[Entretien] Ukraine : « La France n’a pas les moyens d’engager une guerre de haute intensité »

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Interrogé, le 2 mai, par le magazine The Economist, Emmanuel Macron a réitéré ses propos sur l’envoi potentiel de troupes françaises en Ukraine. En exclusivité, BV s’est entretenu avec le général Gomart, candidat aux élections européennes sur la liste LR menée par François-Xavier Bellamy.

Louis de Torcy. Pensez-vous que Macron bluffe ? Que ses déclarations sont un coup de com’ à usage de politique intérieure ou qu’il s’agit d’une mise en garde sérieuse adressée à Poutine ?

Général Christophe Gomart. Il y a beaucoup de paroles, mais derrière, il y a peu d'actes. Dans une affaire comme cela, en fait, on peut lire trois messages. Un message pour les Français : « Attention, on pourrait peut-être y aller. » Un message vers les autres pays européens : « Il faut sans doute nous réarmer. » Mais enfin, la France n'a pas commencé à le faire, donc restons calmes. Et le troisième message, en effet, s'adresse aux Russes : « Attention à jusqu'où vous allez, parce qu'éventuellement, on serait prêts à vous arrêter ou à tenter de le faire. » Au-delà, lorsque je dis que cela reste des mots, c'est qu'on ne voit pas l'ombre d'un mouvement, d'une tentative de renforcement de la défense. La dernière LPM (loi de programmation militaire), qui devrait se finir en 2030, soit trois ans après la prochaine édition présidentielle (quand Emmanuel Macron ne sera plus Président), prévoit qu’il y aura moins de chars qu'aujourd'hui, qu’il y aura moins de Rafale qu'aujourd'hui et que notre Marine ne sera pas plus importante qu'aujourd'hui. Il faudrait, en effet, que la France passe à 3 % de son PIB en matière de dépenses militaires, qu’elle demande une préférence européenne en matière d'achats d'armements militaires aux autres pays européens. Aujourd’hui, pourtant, 80 % des dépenses militaires engagées par les pays européens le sont en dehors de l’Europe et 68 % de ces achats sont faits aux États-Unis.

L. d. T. Pensez-vous que si nous passions en économie de guerre, nous serions à même de mener une guerre de haute intensité en Ukraine ?

C. G. Passer à l'économie de guerre signifierait dépenser beaucoup plus en matière militaire. Il faudrait d’abord constituer des stocks que nous n'avons pas. Ce qui signifie prendre le temps de les constituer. Or, aujourd'hui, la France fabrique à peine 3.000 obus par mois alors que les Ukrainiens en consomment au moins 3.000 par jour. Maintenant, il est évident que cette action se ferait en coalition et que la France ne serait sans doute pas seule. Mais aujourd'hui, la France n'a pas les moyens d'engager une guerre de haute intensité. La France dispose, certes, de toutes les capacités militaires modernes, même si elle ne dispose pas d'armes antisatellites ou d'armes hypersoniques ou de missiles hyper-véloces. En revanche, on voit bien qu'il faut un changement de format, un changement de modèle. Il faut passer à une armée prête à mener une guerre de haute intensité. Je rappelle simplement qu'aujourd'hui, nous avons 220 chars de guerre et qu'en 1991, au moment de la chute du mur de Berlin, nous avions entre 1.200 et 1.300 chars.

