[ENTRETIEN] « La théorie du genre n’existe pas » : une réaction absurde !
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« Le programme de l’éducation sexuelle à l’école en l’état n’est pas acceptable, il doit être revu » : cette intervention du ministre délégué à la Réussite scolaire Alexandre Portier au Sénat, mercredi 27 novembre, a très rapidement été contredite par le ministre de l'Éducation nationale Anne Genetet (« Ce programme sera mis en place »). Comment expliquer un tel « couac », à l'heure où des associations (le Syndicat de la famille, SOS Éducation, les AFC ou Juristes pour l’enfance), depuis des semaines, alertent sur le contenu d'un programme, son imprégnation idéologique et militante, sa dangerosité pour des enfants, qui devait être officialisé début décembre ? Explications avec Ludovine de La Rochère, présidente du Syndicat de la famille.
Sabine de Villeroché. Pourquoi s’émouvoir du programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle proposé par le ministère de l’Éducation ?
Ludovine de La Rochère. Les deux alertes les plus pressantes du Syndicat de la famille concernent, d’une part, le militantisme idéologique dès l’âge de 3 ans et, d’autre part, le viol des consciences et de l’intimité induit par le programme.
Pour ce qui concerne le genre, il s’agit clairement d’une volonté de formatage idéologique : dès la petite section de maternelle, il faudrait « lutter contre les stéréotypes de genre et l’assignation de rôles » en démontant auprès des enfants leurs représentations mentales. À 4 ou 5 ans, associer le métier de maîtresse d’école à la femme et celui de chauffeur de taxi à l’homme, par exemple, devrait être tout de suite démonté afin que les filles osent, plus tard, être conductrices plutôt qu’institutrices…
Cette intrusion « dès le plus jeune âge » (comme disait Vincent Peillon) dans les représentations mentales du masculin et du féminin repose clairement sur cette idéologie qui consiste à prétendre que l’homme et la femme ne seraient que des constructions sociales et culturelles et que celles-ci viseraient à assurer la domination de l’homme sur la femme.
Dans la même veine, à partir de 4 ans et tous les ans, il faudrait décrire tous les « schémas familiaux » aux élèves : hétéroparental, monoparental, homoparental, adoptif, etc. L’objectif, ici, est évidemment de banaliser l’homoparentalité et de faire entrer dans la tête des petits qu’un enfant pourrait avoir deux pères ou deux mères. Et tant pis si, quelques années plus tard, ils découvrent que deux hommes ou deux femmes ne peuvent pas concevoir un enfant ensemble. On leur expliquera alors les méthodes procréatives de la PMA sans père et de la GPA, c’est-à-dire encore les revendications des associations LGBTIQ+.
S. d. V. En quoi ce programme « viole-t-il les consciences et l'intimité des enfants » ?
L. d. L. R. En détaillant auprès des élèves toutes les pratiques sexuelles possibles et imaginables. Celles-ci ne sont pas développées dans le projet de programme même, mais les thématiques imposées l’impliquent : en CM2, par exemple, il faudrait apprendre aux élèves à repérer les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle. Or, évidemment, cela suppose d’expliquer d’abord de quoi on parle.
Autre sujet qui sert de prétexte, à partir de la 6e, à des « informations » inacceptables : celui de la prévention vis-à-vis des infections sexuellement transmissibles (IST). En effet, au motif qu’il ne faut jamais oublier de se protéger, des supports supposément « d’éducation sexuelle » détaillent toutes les pratiques et positions possibles et imaginables, avec un vocabulaire que les adultes eux-mêmes ne connaissent pas, cela, pour expliquer quand et comment mettre un préservatif (ou une digue dentaire, quand il s’agit de protéger la muqueuse buccale). Tant qu’à faire, au passage, ces supports donnent encore d’autres idées : le polyamour, le chemsex, le sexe tarifé (c’est-à-dire la prostitution), etc. Mais, bien sûr, tout cela vise à prévenir les mises en danger et la santé sexuelle des jeunes…
S. d. V. Théorie du genre enseignée à l’école et diffusion d’une idéologie militante : est-ce la première fois que de tels contenus sont proposés dans le cadre de l’école ?
