[Entretien] Yves-Marie Adeline : « À chaque fois que la France a atteint son apogée, c’était sous la monarchie »
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Royaliste, fondateur et ancien président de l'Alliance royale, Yves-Marie Adeline fut candidat à l'élection européennes de 2004 sous les couleurs de son parti. Universitaire, écrivain, auteur de nombreux livres, il a notamment publié Philosophie de la royauté en 2015 chez Via Romana. Il analyse le sentiment royaliste en France après les obsèques de la reine Élisabeth II.
Boulevard Voltaire : Cette semaine, sur France Inter, Marine Le Pen réagissait face à l’intérêt que les Français ont montré pour la monarchie britannique à l’occasion de la mort de la reine Élisabeth II en déclarant : « Notre peuple a tué son roi et je ne suis pas tout à fait sûre qu'il ne se le reproche pas de temps en temps. » Le pensez-vous aussi ?
Yves-Marie Adeline : Marine Le Pen regarde probablement la France dans sa profondeur historique, ce qui lui inspire cette méditation. Pour ma part, je ne sais pas si les Français regrettent leur régicide, la propagande républicaine est si intense qu’elle est encore capable d’obscurcir les esprits. En revanche, ils sont peut-être inconsciemment en manque de leurs rois, parce qu’un peuple ne peut pas avoir vécu durant mille trois cents ans en monarchie sans qu’il en reste quelque chose. En outre, à chaque fois que la France a atteint son apogée, c’était sous la monarchie : celle des Bourbons avec Louis XIV, celle des Carolingiens avec Charlemagne, pour ne citer que ces deux souverains emblématiques. Aujourd’hui, les Français voient bien que la monarchie britannique traditionnelle donne à l’Angleterre un rayonnement mondial bien supérieur à ce qu’il serait si elle devenait une simple république.
Boulevard Voltaire : En 2017, Emmanuel Macron évoquait le « vide » laissé par « l’absence de la figure du roi » en France. Dans l’état actuel de la France, ce vide peut-il encore être comblé ? N’est-il pas trop tard ?
Y.-M. A. : Dix ans plus tôt, lors de la présidentielle de 2007, j’avais commandé un sondage BVA qui donnait 17 % de Français aspirant à un retour de la monarchie. C’est peu. Et quand j’ai découvert qu’en Angleterre, il y avait la même proportion de républicains, j’ai compris qu’on était encore loin d’une restauration ! Quant à savoir s’il est trop tard ou pas, c’est une question qui n’a pas de sens, en politique : dans l’histoire des hommes, tout est possible. Mais il faut que trois facteurs se rencontrent : une crise suscitant un désir collectif et un prince ou un homme nouveau capable d’y répondre.
Boulevard Voltaire : On reproche au Rassemblement national de ne pas faire partie de « l’arc républicain ». Faut-il en déduire que le RN est un mouvement monarchiste ou, tout du moins, d’inspiration monarchiste ?
Y.-M. A. : Pas monarchiste à proprement parler, compte tenu de la réalité actuelle, mais d’inspiration monarchiste si l’on veut, en ce sens qu’il admire l’œuvre constitutionnelle de De Gaulle, cette Ve République qui est une monarchie républicaine ; certes imparfaite, et surtout vulnérable puisqu’elle est républicaine, mais bien meilleure que ce que avions connu avant 1958. Tandis que la gauche aurait préféré que de Gaulle n’eût jamais existé. Ce qui n’empêche nullement le Rassemblement national d’être le parti du peuple. Car, aujourd’hui, nous voyons ressurgir, sociologiquement et électoralement, la tripartition de l’Ancien Régime : la gauche, c’est le clergé – quand Mélenchon crie : « La République, c’est moi ! », il a raison, idéologiquement parlant, il incarne l’esprit du régime –, la noblesse avec Macron, défenseur des privilégiés habitant les centres connectés. Enfin, le tiers état, c'est la France périphérique dont les comptes bancaires passent au rouge le 15 de chaque mois, ce peuple abandonné que le RN s’est donné pour mission de défendre.
Boulevared Voltaire : Si vous deviez tenter de comparer Marine Le Pen et Emmanuel Macron à l’un des « quarante rois qui ont fait la France », des noms vous viendraient-ils à l’esprit ?
Y.-M. A. : Ces « quarante rois » sont une expression symbolique, nous en comptons en réalité soixante-neuf. Marine Le Pen pourrait rappeler Louis XVIII, qui s’efforçait de concilier le passé et le présent pour préparer l’avenir. Macron partage certains traits de caractère de Charles le Gros…
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