L. d. T. Si le Président décidait d’envoyer des troupes en Ukraine, quels seraient les objectifs stratégiques?

C. G. Le vrai sujet, je trouve, dans cette guerre, c'est que tout le monde dit : « Je ne veux pas la victoire de la Russie. » Très bien. C'est quoi, la victoire de la Russie ? C'est quoi, la victoire de l'Ukraine ? C'est quoi, la défaite de la Russie ? C'est quoi, la défaite de l'Ukraine ? Personne ne répond à ces questions. Or, aujourd'hui, ce que l'on peut constater, c'est que les Russes détiennent une partie du territoire reconnu comme ukrainien depuis l'indépendance de l'Ukraine en 1991, que je ne vois pas aujourd'hui comment les Ukrainiens seraient en mesure de reprendre ces territoires avec moins de soldats que les Russes, avec un armement, une masse d'armement moindres que les Russes. Selon moi, les Occidentaux se sont trompés en pensant que les Russes reculeraient et perdraient. Ensuite, comme le Président l’a dit, on interviendra s'il y a une percée russe. Très bien, mais reste à définir ce que l'on veut. C'est quoi, l'objectif ? Est-ce que l'on veut que l'Ukraine recouvre l’intégralité de son territoire ou est-ce qu'on veut que cette guerre s'arrête de façon à ce que l'Ukraine garde au moins Kiev et puisse donc devenir éventuellement un pays avec un statut d'État associé à l'UE ? Je n’entends personne qui réponde à ces questions qui sont, de mon point de vue, stratégiques. Qu'est-ce qu'on veut ? Quel est le but de guerre de chacun ? La Russie, on connaît bien le but de sa guerre : c'est d’empêcher que l'Ukraine ne devienne un pays de l’OTAN ou ne rejoigne l'UE. Du côté des Occidentaux, c'est d'empêcher que la Russie gagne la guerre, mais sans définir ce que c'est que gagner la guerre. Il y a une espèce de flou que personne ne cherche à éclaircir. Et pendant ce temps-là, de nombreuses personnes meurent, des soldats et des civils perdent la vie dans les deux camps car les Ukrainiens bombardent également, parfois, le territoire russe. Je ne parle pas des territoires annexés mais bien de la Russie elle-même. Et pendant ce temps-là, l’attitude des occidentaux, c’est : « Armons-nous et partez ! »

Vos commentaires

69 commentaires

  1. Avant de prendre la décision d’envoyer nos soldats à la mort, le président Malbrouk devrait demander par référendum aux Français s’ils sont d’accords pour cette guerre qui ne nous concerne pas.
    Un autre aspect de cette guerre, ce sera que des Français qui la feront et alors là, les islamistes se frotteront les mains.

  2. L’article et les commentaires sont pleins de bon-sens. Stop à cette guerre orchestrée par les US. Revenons à une bonne entente avec la Russie, notre voisine. L’Ukraine, vassale des US, est le pays le plus corrompu du monde et Zelensky achète des propriétés somptueuses avec l’argent qu’il reçoit pour sa « guerre » »…

  3. « Un peuple qui oublie son passé n’a pas d’avenir (Winston Churchill) ». Heureusement nos généraux ont appris l’Histoire ( le grand H est volontaire). J’ai cru comprendre que l’Histoire aux yeux de mr Macron n’avait que peu d’importance. En 39, après le front populaire, la France a tenté de se ré-armer, mais a déclaré la guerre a l’Allemagne un peu vite. La France s’est leurrée sur ses capacités. L’histoire serait elle en train de repasser les plats?

  4. « Quel est le but de guerre de chacun ? La Russie, on connaît bien le but de sa guerre : c’est d’empêcher que l’Ukraine ne devienne un pays de l’OTAN ou ne rejoigne l’UE. » Oui, mais pas que! Il s’agit de défendre des territoires qui son bombardés depuis plus de 10 ans, des peuples qui ont décidé d’avoir leur autonomie et de parler leur langue d’origine, des peuples qui veulent suivre leur religion, ces peuples qui veulent retourner dans l’Union de leur Mère Patrie. Mais cela, c’est interdit de le dire, tout comme on doit fermer les yeux devant le massacre d’une autre population qui se fait dans un autre pays… De nos jours, ce sont les agresseurs (depuis de nombreuses années) qui sont considérés comme victimes des peuples qu’ils bombardent mais qui veulent se rebeller tout en étant aidés dans leur besoin de liberté et d’autonomie par d’autres peuples (ou pays) qui sont alors mis à l’index… Question = quel est le point commun entre les agresseurs se disant victimes.

  5. « La France n’a pas les moyens d’engager une guerre de haute intensité » La France, ruinée, n’a plus les moyens de rien ! Nous serons bientôt réduit à l’état qui était celui de la Grèce avant le terrible plan de redressement imposé par l’UE et notamment par l’Allemagne de Merckel.

  6. Comme d’habitude, macron est en pleine agitation afin d’occuper l’espace médiatique et tenter de faire oublier ses succès économiques. Il est grand temps qu’il cesse de jouer au petit soldat en plus de jouer à l’économiste.

  7. Envoyer des troupes en Ukraine, ce serait de la folie pure. Tout d’abord elle n’aurait aucune influence directe sur le déroulement des opérations ;et cela pourrait être interprété comme une déclaration de guerre par la Russie.
    Macron sera content quand Paris sera rasé ?

  8. Macron me fait penser à un chasseur sans fusil tapant du pied devant un lion ! 1200 chars
    en 1991 220 aujourd’hui, à qui la faute ? levez vous les dirigeants responsables !

