[ENTRETIEN] « L’extinction de la maternité est la forme la plus aboutie de cancel culture »

Après, entre autres publications, Méfiez-vous de la France bien élevée (2013), Adieu Simone (2016) et Enracinés (2020), notre directrice bien-aimée poursuit, de sa plume drôle et aiguisée, le combat pour cette France silencieuse qui subit quotidiennement railleries et moqueries, mais ne plie pas. Montrée du doigt, la famille nombreuse rime désormais avec grande pollueuse. S'il est tendance, pour certains, de préférer à l'enfant d'avoir plutôt un chien, les médias n'ont pas manqué de souligner, dernièrement, qu'un bébé jusqu'à ses 25 ans coûtait autant qu'une maison à ses parents. C'est dans ce contexte préoccupant de stérilité mentale, de « maternophobie d’atmosphère », alors que la démographie maladivement en berne de notre pays lui fait courir le plus grand des dangers, celui du remplacement de notre civilisation, que Gabrielle Cluzel témoigne avec Yes Kids (Fayard) de son expérience personnelle. N'en déplaise aux esprits chagrins, entre anecdotes familiales et traits d'esprit que les lecteurs fidèles de BV apprécient, elle démontre avec brio qu'une femme peut élever sept enfants et s'épanouir professionnellement. Une ode savoureuse à la famille nombreuse et heureuse comme remède à cette société infantile et mercantile, sans père et sans repère. Entretien.
Iris Bridier. Yes Kids : un témoignage personnel ou un essai politique ?
Gabrielle Cluzel. Bonne question ! Disons que c’est un essai étayé par l’expérience. Il en va de la maternité comme des autres sujets : pour en parler, il faut un peu les connaître. Il se trouve que j’ai eu un certain nombre - d’aucuns diraient un nombre déraisonnable ! - d’enfants, mon point de vue n’est donc pas tout à fait théorique ni désincarné.
Reste à savoir si cet essai est politique : l’enfant ne devrait avoir aucune couleur politique. Quel rapport ? Au cœur de la guerre froide, Sting chantait : même « the Russians love their children too » ! Victor Hugo, qui a écrit des mots si beaux sur le sujet (« Seigneur ! Préservez-moi, préservez ceux que j'aime - Frères, parents, amis et mes ennemis même - Dans le mal triomphants, - De jamais voir, Seigneur ! l'été sans fleurs vermeilles, - La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles, - La maison sans enfants ! ») était réputé, socialement, de gauche.
Jusqu’à ce que Virginia Woolf - et Simone de Beauvoir, dans son sillage, en France - prenne vraiment le dessus dans le corpus idéologique féministe, des femmes de gauche défendaient la maternité. « Contre le néo-malthusianisme réactionnaire, nous luttons pour le droit à la maternité », écrivait, par exemple, Jeannette Vermeersch, compagne de Maurice Thorez et adhérente au Parti communiste français en 1956.
Mais aujourd’hui, célébrer la maternité vous vaut accusation de pétainisme. La mère a été, du reste, pour cette raison complètement absente de la réforme des retraites, alors qu’elle aurait dû en être le cœur de réacteur. Pourtant, les femmes politiques qui confient, au détour d’un magazine people, que leurs enfants ont été une source d’immense joie pour elles sont légion ! Y compris Sandrine Rousseau, qui est mère de famille nombreuse (trois enfants). Une dénataliste croyante mais pas pratiquante. Quelle hypocrisie ! Ce bonheur intime, la plupart de ces femmes politiques n’ont pas assez de courage pour le défendre publiquement haut et fort. Elles ont peur de se démonétiser. Tant pis, donc, pour leurs électrices. Si les femmes politiques ne veulent pas le faire, il faut bien que les journalistes s’y collent !
On peut aussi se demander - et cela, c’est vraiment politique - si l’extinction de la maternité n’est pas, au fond, la forme la plus aboutie de cancel culture : quand vous aurez abattu les statues, détruit les monuments, brûlé les livres, interdit de parler de tel ou tel héros de notre Histoire dans les écoles, il restera le cœur battant des gens, les mœurs, les goûts, la façon de vivre qui sont la fine pointe de la civilisation et qui se transmettent de génération en génération, dans l’intimité des familles. Les statues, les monuments, les livres appartiennent au registre du musée. Ils sont les signes d’une culture passée qui certes a existé, mais qui n’est plus. Seuls les enfants sont les vecteurs vivants d’une civilisation.
I. B. Vous écrivez que les femmes sont aujourd’hui dissuadées d’avoir des enfants, qu’elles sont conditionnées… Conditionnées, le mot est fort !
