[Environnement] Rien n’est simple, tout se complique !

terre

Rien n’est simple, tout se complique. Le titre de deux des plus remarquables ouvrages du dessinateur Sempé, parus respectivement en 1962 et 1963, résume parfaitement ce que j’appellerais « le paradoxe de la complexité », qui consiste en ce que la solution d’un problème, aussi heureuse et pertinente paraisse-t-elle, peut entraîner l’apparition d’un autre problème, auquel il faudra donner une solution qui risque d’entraîner un nouveau problème, et ainsi à l’infini.

C’est le cas pour ce qui concerne la lutte contre la pollution et contre le réchauffement climatique. Comme je l’ai déjà dit, aucun phénomène de la nature (dans la nature) n’est monovalent, c’est-à-dire tout blanc ou tout noir.

Je me souviens, à ce propos, d’une information amusante datant d’il y a quelques années. Les autorités publiques d’un pays (je crois que c’était la Suisse) avaient mené une campagne systématique pour épurer l’eau provenant d’égouts qui se déversaient dans un lac : noble préoccupation ! Mais quand ne se sont plus déversées dans ce lac que des eaux parfaitement saines, les spécialistes ont remarqué que la faune de ce lac commençait à régresser de façon préoccupante : tout simplement parce que les impuretés provenant des égouts nourrissaient le plancton, base de l’écosystème. En sorte que nos bons Suisses ont dû, si l’on peut dire, « remettre un peu de pollution » pour préserver les poissons.

Un article de la prestigieuse revue scientifique Nature de décembre 2022 fait connaître un de ces paradoxes de la complexité. Les chercheurs se sont intéressés au fait qu’en 2020, la concentration dans l’atmosphère du méthane (puissant gaz à effet de serre) avait atteint un niveau record. Ils en ont cherché les causes et ont commencé par démontrer que les sources anthropiques du méthane (l’agriculture, les ruminants et les énergies fossiles) n’avaient pas, cette année-là, fluctué dans des proportions significatives, que les feux de forêt avaient eu tendance à régresser, etc.

Finalement, les chercheurs ont identifié deux causes de cette augmentation du méthane ; or, ces deux causes sont « écologiques ».

La première concerne les zones humides (marais, tourbières), dont la préservation est un cheval de bataille des défenseurs de la nature (avec raison, d’ailleurs). En effet, les micro-organismes présents dans ces zones humides produisent 40 % des émissions annuelles de méthane et sont plus actives quand la température et l’humidité de l’air augmentent, ce qui fut le cas en 2020.

La seconde cause est encore plus paradoxale, puisque l’augmentation du méthane vient directement d’une baisse de la pollution atmosphérique. En effet, il existe dans l’atmosphère une molécule très oxydante, l’hydroxyde, qui décompose le méthane. La formation de cet hydroxyde est liée à la pollution de l’air par les oxydes d’azote, produits notamment par les moteurs à combustion et l’industrie. Or, en 2020, les confinements à travers le monde, dus à la pandémie, se sont traduits par une moindre production industrielle et une réduction des déplacements, ce qui a entraîné une baisse de la pollution de l’air. En conséquence, le méthane a été moins dégradé par l’hydroxyde, donc sa concentration dans l’atmosphère a augmenté. En sorte qu’on peut se dire qu’à force de faire baisser la pollution de l’air (ce qui est un bien), on risque d’augmenter dans des proportions importantes la concentration du méthane, gaz à effet de serre plus nocif que la pollution qu’on aura combattue.

Tel est le « paradoxe de la complexité » : aucun phénomène de la nature (dans la nature) n’est monovalent, c’est-à-dire n’a que des effets bénéfiques ou que des effets maléfiques. Pour reprendre les mots de Sempé : « Rien n’est simple, tout se complique. »

Alexandre Dumaine
Alexandre Dumaine
Journaliste, écrivain

Vos commentaires

31 commentaires

  1. D’où, parti comme c’est, on n’a pas fini d’envoyer du méthane dans l’atmosphère et les 1.5° prévus pour la fin du siècle risquent d’être atteints bien avant quoi qu’on fasse.

  2. Dans la tête des chercheurs du GIEC c’est pourtant simple? Nous devons mettre des éoliennes partout ,des panneaux solaires et rouler en voiture électrique tout cela fabriqué en Chine qui polluera un peu plus pour fabriquer tout cela ! Et le problème sera rêglé .

