[ENTRETIEN] « Michel Barnier risque de vieillir d’un an chaque mois ! »

entretien écrit Le Gallou

Ancien député européen et fondateur du think tank Polémia, Jean-Yves Le Gallou nous livre son analyse politique concernant la nomination de Michel Barnier à la tête du gouvernement.

 

Georges Michel. Le 4 septembre, à la veille de la nomination de Michel Barnier comme Premier ministre, vous avez publié, sur X, une petite synthèse « RH » du personnage : « Très empathique, homme de compromis et diplomate, conscient (au moins verbalement) des vrais problèmes, bon profil pour une Assemblée sans majorité. » Confirmez-vous, au vu de votre expérience politique et des rencontres que vous avez pu avoir avec lui par le passé, que Michel Barnier est, aujourd’hui, « le bon homme à la bonne place » ?

Jean-Yves Le Gallou. Oui, Au regard de la situation actuelle - quasi inextricable -, Michel Barnier a le bon profil : il est empathique, il n’est pas sectaire, il a le goût et l’expérience du compromis. Ce n’est pas un idéologue mais il a l’intelligence des situations. Et il aime réussir dans ce qu’il entreprend, des Jeux olympiques d’Albertville à la négociation du Brexit.

 

G. M. Selon vous, qui sort vainqueur de ces presque deux mois d’attente avant la nomination d’un nouveau Premier ministre ?

J.-Y. L. G. Sans doute le RN, qui a réussi à éliminer Xavier Bertrand. Celui-ci paye son hostilité rabique au RN et à la droite. « Il vaut mieux être avec les communistes qu'avec les identitaires », aime-t-il à dire. Il a fait toute sa carrière en surjouant le côté « républicain ». Eh bien, cela ne marche pas à tous les coups. À bon entendeur, salut ! A contrario, Michel Barnier conservateur, démocrate-chrétien qui se dit gaulliste, n’a jamais tenu de propos blessants à l’égard du FN. Il a le respect de l’adversaire.

 

G. M. Vous avez réagi aux déclarations peu amènes du député RN Jean-Philippe Tanguy à l’égard du nouveau Premier ministre qui, selon vous, reproche à Michel Barnier « de vieux votes conservateurs de bon sens ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

J.-Y. L. G. Comme beaucoup d’hommes de droite de sa génération, Michel Barnier s’est opposé aux lois sociétales de la gauche, tel le remboursement de l’avortement ou l’abaissement de la minorité sexuelle de 18 à 15 ans pour les garçons. Précisons les choses : Barnier ne s’est pas opposé à la dépénalisation de l’homosexualité, qui est dépénalisée depuis 1792… Il s’est juste opposé à la possibilité, pour de vieux homosexuels, de séduire des jeunes garçons de 15 à 18 ans. Tout cela a suscité l’indignation et l’hostilité de Jean-Philippe Tanguy, authentique progressiste qui partage les valeurs de la gauche sur tous ces points. Tanguy, c’est d’ailleurs le représentant officiel du RN sur les médias de service public - France Info, France Inter – où il donne souvent raison aux journalistes de gauche (ou d’extrême gauche), quitte à tirer contre son camp.

 

G. M. Le RN ne votera probablement pas la censure à l’occasion du discours de politique générale de Michel Barnier, confortant ainsi sa position de « faiseur de rois ». L’épreuve de vérité pour le RN ne risque-t-elle pas d’être le vote du prochain budget ?

J.-Y. L. G. Vous avez raison. Barnier va sauter la première haie, celle du discours de politique générale. Ce sera plus difficile pour la deuxième haie : la haie budgétaire. La sagesse serait de sabrer dans les dépenses nuisibles, ce que va étudier Polémia lors de son Xe Forum de la dissidence, le 16 novembre prochain. Mais hélas, il sera plus facile d’obtenir un consensus parlementaire avec un cocktail de petites économies, de gestes « généreux » et surtout d’impôts supplémentaires, comme le réclame déjà Pierre Moscovici, le patron socialiste de la Cour des comptes. Une fois de plus, le consensus risque de se faire sur le dos ses contribuables.

 

G. M. Ce « feu vert du RN » n’est-il pas un tournant dans l'histoire du RN et de la politique française depuis les années 1970 ?

J.-Y. L. G. Il faut nuancer ce propos. Au plan national, le FN/RN n’a jamais été en position d’arbitre, même s’il ne s’est pas opposé systématiquement au gouvernement Chirac de 1986 à 1988. Mais c’est vrai, que l’exécutif soit sous la menace de censure du RN, c’est nouveau au plan national. Mais cela a existé dans une dizaine de régions de 1986 à 2004. Avec quels résultats ? Des élus mieux respectés, beaucoup mieux respectés ; des concessions (hélas souvent symboliques) ; de rares dépenses nuisibles sabrées. Il faut bien comprendre une chose : pour un homme du système, la moindre concession au FN/RN, même sur des sujets périphériques, coûte très cher en termes médiatiques, voire en termes judiciaires, comme Charles Millon en a fait les frais en Rhône-Alpes après son entente avec Bruno Gollnisch, en 1998. Barnier va être placé sous une triple surveillance : celle des médias, celles du Président, celle de la minorité parlementaire de l’extrême centre. À ce rythme-là, il risque de vieillir d’un an chaque mois !

 

G. M. Pensez-vous M. Barnier capable de prendre à bras-le-corps la question de l'immigration, comme il le souhaitait en 2021, lors de la primaire de la droite et du centre ?

J.-Y. L. G. Il y a trois manières d’aborder la question de l’immigration :

- Par le haut, par une réforme constitutionnelle, pour échapper à la dictature des juges. C’est ce qu’avait proposé Barnier en 2021 lors de la primaire LR, où il avait milité pour un moratoire de cinq ans sur l’immigration. Parfait, mais impossible dans le contexte actuel de cohabitation.