G. C. Le mot est fort… mais il est vrai ! Ce livre est une réponse (d’où son titre en miroir inversé !) à No Kid (Éd. Michalon) de Corinne Maier, publié en 2007. No Kid a été traduit en onze langues et c’est un manifeste contre la maternité et les enfants. Corinne Maier a été qualifiée d'« héroïne de la contre-culture » par le New York Times et figure parmi les « cent femmes les plus influentes du monde » sélectionnées par la BBC en 2016.
La qualifier d’héroïne de la contre-culture est une vaste plaisanterie : la vraie transgression est aujourd’hui d’être mère. Le prêt-à-penser enjoint les femmes, par tous les arguments possibles, à ne pas procréer. Économiques, écologiques, psychiques…
À ce sujet — Livre : Enracinés !, de Gabrielle Cluzel
Faisons le compte, rien que la semaine dernière : 20 Minutes relaie en fanfare l’étude d’un assureur belge - AG - selon lequel élever un enfant jusqu’à ses 25 ans coûterait, en moyenne, 264.000 euros, « soit le coût d’une maison dans le plat pays ». Le site, pour parler d’enfant, utilise d’ailleurs le mot « chiard ». Et sur son compte X, il titre cet article par l’interrogation suivante : « De quoi vous faire relativiser l’envie d’un bébé ? » D’autres médias, comme Le Parisien, relaient également cette étude avec un titre similaire : « Jusqu’à ses 25 ans, un enfant coûte l’équivalent du prix d’une maison ». Donc, si l’on suit le raisonnement, en ayant trois enfants, vous perdez trois maisons, quand votre copain célibataire sera à la tête d’un immense patrimoine immobilier. En même temps, on ne sait pas très bien ce qu’il va faire de ses trois maisons, s’il n’a pas d’enfants ; parcourir les pièces vides de long en large, peut-être ? Tout cela est grotesque. Évidemment qu’un enfant n’est pas neutre économiquement, mais au lieu de conclure à la nécessaire revalorisation d’une politique familiale pour amortir ce coût - attendu que les enfants, au-delà de leurs parents, sont utiles à la société tout entière -, les médias suggèrent qu’il faudrait renoncer à procréer.
Parallèlement, sur le site de TF1 et de LCI, on trouve, posté il y a trois jours, un article sur un supposé « regret maternel » : on passe un cap ! Ce n’est plus le projet d’enfant mais l’enfant lui-même qui est « cancelisé ». Vous imaginez la violence du propos ? Nous sommes dans un pays qui a interdit la fessée et peu ou prou décrété qu’une mauvaise note à l’école était une terrible violence psychologique, et personne ne s’émeut de ce genre de propos ? C’est quel niveau de violence, une mère qui explique à son enfant qu’elle préférerait qu’il n’ait jamais existé ?
Surtout que c’est faux, archi-faux ! Une mère peut-être, à un instant t, fatiguée, débordée, inquiète, mais le seul malheur, ce n’est pas un enfant de plus mais un enfant de moins. Celles qui ont perdu un enfant ou qui n’ont jamais réussi à en avoir malgré toutes leurs tentatives peuvent en parler.
I. B. Comment enrayer cette spirale infernale ?
G. C. En tordant le cou à cette maternophobie d’atmosphère !
En 1999, dans une chronique de La Montagne, Philippe Muray proclamait : « S'il y a quelque chose qui marche très fort, en ce moment, et qui marchera de plus en plus, c'est la chasse aux phobes. À tous les phobes. » Il se trompait. Pas à tous les phobes. Non seulement on ne chasse pas le maternophobe, mais on lui tend tous les micros avec une complaisance souriante. On le voit se promener en majesté sur tous les plateaux, dans tous les médias. Une phobie qui progresse bras dessus, bras dessous avec sa sœur jumelle : la « puérophobie ». Le néologisme a été inventé en septembre 2023 par le journaliste Jean Birnbaum, l’un des seuls à avoir brisé le consensus, dans Seuls les enfants changent le monde (Seuil).
Vous vous rendez compte ? Dans un monde normal, écrire que la maternité est une chance devrait être aussi inutile que faire un bouquin sur la pluie qui mouille. Jusqu’à un temps pas si lointain, un synonyme d'« être enceinte » était « attendre un heureux événement ». Mais notre époque pend Lapalisse tous les matins et les truismes deviennent des tabous. Rappelons qu’un président des États-Unis a suscité des cris d’orfraie pour avoir dit qu’il n’y avait que deux sexes.