L. d. L. R. En réalité, comme je l’évoquais, de tels contenus ne sont pas nouveaux. En effet, les affirmations suivant lesquelles notre identité réelle ne correspond pas forcément au sexe qu’on nous a assigné à la naissance sont apparues en 2011, dans les manuels scolaires de SVT. Le ministre de l’Education nationale, Luc Chatel, avait balayé le scandale en répondant que les éditeurs scolaires étaient les seuls responsables du contenu de leur manuel.
S. d. V. Quelles actions a menées le Syndicat de la famille pour alerter sur le sujet ?
L. d. L. R. Comme vous le savez, nous nous opposons à cette idéologie de déconstruction depuis 2012, et notamment dans les établissements scolaires. Nous avions, d’ailleurs, contribué à l’arrêt de l’expérimentation des ABCD de l’égalité en 2014. Pour ce qui concerne le projet d’un programme d’éducation sexuelle à l’école, lancée par Pap Ndiaye en juin 2023, nous avions d’abord obtenu d’être auditionnés, en octobre 2023, par le Conseil supérieur des programmes (CSP). Nous avions présenté et remis à cette occasion un document très complet sur l’éducation affective, relationnelle et sexuelle (disponible sur le site du Syndicat de la famille). En mars 2024, nous avons organisé au Sénat un colloque sur l’éducation sexuelle à l’école, avec les associations « Juristes pour l’enfance » et « Famille et Liberté » et transmis au ministère de l'Education nationale les Actes du colloque.
Apprenant que la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) était en train de revoir ce programme dans un sens très militant, nous avons profité de ce temps pour mener une enquête sur les contenus actuels d’éducation sexuelle et fait faire un constat d’huissier de ces contenus. Depuis la rentrée 2024, des délégations locales du Syndicat de la famille se présentent devant les rectorats et demandent à être reçus pour exposer ces constats.
S. d. V. Comment analysez-vous cette dissonance entre Anne Genetet, pour qui « la théorie du genre n'existe pas », et la déclaration d'Alexandre Portier, qui estime que « ce programme en l'état n'est pas acceptable » ?
L. d. L. R. C’est d’abord une très bonne nouvelle d’avoir un ministre courageux comme Alexandre Portier qui ne se laisse pas impressionner par la pression des progressistes ! Et, bien sûr, nous nous réjouissons qu’il ait décrypté lui aussi le sens du projet de programme, qu’il ait compris sa visée militante et qu’il ait même dénoncé les agréments indûment délivrés à des associations idéologiques qui n’ont rien à faire dans les salles de classes. Par ailleurs, il s’est engagé à faire réviser en profondeur ce projet de programme et à sortir toutes ces associations des établissements scolaires, et ce, devant la représentation nationale, au vu et au su de tous.
Quant à Anne Genetet, elle a dans un premier temps annoncé, le 24 novembre, dans le JDD, qu’elle avait modifié le texte en supprimant toutes les mentions d’« identité de genre ». Elle entend donc les messages, mais si elle a supprimé l’expression elle n'en n'a pas, pour autant, supprimé tout le contenu. Sa récente prise de parole pour nier l’existence de la théorie du genre est une réaction aussi absurde que banale, puisque nous connaissons tous la propension des progressistes à nier l’existence… de tout ce qu’ils revendiquent. Certes, elle reprend la même méthode que celle de Najat Vallaud-Belkacem, qui consistait aussi à répéter comme un mantra « la théorie du genre n’existe pas »… Mais sa prédécesseur avait bien fini par retirer les ABCD de l’égalité. La mauvaise ligne de défense adoptée par Anne Genetet ne signifie donc pas qu’elle ne changera pas d’avis !
En tout cas, nous prévoyons encore bien des actions offensives pour nous faire entendre, dont une pétition que j’invite à signer et à faire signer massivement sur la page www.petition-education-sexuelle.fr.
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Ce soir ; Philippe de Villiers a bien recadré cette ministre incapable