avec d’autres normes et d’autres valeurs car actuellement nous courrons à notre perte, c’est absolument certain.

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