Chez les animaux, quand une femelle attend, on dit qu’elle est « pleine », la même étymologie que plénitude. Ce n'est pas un hasard. Je veux dire à toutes ces jeunes filles que l'on a convaincues de ne pas être mères - savez-vous que la ligature des trompes est remboursée par la Sécu à 100 % pour les 18-26 ans ? - qu'elles sont l'enfant maltraité du placard : on lui dit qu'il ne faut pas aller s'aventurer dans le jardin, dont on lui fait une description apocalyptique, et comme il ne sait pas, il y croit !
Il est convenu, aujourd’hui, de traiter la maternité comme une excroissance congénitale encombrante qu’il faudrait traiter tout au long de sa vie féconde (ou radicalement, par une stérilisation définitive) comme une pathologie chronique pour aller plus vite et plus loin : réussir sa carrière, voyager, être plus riche, plus belle, plus écoresponsable, etc. C’est complètement fou !
Si les féministes étaient cohérentes, elles devraient d'ailleurs y voir une entourloupe du patriarcat qu'elles abhorrent.
Dans Le corbeau et le Renard, le renard flatte le corbeau, celui-ci lâche son fromage et l'autre s’en empare. Là, c’est l’anti-fable de La Fontaine : on convainc la femme que son « privilège exorbitant » est encombrant et qu’il faut qu’elle s’en débarrasse. Quand elle le lâche, l’homme s’en saisit au vol et se l’approprie : aujourd’hui, le Planning familial se permet de parler « d’homme enceint » ! Je crois qu’il n’y a pas de précédent dans l’Histoire, y compris dans des civilisations réputées très oppressives pour la femme, d’une telle spoliation !

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49 commentaires
Sûr, l’enfant coûte cher. Maison et bagnole + grandes, vacances ( à plein tarif!), + toute « l’intendance »: ( vêtements/chaussures/sport/alim bio/loisirs…). Les zabattements fiscaux + les allocs sont très loin de compenser tout ça par rapport au DINKS ( double income-revenus, no kids!) qui partent en vacances pas cher, à la période calme, qui se logent – cher etc.). Il leur manque(ra) le bonheur quotidien des câlins, des questionnements des enfants, les rires et les chansons dans la maison vivante. Les pauvres finalement !
Comment Sandrine Rousseau a t elle fait 3 enfants avec un homme « déconstruit » ? Il faudra m’expliquer.
Que ces wokistes ne se reproduisent pas me paraît une bonne nouvelle.
A cela s’ajoute un dirigeant qui a fait le choix délibéré de ne pas avoir de descendance et donc pas d’avenir montre bien son intérêt pour la chose. D’ailleurs, résumer la baisse de la natalité à un problème d’infertilité, c’est se voiler la face, voire travestir la réalité, étonnant, non ?
Ce que ces « nouvelles générations » autocentrées et nombrilistes semblent seulement oublier, c’est que si leurs propres parents avaient été comme eux, ils ne seraient eux-mêmes pas là pour faire découvrir à leurs amis, leur nouvelle maison, sans enfants…..ce sont ceux aussi les plus courageux, pères et mères de familles, qui comme eux et à ce rythme, devront sans doute comme eux travailler jusqu’à….70 ans, voir bien au-delà !
A quand un calcul de retraites et du temps de celle-ci au prorata du nombre d’enfants que chaque couple a décidé d’avoir…ou pas ?
Le fait d’avoir 2,3, ou 4 enfants ne vous empéche pas de travailler tout cela est une question de vouloir.
On a tellement appris aux français à se détester qu’ils ne veulent plus se reproduire. Vite une véritable politique de la famille et redonnons de l’espoir au pays en chassant les progressistes.
Famille « nombreuse » avec 3 enfants ? Peut mieux faire aurait écrit en marge mon Prof’ de Math’. L’avantage des femmes sur les hommes (et il n’est pas menu !) est d’assurer la génération suivante en leurs corps . Merveille de la Nature si chère aux Écologistes stériles.
D un point de vue comptable. Oui avoir un enfant cela a un coût. ( merci hollande qui a coupé des aides financières au famille).. mais toujours d un point de vue comptable ce coût ne doit pas être mis sur le compte des « dépenses courantes » mais sur le compte » investissement à long terme ». Car ok pour 264 000 euros de dépenses sur 25 ans.. pour les parents.. mais lorsque ceux ci seront à la retraite .. ces mêmes enfants qui ont coûte 10 000 euros par an donneront ( par leur travail) beaucoup plus.. comtablement parlant… un fake news de l assureur ..
