[ENTRETIEN] « La souveraineté d’un pays ne peut s’acheter avec de l’argent »

entretien avec Georges Károlyi, ancien ambassadeur de Hongrie en France sur l'amende exorbitante de l'UE à l'encontre de la Hongrie
photo de Georges Károlyi, ancien ambassadeur de Hongrie en France

Tandis que Budapest refuse toujours de payer l'amende imposée par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Georges Károlyi, ancien ambassadeur de la Hongrie en France de 2015 à 2021, revient sur le bras de fer opposant le pays de Viktor Orbán à l'Union européenne.

Gabriel Decroix : La Commission européenne a envoyé à la Hongrie, ce lundi, une deuxième demande de paiement d’une amende de 200 millions d’euros et des pénalités d’un million d’euros journaliers pour « violation sans précédent et exceptionnellement grave du droit [d’asile] de l'UE » après son arrêt du 13 juin. Une nouvelle échéance de paiement a été fixée au 17 septembre. Sur quels critères l’UE justifie-t-elle ces sanctions ?

Georges Károlyi. La Commission, pourtant pas tendre avec la Hongrie, avait demandé à la Cour une amende de 7 millions d’euros et une astreinte de 15.000 euros par jour. Au lieu de cela, la Cour a infligé une amende de 200 millions (29 fois plus élevée que demandé) et une astreinte de 1 million par jour (67 fois plus que demandé). Le statut juridique des institutions de l’UE a toujours baigné dans le plus grand flou, la Cour ne fait pas exception. Dans cette affaire, on se demande quelles sont les bases juridiques de la décision.

Si l’on considère que c’est assimilable à du pénal, force est de constater qu’il n’existe pas, dans l’UE, de Code pénal indiquant au juge dans quelle fourchette il doit prononcer la peine pour une infraction donnée. Cela laisse la voie libre à l’arbitraire le plus total. Si l’on considère que c’est assimilable à du civil, pour quelle raison le tribunal condamne-t-il une partie à des dommages 29 fois et 67 fois supérieurs à ce que le « plaignant » a lui-même demandé ? Vous avez compris la réponse : cette Cour, qui n’a de Cour que le nom, est un organe politique qui contribue à la mise en œuvre de l’agenda politique de la Commission. Il vaut mieux le savoir.

G. D. La souveraineté d’un pays ne commence-t-elle pas par la maîtrise de ses frontières ? Alors, pourquoi une telle répression de l’UE ?

G. K. Cet acharnement sur la question migratoire est d’autant plus absurde que l’Union elle-même cherche désespérément à mettre fin à l’immigration illégale, sans y arriver bien sûr, comme le montre le nouveau Pacte migratoire qui produira l’effet exactement inverse. Voilà un pays – la Hongrie – qui y arrive, et au lieu de le féliciter et de le remercier, on l’accable d’amendes, de rétentions de budgets et d’avanies diverses. Et pour qu’elle comprenne bien, on lui précise qu’elle s’est rendue coupable d’une « violation sans précédent et exceptionnellement grave du droit [d’asile] de l'UE » (sic). Le ridicule ne tue donc pas...

C’est à cause de cette question migratoire et celle de la protection de l’enfance contre les contenus LGBTQIA+, dont la présidente de la Commission a reconnu le caractère politique, que l’Union retient encore 20 milliards d’euros sur les fonds de cohésion et sur le plan de relance qui sont dus à la Hongrie. Tout cela avec l’intention de « faire plier la Hongrie » sous prétexte de manquements à l’État de droit - ce qui ne dupe plus personne.

G. D. Viktor Orbán a montré de nombreuses fois sa résistance face à la politique migratoire de l’UE : quelles sont vos projections sur ce bras de fer ?

G. K. Les dirigeants de l’Union n’ont toujours pas compris que la souveraineté d’un pays ne peut pas être achetée avec de l’argent. Amende ou pas, la Hongrie ne renoncera ni à sa politique migratoire, ni à sa politique de protection de l’enfance contre les contenus LGBTQIA+. Face à un aveuglement aussi invraisemblable, on ne peut plus réagir que par l’ironie : le gouvernement hongrois a fait savoir à la Commission que si elle insiste pour faire entrer des migrants illégaux en Hongrie, elle leur remettra un billet d’aller simple pour Bruxelles…

En définitive, ce bras de fer ne joue pas en faveur de l’Union européenne qui, à force de vouloir imposer aux États des prises de position politiques auxquelles aucun article des traités ne lui donne droit, se heurtera de plus en plus à des refus d’obtempérer dont elle ne sait pas comment sortir. Sinon par des artifices qui ne font que souligner l’incohérence de ses aspirations, et qui ne servent certainement pas l’unité et la cohésion de l’Europe…

Gabriel Decroix
Gabriel Decroix
Étudiant journaliste

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