Éric Letty : « La Vierge Marie ? Une mère aimante ! »
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À en lire ce volumineux hors-série de Valeurs actuelles consacré aux mystères de la Vierge Marie, en ressort son statut particulier au sein de la religion catholique. Existerait-il donc une exception mariale ?
On ne peut pas parler d’un « statut » particulier de la Sainte Vierge. C’est une créature, comme vous et moi. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus écrit à ce propos : « Me croire ton enfant ne m’est pas difficile, car je te vois mortelle et souffrant comme moi. » S’il existe une exception mariale, elle tient à son Immaculée Conception : par grâce divine, elle a été préservée du péché originel qui corrompt toute l’humanité, pour devenir la mère de Dieu et « en vue des mérites de Jésus-Christ, sauveur du genre humain ». Cette conviction très ancienne et portée par la piété populaire – quoique discutée par certains théologiens pourtant très « mariaux » comme saint Bernard de Clairvaux ou saint Thomas d’Aquin – est devenue un dogme de l’Église catholique, proclamé par le pape Pie IX en 1854 et confirmé par la Vierge Marie elle-même, qui s’est présentée ainsi à sainte Bernadette lors des apparitions de Lourdes en 1858. Sa qualité de Mère de Dieu, « Théotokos », avait été reconnue à Marie dès le concile d’Éphèse, en 431.
Vous évoquez longuement ses multiples apparitions planétaires, alors que son fils aurait tendance à se faire autrement plus discret en la matière. Ce rôle de médiatrice vis-à-vis de notre pauvre monde serait-il encore une autre forme d’exception ?
Jésus est moins « discret » que vous ne le dites. Il est apparu, par exemple, au XVIIe siècle, à sainte Marguerite-Marie Alacoque pour appeler à adorer son Sacré-Cœur (« Voici le cœur qui a tant aimé les hommes qu’il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consommer pour leur témoigner son amour ») ou encore, au XXe siècle, à la religieuse polonaise Faustine Kowalska, canonisée par Jean-Paul II, pour faire d’elle la messagère de sa Miséricorde. Mais le message de Jésus, sa Bonne Nouvelle, est contenu dans les Évangiles. Les apparitions de Marie sont, en effet, plus nombreuses et plus « populaires », comme celles de Guadalupe au Mexique, de Lourdes en France, de Fatima au Portugal… À ce propos, l’abbé Guillaume de Tanoüarn analyse, dans ce numéro de Valeurs actuelles, la « géopolitique » de la Sainte Vierge, qui apparaît, observe-t-il, « là où il va y avoir de la “casse”. Pour rassurer. » Dès l’origine de la mission publique de Jésus, lors des noces de Cana, elle joue, comme vous le soulignez, un rôle de médiatrice qui intercède auprès de son Fils pour les hommes et demande à ceux-ci : « Faites tout ce qu’il vous dira. » C’est le rôle d’une mère aimante, confirmé par Jésus lui-même, quelques instants avant sa mort sur la croix, lorsqu’il dit à sa mère, en désignant saint Jean : « Femme, voici ton fils », et à celui-ci : « Voici ta mère. » À travers Jean, c’est toute l’humanité que Marie adopte, nous devenons tous ses enfants.
La Vierge Marie, la « Mère » par excellence… Cela expliquerait-il la nature particulière du culte, même si parfois informel, qui lui est rendu ? Du voyou ayant abdiqué tout espoir de rédemption au musulman qui, lui aussi, la révère ? Du mécréant qui invoque en vain le nom du « Père » et celui du « Fils », mais n’ose flétrir le sien ? Bref, existe-t-il figure plus universelle que celle de la Vierge Marie ?
Votre question contient sa réponse. Mais cette figure universelle nous rejoint dans nos particularités : nous, Français, devrions nous en souvenir d’autant mieux que notre pays est, depuis le vœu de Louis XIII en 1638, le royaume de Marie, comme l’a rappelé, en 1922, le pape Pie XI en proclamant Notre-Dame de l’Assomption patronne principale de la France. Arnaud Folch, qui a dirigé ce numéro spécial de Valeurs actuelles et en a eu l’idée, a souhaité à juste titre qu’un chapitre soit consacré à cette royauté de Marie sur notre pays.
L’universalité de la Sainte Vierge s’inscrit à l’origine dans un contexte précis et dans une histoire humaine. Marie est une jeune fille de Galilée, dont les évangélistes nous disent finalement très peu de choses, sauf dans les chapitres consacrés à la conception et à l’enfance du Christ, en saint Luc et saint Matthieu. La comparaison entre cette discrétion et la vénération des foules, que vous évoquez, est très surprenante. Et la Mère de Dieu reste finalement très discrète : elle s’emploie par sa tendresse maternelle à conduire les âmes à Jésus, celle du voyou comme celle du saint (les voyous sont aussi appelés à la sainteté, comme le bon larron), puis elle s’efface derrière Lui, comme dans les Évangiles. Il n’en reste pas moins que c’est par elle qu’Il a choisi de se donner, dès son Incarnation, lorsque le Verbe s’est fait chair pour demeurer parmi nous, comme l’écrit saint Jean. Et cela n’a pas changé, il continue de se laisser approcher à travers elle. En cette période de l’Avent, c’est ce que symbolise la présence de Marie dans la crèche : nous attendons avec elle la naissance du Sauveur. Mgr Rey, évêque de Fréjus-Toulon, interviewé dans ce numéro de Valeurs actuelles, parle de ce mystère de l’Incarnation et du « grand étonnement que l’on peut avoir devant la crèche. L’étonnement de Marie, c’est Dieu le si grand qui se fait si petit : Dieu dans la fragilité humaine. Se dire que, profondément […] Dieu nous rejoint dans cette vulnérabilité et que c’est à partir de là que l’on se découvre aimé de Lui. À un monde qui refuse la limite et la fragilité, cette image prophétique de Noël peut parler. » Et à Noël, ce Dieu vient à nous par Marie.
Entretien réalisé par Nicolas Gauthier
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