    • Ils se sont mis à plusieurs pour ce chef d’œuvre de sabotage. Depuis Giscard compris.

  9. Poutine ne veut pas des missiles de l’Otan sous son nez en Ukraine. Capisce? Par contre, il se fiche que l’Ukraine rejoigne l’UE. Ruinant celle-ci en en dévorant les fonds structurels, condamnant les Européens à des impôts sans fin, l’Ukraine corrompue institutionellement et culturellement fera que l’UE en sera durablement affaiblie, donc serviable.

    • L’Ukraine dont les meilleures terres à blé ont été vendues aux multinationales américaines…

    • Donc, l’Ukraine, une fois européenne, gangrenant par sa corruption, toute l’Europe (déjà « un peu » corrompue), sera la meilleure arme d’affaiblissement de l’Europe pour Poutine.

  10. La dissuasion nucléaire, ça consiste à disposer de bombes et de missiles nucléaires. Grâce à De Gaulle, ça, on a. Mais ce qui est beaucoup plus important, c’est la crédibilité de celui qui peut appuyer sur le bouton ! Qui peut naïvement accorder la moindre crédibilité au fier-à-bras de l’Élysée ? En tout cas, pas Poutine. Et je n’ai aucun doute sur la capacité de ce dernier à riposter avec vigueur : le petit territoire français serait beaucoup plus facile à ″ vitrifier″  que l’immense Russie !
    De plus, offrir de partager avec l’UE toute entière NOTRE arme nucléaire financée par NOS contribuables pour défendre NOTRE pays, c’est au moins du vol voire de la trahison !
    Quant à envoyer nos troupes à peine suffisantes pour tenir un front de 80 km et un stock de munitions pour seulement 3 jours, c’est une plaisanterie ! Sur les rives du Dniepr, ça se terminera pire qu’à Diên Biên Phu en 1954 !

    • Vous avez raison ;quand on pense que la Russie dispose de bombes dont la puissance équivaut à 3000 fois Hiroshima… Elle détruit tout dans un rayon de 32 kms ;et beaucoup de dégâts aussi
      au-delà.

    • Vous avez parfaitement raison. Et en cas de mise à disposition de l’arme nucléaire, qui disposera des codes et appuiera sur le bouton ? Van der Layen ?

    • QUI appuie sur le bouton ? A l’évidence, Deux possibilités. a/ plusieurs hommes réunis dans une même enceinte … débats discussions votes droit de veto … b/un seul homme : qui ? Ah suis-je bête ! J’ai oublié une troisième possibilité ! l’IA !!!! Bon sang mais c’est bien sûr. (Programmes fournis par Zuckerberg Bill Gates et associés.)

  11. Pour notre pays la menace n’est pas à l’Est côté Russe mais plutôt de toutes évidences chez nous actuellement. Pourquoi des gosses de 15 ans poignardent pour un oui pour un non si ce n’est qu’ils entendent certaines grandes personnes dont le QI est au niveau des moules quant ils parlent des Français.

  12. Et Macron se répand dans The Economist dans quarante pages . Il parle des dangers qui menacent l’Europe , et bien entendu le danger de l’islam est absent , c’est pourtant le terrorisme islamiste qui tue sur notre sol , le danger de l’immigration est absent , c’est pourtant l’immigration qui nous amène l’islam , la délinquance et change profondément notre société.
    J’écoute l’émission Commentaires sur Radio Classique , les commentateurs flattent à souhait le génie visionnaire Macron et évitent la critique .

    • Le seul danger qui menace l’Europe, c’est Macron dont il faut se débarrasser le plus rapidement possible. Il voit qu’il plonge et pour se refaire la cerise, il veut entraîner le pays dans une guerre… Et pas contre n’importe qui ! Contre la Russie, s’il vous plait ! Et ben, bon courage…

    • J’écoute Radio Classique pour l’excellente musique qu’ils diffusent. Par contre, leurs informations sont très gouvernementales et je n’apprécie pas du tout leur impartialité

  13. Pas étonnant que nous trouvons des gens lucide sur la réalité comme ces généraux, ce n’est pas le premier. Si certains veulent aller faire la guerre on ne les retiens pas mais qu’ils n’obligent personne de les emmener avec eux au suicide programmé.

  14. La France n’a plus les moyens de rien, en attendant un hypothétique Réveil; il aura fallu le désastre de mai-juin 1940 pour que se lève la flamme de la Résistance à la tyrannie, à l’oppression; et puis peu après, il y eut un autre désastre : Dies bien Phù etc…

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