[ENTRETIEN] « La thèse de l’explosion démographique est caduque »

Jean-Didier Lecaillon économie démographie famille

« Si nous avons le souci de "sauver la planète", et particulièrement la France dont le nombre de naissances n'a jamais été aussi bas depuis 1945, alors, il faut avoir plus d'enfants ! À rebours des discours écologistes, et alors que la natalité atteint des chiffres alarmants, l'économiste Jean-Didier Lecaillon publie un plaidoyer pour remettre La Famille au cœur de l’économie (Éd. Salvator). Un ouvrage indispensable pour espérer redresser la situation et inverser les courbes...

 

Sabine de Villeroché. Pourquoi vouloir remettre la famille au cœur de l’économie ?

Jean-Didier Lecaillon. La société est formée de trois entités : politique, marchande et communautaire. La première est fondée sur la discipline, la deuxième sur la confiance et la troisième sur l’amour. Les trois sont complémentaires et chacune doit contribuer au bon fonctionnement des deux autres. Quant à la famille, qualifiée de cellule de base de la société, elle précède toute construction sociale et elle est naturellement présente dans les trois : nous sommes citoyens, nous consommons, nous sommes issus d’une famille au sein de laquelle nous vivons un certain temps avant, éventuellement, d’en fonder une autre… En revanche, le fait que la famille produise de la richesse est une réalité aujourd’hui ignorée ! J’essaye de remédier à cette lacune.

 

S. de V. À quoi sert la famille et pourquoi les politiques ne s’y intéressent-ils plus depuis des décennies ?

J.-D. L. Elle est le lieu de la « production » d’enfants, de la maternité dans une formulation sans doute plus appropriée. Là ne s’arrête pas son apport : les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Ils contribuent à la formation de ce que les économistes appellent le capital humain dont l’importance a été soulignée dans les théories les plus récentes de la croissance économique. Mais, pour répondre à la seconde partie de votre question, comme la famille n’est réputée que consommer (c’est la fonction principale des ménages), les politiques ne considèrent la famille que comme une source de coûts au lieu de parler d’investissement.

 

S. de V. Dans votre ouvrage, vous faites une distinction entre politique nataliste et politique familiale. Pourquoi ?

J.-D. L. Pour éviter des confusions, sources d’inefficacité. Une politique nataliste ne s’intéresse qu’aux naissances. L’investissement dans le capital humain prend du temps. Il ne suffit pas de mettre au monde des enfants pour assurer l’avenir, même si c’est nécessaire. Encore faut-il les éduquer. La politique familiale s’inscrit dans le temps long.

 

S. de V. Les chiffres de l’immigration sont tombés, laissant imaginer que la France, avec son faible taux de naissances, est vouée à être « grand-remplacée ». La mise en place des mesures que vous préconisez dans le cadre d’une véritable politique familiale serait-elle un frein au risque d'un changement de peuple ?

J.-D. L. Nier l’importance de promouvoir la famille, c’est adopter le comportement des cigales de la fable. Considérer l’immigration comme une alternative, cela veut dire soit confier notre avenir aux fourmis, soit faire preuve de déni, car il faudra bien éduquer les enfants venus d’ailleurs. Une dernière hypothèse serait de faire venir des adultes déjà formés au détriment de ceux qui ont assuré cette formation. Une forme d’exploitation, en quelque sorte, si les mots ont encore un sens…

 

S. de V. Vous évoquez la thèse soutenue par plusieurs économistes selon laquelle, contrairement aux idées reçues, la population mondiale pourrait, à terme, cesser de croître (voir les projections de l’ONU à l’horizon 2080). Est-ce un argument pour bannir définitivement le fameux mantra écologiste selon lequel mettre au monde des enfants est « dangereux pour la planète » ?

J.-D. L. Je confirme que, désormais, la thèse de l’explosion démographique est caduque. Les experts fondent leurs projections sur le modèle de la transition démographique qui mènerait à une stabilisation de la population mondiale. La question est plutôt celle de savoir si cette dernière ne sera pas suivie d’une implosion. Mais, surtout, si nous avons le souci de « sauver la planète », il faut assurer la naissance et l’éducation de ceux qui sauront trouver de nouveaux processus plus performants pour que la planète soit mieux gérée et respectée.

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Sabine de Villeroché
Journaliste à BV, ancienne avocate au barreau de Paris

Vos commentaires

2 commentaires

  1. Au contraire l’inquiétude devant la surpopulation est toujours d’actualité, nous sommes plus nombreux que nous ne l’avons jamais été, notre taux de croissance annuel (+ 1 %), même s’il a diminué ces dernières décennies est encore deux fois et demi plus important que celui qui prévalait au début du 20e siècle (+ 0,4% par an)
    Ce qui est frappant dans l’article de Monsieur Lecaillon est l’absence totale de préoccupation pour la nature. Nous sommes dans la sixième extinction, depuis 100 ans le nombre de grands mammifères connaît une véritable implosion et cela est presque exclusivement lié à l’occupation de tous les territoires par l’humanité au détriment du reste du vivant.
    Sur un problème d’une telle ampleur, prenons un peu de recul. L’homo sapiens a 300 000 ans environ, sur 90 % de cette période nous n’avons été que quelques centaines de milliers et nous avons tenu en équilibre avec la biosphère avec de tels effectifs. Et nous penserions qu’à 8 milliards, la situation actuelle est pérenne, alors que les sols sont pollués, que les forêts disparaissent et qu’il y aurait urgence à relancer la fécondité ! ! ! C’est insensé.
    A la base de toute réflexion doit se situer la prise en compte des ordre de grandeurs. Ceux-ci montre clairement que la situation actuelle est une exception non durable. La fécondité baisse ! Tant mieux cela permettra peut eêtre de stabiliser la population à 10 milliards avant la fin du siècle, mais il faudra alors redescendre, sinon nous offrirons à nos enfants une Terre dévastée.
    Aujourd’hui chaque homme dispose sur la planète d’une surface 40 fois inférieure à celle dont il disposait à l’époque de Jésus-Christ, nous nous appauvrissons et nous nous préparons un monde de contraintes à vouloir être toujours plus nombreux, la Terre est de surface finie.

  2. Des enfants bien sûr , c’est le plus merveilleux cadeau qu’une femme et un homme qui s’aiment puissent se faire….Mais dans le contexte actuel..avec sa violence infernale et omniprésente … l’incertitude pour l’avenir…et la manipulation constante des Média pour faire peur , je comprends que beaucoup de jeunes couples hésitent…

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