  3. Quand on vous dit que le climat est affaire de scientifiques, non de politiques plus ou moins « idéologiques » (l’autre adjectif de « non-réfléchis »).
    Tout est paradoxe: par exemple, l’immigration en masse de pauvres étrangers est un enrichissement pour la France (puisqu’on vous le dit!)

  4. A vouloir « domestiquer » la nature; nos écolos prétentieux ne feront que la déséquilibrer. La nature n’a pas besoin de nous pour s’harmoniser. Il suffit de l’accompagner, c’est-à-dire de la laisser nous guider. Par exemple là où des arbres sont attaqués par des insectes, en rechercher la cause et aider ces arbres à les combattre. Mais ne pas se dire « nous allons éradiquer ces insectes ». Un déséquilibre a été rompu, il suffit de le recréer. Un autre exemple, la suppression des haies dans nos campagnes. Elles étaient utiles, on les a supprimées, on doit les recréer mais pas dans n’importe quelles conditions. Prenez l’Ukraine, des milliers d’hectares sans haies, sans bois, sans difficultés mais un autre contexte.

  5. La Vie tient , par essence , à 4 (quatre) éléments : carbone , oxygène , hydrogène , azote pouvant tous se retrouver sous les 3 états : liquide , solide ou gazeux .

  6. Puisque c’est Noël, profitons en pour revoir le dessin animé de Disney ( quand Disney était Disney), l’Apprenti Sorcier…

  7. « Rien ne se perd ,Rien ne se crée , Tout se transforme » : cette loi du chimiste Lavoisier ( guillotiné parce que »la guillotine n’attend pas le résultat de ses recherches ») nous permet de comprendre que le monde du vivant , comme ce lac suisse , est en perpétuelle évolution par les cycles non seulement des êtres qui le composent mais aussi par les cycles des molécules et des atomes qui les composent . Toute la science humaine consiste donc à orienter à notre profit ces transformations comme par exemple la vinification ou le compostage , la nitrification ou le stockage du carbone ….

  8. Pour les acharnés de la baisse du CO2, qui est à l’heure actuelle à une concentration athmosphérique de 0,04%, il faut savoir que si par malheur nos savants écolo, faisaient baisser cette concentration à 0,02 ou au dessous, il n’y aurait plus aucune vie végétale sur terre , je vous laisse imaginer la suite.

  9. À force de ne pas anticiper les conséquences à termes de décisions politiques ou idéologiques, nous nous trouvons face à des paradoxes plus ou moins graves que d’aucuns avaient prévus mais ils n’étaient pas dans le « bon système de références » car le monde n’est pas bicolore noir/blanc mais de tout un nuançage que certains appellent rose et gris (comme certaines cultures orientales). Pourtant nos ingénieurs comprennent très bien la notion « action/réaction », malgré tout il y a des biais…
    une image typique me vient à l’idée : la trotinette électrique = objet pour faciliter les déplacements = c’est vrai ; mais arrive la securite => il faut la traiter avec peut-être des adaptations à faire…
    Quoiqu’il en soit la trotinette fonctionne… mais que va-t-il être son devenir ? Une catastrophe écologique…
    Pour en finir avec cette trotinette qui s’avère être un danger publique, plus personne ne veut se mouiller.
    Cette gentille petite trottinette électrique est devenue ingérable pour notre écologie du quotidien …
    Et tout à l’avenant… ça peut s’appeler L’INCONSEQENCE…

  10. À force de ne pas anticiper les conséquences à termes de décisions politiques ou idéologiques, nous nous trouvons face à des paradoxes plus ou moins graves que d’aucuns avaient prévus mais ils n’étaient pas dans le « bon système de références » car le monde n’est pas bicolore noir/blanc mais de tout un nuançage que certains appellent rose et gris (comme certaines cultures orientales).
    Pourtant nos ingénieurs comprennent très bien la notion « action/réaction », malgré tout il y a des biais… une image typique me vient : la trotinette = objet pour faciliter les déplacements = c’est vrai ; mais arrive la securite

  11. Laisser faire la nature c’est une dame qui ne se laisse pas facilement manipulé , qui gère et qui nous survivra d’une façon ou d’une autre

    • Je crois même que la Planète – qu’on dit vouloir sauver – commence sérieusement à en avoir marre de nos gueules!

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