Très bien
Les raisons du pourquoi les gens ont moins d’enfant, personne n’ose le dire, mais une des raisons est que les couples du même sexe sont de plus en plus nombreux et ne se reproduisent pas. Les femmes sont libres aujourd’hui, de travailler, de sortir, elles veulent vivre comme les hommes c’est l’égalité voulue entre homme et femme, le résultat donne que les femmes font moins d’enfants, ensuite dans un pays en déclin, sans avenir, où un président inconscient veut nous engager dans une guerre qui n’est pas la notre, ne donne pas envie de faire des enfants pour en faire de la chair à canons.
J’admire votre aveuglement devant un fait démographique. De la Chine, le Japon, la Corée du Sud, les pays européens et même l’Amérique du sud, la natalité chute. C’est un choix des femmes. La solution serait d’interdire la contraception et les avortements ? On voit ce que ça donne aux USA !
L’avenir de l’humanité, s’il existe viendra mathématiquement de l’Afrique. Par parenthèse nous en venons tous.
« C’est un choix des femmes. »
NON, pas forcément. dans mon entourage et mes patientes (je suis « jeune » retraitée) il y a énormément de cas de stérilités : soit impossible d’être enceinte, soit fausses couches à répétitions, avec des PMA qui se finalisent par des fausses couches.
Et c’est encore pire depuis l’épidémie de coïncidence qui existe depuis environ 5 ans.
Oui ; en effet.
Avoir le culot d’écrire un tel raisonnement montre que parfois chez les « gens qui se disent ou se croient bien » l’intelligence est dans leurs chaussettes, voire plus bas encore.
Non ! Surtout pour vos deux dernières phrases. Suis quasi certaine qu’il existait des singes autochtones en Eurasie.
Je ne doute pas que Gabriel Cluzel ait développé, avec talent, le sujet sur les bienfaits de la maternité. Mais j’ai été franchement éberluée par le choix du titre « Yes Kids ». Pourquoi ? La langue français ne dépérit elle pas assez avec l’envahissement constant de l’anglais dans toutes les sphères de notre société. Traduction : Oui, les enfants. Effectivement, le titre pour pouvoir respecter l’esprit de la lettre en français aurait été plus long. Mais il faut ce qu’il faut. On est en France. « Du bonheur d’avoir des enfants », « Un bonheur nommé enfant », « Enfants, vous êtes une chance » ou plus court, « Faites des enfants! » mais pas Yes kids qui ne veut rien dire. Je suis vraiment déçue.
C’est la mode. L’américain doit dépasser le français (même chez mon coiffeur, la musique et les chansons sont en anglais!).
Exact, j’étais à 2 doigts d’écrire la même chose quand je vous ai lu. Quand donc nos journalistes, et en particulier les femmes journalistes, pourquoi ?, arrêteront-elles d’émailler leurs dires ou leurs écrits de mots extraits du sabir mondialiste anglophone que l’on comprends peut-être à l’intérieur du périphérique parisien mais pas vraiment ailleurs. Certes dans le cas présent, c’est pour faire pendant à un livre publié antérieurement par une suissesse, mais elle aussi aurait pu écrire le titre en français puisque francophone.
Gabrielle en a parlé hier soir à Cnews : consciente de ce point négatif elle voulait répondre au livre no kid par effet de miroir. Son analyse est très juste. Bravo à elle
Merci Mamiline pour cette information que j’ignorais. Ceci étant dit, un titre en français d’abord et entre parenthèses (Yes kids) aurait été, à mon avis, plus judicieux. Protégeons autant que faire se peut notre belle langue.
La contribution des individus à l’évolution et à la survie de l’espèce se fait par la reproduction. Un génome qui ne se reproduit pas est contre sélectionné en une génération. C’est plutôt une bonne nouvelle pour la viabilité intellectuelle de la lignée quand le génome en question est celui d’un ou d’une progressiste. Mais c’est, quand même, un gaspillage regrettable de ressources pour des individus stériles…
L’hypersexualisation actuelle, le culte du corps jusque dans les moindres détails, il n’y a qu’à regarder les pubs tv, donc la jouissance dans le fond plus ou moins narcissique, vont de pair avec ce rejet des conséquences naturelles de la sexualité de couple homme/femme.
C’est la décadence et la disparition programmées.
Elle est tombée Babylone la grande prostituée … c’est dans l’Apocalypse de Jean.
Reste à savoir qui est ce Jean . Les Historiens sont partagés mais très peu croient à l’identité avec celui qui fût au pied de la Croix avec Marie .