Et une nouvelle usine à gaz en perspective…
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Parfois, j'ai la prétention de penser que si les énarques qui peuplent les cabinets ministériels m'avaient demandé mon avis sur les réformes qu'ils préparent, je leur aurais immédiatement conseillé de remballer celles qu'ils viennent de vendre à l'équipe Macron-Philippe et dont ils peinent à assurer le service après-vente. Et mon argumentation - car les enseignants ne réagissent pas uniquement par réflexe anti-macronien et anti-énarque, il leur arrive aussi de réfléchir – aurait porté sur trois points : d'abord, la perception, la représentation de la réforme ; ensuite sa lisibilité ; et, enfin, sa technicité, sa faisabilité, sa mise en place concrète.
Sur ces trois critères fondamentaux, la réforme des retraites s'inscrit dans le rouge. Anxiogène (on vient d'apprendre que, pour ceux qui subiront décote ou cumul, ce sera la solution la pire qui leur sera réservée !), les économistes conseillers de Macron ont eux-mêmes reconnu, dans Le Monde, qu'elle n'était plus compréhensible, et chaque jour apporte son lot d'exceptions, de cas particuliers, d'aménagements qui font dire à beaucoup qu'il y aura encore plus de régimes spéciaux après qu'avant. Les idéalistes du régime unique et de la table rase se sont heurtés au mur du réel...
Mais, actuellement, les enseignants ont aussi à faire face à une autre réforme qui pèche par les mêmes défauts : cette réforme du bac qui avait poussé, en juin, certains enseignants à faire grève le jour des examens. Aujourd'hui, il s'agit d'appliquer concrètement cette réforme. Et les remontées du terrain sont toutes les mêmes : une usine à gaz. Des épreuves de contrôle continu dites E3C (épreuves communes de contrôle continu, pour les non-initiés) doivent avoir lieu dès le mois de janvier en première. Et personne n'est prêt. Ni les enseignants, ni les élèves, ni leurs parents, ni… le ministère, grand ordonnateur du ballet. Il devait fournir des banques de sujets. Qui sont arrivées avec retard. Il s'est donc déchargé sur les établissements pour l'organisation des festivités. Allez demander aux chefs d'établissement à quoi ils passent leurs soirées entre les deux réveillons... Fin novembre, le ministère de l’Éducation nationale, qui sait faire sa grande muette et sa pro de l'euphémisme dans ce genre de circonstances, avait reconnu l'existence de « difficultés » informatiques « impliquant des interruptions de service », pour expliquer le report de l’ouverture de la banque nationale de sujets.
Dans les lycées, l'exaspération des collègues est plus que palpable. Dans plusieurs établissements, les enseignants de toutes les disciplines concernées ont lancé un mouvement contre l'organisation de ces épreuves anticipées et demandent l'annulation de cette première série d'épreuves. Des pétitions rédigées lors des assemblées générales, le 9 décembre, circulent dans plusieurs lycées de Bordeaux - et non des moindres - comme ailleurs en France. Et le message au ministre est clair : « Les personnels du lycée X... demandent l’abandon des épreuves prévues en janvier. Dans la situation actuelle, le manque d’anticipation et d’organisation de ces nouvelles modalités du baccalauréat se révèle anxiogène et incohérent pour les élèves, leurs familles, les personnels et les professeurs censés assumer tous les dysfonctionnements, retards de planning et absence de prise en compte des réalités de leur charge de travail. Nous avons donc décidé à l’unanimité de ne choisir aucun sujet et de ne corriger aucune copie. »
Les enseignants ont été rejoints par la FCPE, fédération de parents d'élèves classée à gauche, qui a publié un communiqué samedi.
Pour les syndicats enseignants, unanimes comme ils l'étaient en décembre contre la réforme des retraites, le report de l'ouverture de cette fameuse banque d'épreuves a signé l'aveu de l'impréparation de la réforme par le ministère.
Pour rester sur le même ton policé que la rue de Grenelle, ces enseignants n'ont pas complètement tort, non ?
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