- Par l’esbrouffe, par des lois bavardes, qui ne changent rien à rien car le Conseil constitutionnel les vide de tout contenu réel, comme on l’a encore vu pour la dernière loi Darmanin. Pas sûr, d’ailleurs, que les « grandes consciences » de l’extrême centre soient prêtes à recommencer.

- Par le concret, c’est-à-dire par les décisions réglementaires : rien n’oblige à accorder un milliard de subventions aux associations immigrationnistes ; rien n’oblige non plus à délivrer 350.000 titres de séjour ; même à horizon législatif inchangé, on devrait pouvoir diviser ce nombre par deux : suppression des régularisations, fermeture des entrées pour le travail, diminution drastique des visas étudiants. On peut aussi restreindre les accès à la nationalité et augmenter le nombre d’expulsions. Et puis procéder à la fermeture administrative des sociétés qui fondent leur fonctionnement sur le travail clandestin. Comme certains restaurants ou les grandes plates-formes de livraison.

Il y a donc des mesures possibles. Barnier les prendra-t-il et trouvera-t-il le ministre de l’Intérieur idoine pour le faire ? Pas sûr…

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

12 commentaires

  1. Il faudra sortir de l’UE qui ne nous aura apporté que misère et insatisfactions à tous les niveaux. Tout ce qui coûtait 1 francs a explosé à 1 euro donc à 6,55957 francs. Personne n’a pipé mot. Et nos économies, et nos salaires, et nos pensions. Quel est le ministre qui mettra ce problème grave à l’assemblée. Il n’y a qu’Asselineau et Philippot qui ont eu le courage de dénoncer cette tromperie immonde. Quant à Michel Barnier, je lui souhaite bcp de courage mais je n’ai aucunes illusions.

  2. La France risquait un gouvernement LFI avec Mélenchon en Chavez local qui aurait transformé le pays en Venezuela en 15 jours.
    Avec Barnier (et l’Union européenne), nous allons devenir le Venezuela… mais beaucoup plus lentement.

  3. Dans cette mascarade digne d’un jeu de tarot on a éliminé d’emblée le « cavalier » (lfiste) , puis la « Reine » (Nfp), puis l’ « excuse » (ex ceci ex cela) , quelques valets de circonstance , ne reste que le « Roi » , mais comme en des temps mémoriaux la meute révolutionnaire veut et va lui administrer le couperet. Emmanuel Macron a sorti de son chapeau de magicien cet homme providentiel qui après un moment d’euphorie va rentrer dans les rangs et si l’on en croit les rumeurs des uns et des autres , notre 1er ministre va reconduire les mêmes « démissionnaires » en mettant aux marges ses copains et qui sait un (ou deux) « gauchiste » déviant . Ainsi nous allons recommencer une énième version de la France qui s’enfonce dans les géhennes de l’insécurité, de l’immigration galopante , des trous abyssaux de la dette publique (le mille feuilles public risque encore de s’engorger) , etc…, etc… Aucune confiance dans la politique que va mener monsieur Barnier , trop consensuel donc peu d’énergie. Emmanuel Macron va encore tirer les marrons du feu (provisoirement s’entend).

  4. M Le Gallou est égal à lui-même. Certes, Jean-Philippe Tanguy a commis une erreur en s’ attaquant assez grossièrement à M. Barnier. Il s’ en est d’ ailleurs excusé. Mais ce n’ est pas pour la raison évoquée par M Le Gallou. Non J-P Tanguy n’ est pas un progressiste de gauche et il s’élève souvent contre cette théorie du genre qu’ on tend à nous imposer. Il n’ est pas un homosexuel militant . M Le Gallou , lui, est obsédé par l’ homosexualité. C’ était déjà comme ça du temps de Philippot où il ne voyait chez celui-ci qu’ un homosexuel. Je ne dirais pas ici comment, moi, je qualifierais M Le Gallou…

  5. Tous ces hauts fonctionnaires finissent comme « essayistes » ce qu’ils ont faits toute leur vie durant aux crochets de la population sans jamais trouver des solutions mais ils ont « essayisté » et la seule chose qu’ils ont trouvé c’est de se remplir les poches et prêcher des conseils inutiles et néfaste mais ils ont un tel niveau qu’ile ne comprennent pas ce qu’ils font. Dommage pour la France et les Français qui les laissent faire et qui les engraissent.

  6. Macron depuis quelques jours reprend des forces , il s’alimente mieux , ne dit plus de bêtises, inaugure les chrysanthèmes ou autres manifestations populaires …il a installé un gros fusible à Matignon , il va pouvoir d’ici quelques mois au dessus de la mêlée nous délivrer son analyse , sa vérité , ses conseils …lui ne perd plus de plumes pour quelques temps , il a un peu plus de 2 années devant lui , il savoure que plus personne n’évoque sa démission depuis l’arrivée de zorro à Matignon…tout se déroule comme il le souhaitait . Sinon la France ? et bien la France attendra encore , elle a l’habitude

  7. lu dans le monde, »Delphine Dulong « Il est temps de stopper cette dérive politique et institutionnelle »
    le vrai problème est la main mise de la technocratie sur la France.
    La justice, les politiques, la fonction publique, les médias ou le monde de la culture ont diabolisés le RN mais vivent de l’argent des contribuables.
    Ces soit disant démocrates ont bloqué les institutions.
    si les français le réalisent le retour de bâton risque d’être rude.
    Déjà en province on s’attend à des coupes franches dans les subventions.
    Barnier est courageux d’accepter le poste.

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