Et si on supprimait le droit de vote ?
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Tiens, ils pourraient faire ça en plein été. Un 4 août, par exemple. Un 4 août, ce serait impeccable. Nuitamment, bien sûr. D’abord, histoire de rappeler cette fameuse nuit de folie de l’été 1789 où l’on vota l’abolition des privilèges. Toujours bien, de faire un petit clin d’œil à l’Histoire dans un pays qui adore Stéphane Bern. Ensuite, comme on serait en vacances, coincés dans les embouteillages ou allongés sur la plage, ça passerait inaperçu, ou presque. Disons comme une lettre à la poste quand les professions de foi électorales arrivaient à l’heure dans ce pays.
Ils ? Les parlementaires, députés et sénateurs réunis en congrès à Versailles. Finalement, vu le peu d’appétence des Français pour exercer leur droit de vote, le Parlement pourrait carrément supprimer le suffrage universel. Il n’y a qu’en Angleterre que l’on conserve pour le plaisir des lois désuètes, comme par exemple ce droit de tuer un Écossais dans les murs de la vieille ville d’York, à condition que cet Écossais porte un arc et des flèches. Certes, il y a longtemps qu’on ne rend plus la justice en France avec une perruque, mais il serait peut-être temps d’« updater » nos institutions. En tout premier lieu, notre Constitution. Tellement liftée, depuis plus d’un demi-siècle, qu'elle n’en serait pas à ça près, finalement, la ribaude. Un passage mériterait sans doute d'être « revisité », comme on dit aujourd'hui. Celui-ci : « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple », notamment le « par le peuple ».
Du reste, le clin d’œil avec la nuit du 4 août 1789 trouverait tout son sens : les Français bénéficient d’un privilège exorbitant, celui du droit de vote, comme les seigneurs avaient celui du droit de chasse ou de pigeonnier. Serait peut-être temps que ça change, tout ça, non ? Le droit de vote, un privilège d’un autre temps qui sent son préau d’école dominical et le tabac froid au sortir du dépouillement. La preuve que c’est désuet : les Français semblent prêts à abandonner ce privilège. Les Français ne sont pas des veaux, comme disait le grand Charles. Non. Les Français sont des vicomtes de Noailles et des ducs d’Aiguillon qui s’ignorent. Vous savez, ces grands princes qui proposèrent d’abolir les droits seigneuriaux dans un élan spontané où devaient sans doute se mêler générosité et pétoche, comme souvent en France. Certes, aujourd'hui, nos Noailles et Aiguillon de plage et de barbecue sont plutôt claquettes que souliers à boucles dorées, mais bon… Des privilégiés qui s’ignorent. D'aucuns diront qui s'oublient.
Alors, avant que ne survienne cette nouvelle nuit du 4 août, on a envie de lui dire, à ce peuple français : « Au rythme qui t’entraîne, jusqu’au bout de la nuit/Réveille en toi le tourbillon d’un vent de folie… »