« État de droit » et immigration : Bruno Retailleau persiste et signe

Le ministre rumine le dossier immigration depuis longtemps. Voilà un an, face à BV, Retailleau taillait déjà dans le vif
shutterstock_editorial_2173357809.jpg
shutterstock_editorial_2173357809.jpg

Dans son discours de politique générale, ce mardi 1er octobre, Michel Barnier a évoqué « la maîtrise de l’immigration », à traiter « avec doigté » en évitant « les controverses inutiles ». Il a appelé des mesures « indissociables de l’État de droit et du respect de l’indépendance de la Justice à laquelle je suis attaché ».

Façon d’éteindre le vrai-faux incendie déclenché par la gauche sous les pas du ministre clé de ce gouvernement : Bruno Retailleau. Lors de son interview à LCI et au JDD, le dimanche 29 septembre, le ministre de l’Intérieur a lâché que « l’État de droit n’est pas intangible ni sacré ». Une bombe à Libération, qui pilonne aussitôt frénétiquement : « État de droit : Bruno Retailleau sur la mauvaise pente », « Retailleau attaque l’État de droit : Barnier ne recadre pas ». Pire, encore : « Bruno Retailleau veut un référendum sur l’immigration, plaide pour la double peine et doute de la "société multiculturelle" ». Non ! Et comme c’est dans les vieux pots… le quotidien refait la tournée des immigrés qui ont réussi : « "Et pour nous, est-ce que la France est une chance ?" Après les propos de Bruno Retailleau, la colère des immigrés », titre le quotidien, pour qui le ministre « inquiète les associations de migrants ». C’est dire… Derrière Retailleau, le général Franco ?

« Insurrections électorales »

Face aux critiques, Retailleau s’est fendu, ce 1er octobre, d’un communiqué. Lapidaire. « Bien sûr qu’il ne peut y avoir de démocratie sans État de droit, sans que la puissance publique ne respecte le droit et les libertés, expédie le ministre. C’est là le fondement de notre République. » Mais il reste droit dans ses bottes. « Aujourd’hui, le droit ne protège pas suffisamment les Français. Lorsque les textes en vigueur ne garantissent plus tous les droits — à commencer par le premier d’entre eux, le droit d’être protégé —, ils doivent évoluer, dans le plein respect des institutions de notre République. » Fin de la blague.

C'est que Retailleau rumine le dossier depuis trop longtemps pour se laisser piéger. Le 23 octobre 2023, voilà un an, il était l’invité de Boulevard Voltaire. Il avait médité la paralysie française, compris les votes en faveur du RN, admis le désastre de l’immigration. Les propos du patron du groupe LR au Sénat éclairent l’attitude du ministre.

Sur la fierté nationale, d’abord. « Pour pouvoir assimiler, il faut être sûr de sa propre identité. En pratiquant une repentance perpétuelle, on répète que la France est coupable de tout : Macron avait dit en Algérie, en 2017, qu’on avait commis le pire des crimes, le crime contre l’humanité ! À force de se dévaluer, on se disqualifie. » Sur l’immigration, ensuite. « On a un énorme problème, on a un chaos migratoire total, poursuivait Retailleau. Lorsqu’on n’a plus de capacité d’accueil, il faut absolument reprendre le contrôle de l’immigration. Car les populations […] n’ont aucune envie de s’intégrer pour chercher un travail, elles viennent profiter de notre État-providence : cela n’est plus possible. » Sur la souffrance populaire, enfin. « Ce sont les Français du bas, les classes populaires et moyennes qui subissent, partout en Europe, martelait-il. Quand ces aspirations ne sont pas prises en compte par la classe politique, il y a des insurrections électorales. » Il citait la poussée de l’extrême droite en Suède et le virage de la gauche sur ce sujet au Danemark.

Macron : « sembler faire mais faire semblant ! »

Électoralisme, crainte du RN ? Évidemment. Mais lorsqu’on demandait à Retailleau pourquoi la droite avait si peu fait dans le passé, il répondait, là encore sans détour : « Je n’ai appartenu à aucun gouvernement de droite, mais vous avez là [dans l’inaction des gouvernements de droite, NDLR] une partie de la réponse à ce que nous avons perdu en quinze ans : dix millions d’électeurs. » Seconde explication : le rôle délétère des juges. « Ce ne sont plus les élus qui font la politique, ce sont les cours suprêmes, ce sont les jurisprudences », tranchait le sénateur Retailleau, qui disait déjà : « Sans changement constitutionnel, sans référendum sur cette question, on ne reprendra pas le contrôle des flux migratoires. » Car « un référendum n’est pas susceptible de recours. Il s’impose au Conseil constitutionnel et devient une loi : vox populi, vox dei. »

On lui faisait alors remarquer que Macron parlait aussi de ce référendum. Lui faisait-il confiance ? « Absolument pas ! Il n’en fera rien. Sa devise, c’est sembler faire mais faire semblant. » La ligne Retailleau ne date pas d’hier. Reste à l’appliquer ; le temps presse.

Picture of Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

59 commentaires

  1. L’État de droit n’est pas remis en cause , mais dans son application il est contraire à sa cause, ne protège plus les citoyens contre les risques de dictature. Il se retourne contre la volonté du peuple et devient une entrave à la démocratie en détournant l’esprit des lois.

  2. Rateillau continue son macramé narratif plein de couleurs éclatantes, mais il oublie un détail qui décrochète son ouvrage, Macron est toujours président, et son meilleur ennemi politique est Migaud à la justice.
    Rateillau à 10 mois maximum pour faire un beau carré de son macramé, car alors Macron peut à nouveau dissoudre l’assemblée nationale..
    À moins que ça ne vienne directement de l’assemblée nationale où l’on est peu porté sur le macramé !

  3. « L’État de Droit » ? Parlez-en à la famille et aux amis de la petite Philippine ! L’État de quoi et de qui ? Et quel « État » / L' »UE » ? Ce n’est ni un État, ni un État d’États. On peut « persister » tout en signant un chiffon de papier…

  4. Reste le problème Franco Français de la Justice. Nos Magistrats appliquent les seules règles qu’ils se donnent et sont formés à la mode LFI, se moquant bien de l’opinion et des Chambres. La Justice n’est en rien indépendante depuis que son École est tombée entre la Gauche la plus sectaire et la moins française. C’est un état dans l’Etat.

  5. Encore faudrait-il définir ce que l’on entend par « État de droit ». Il semblerait qu’à gauche ce soit, pour les immigrés, le droit d’annoncer que la loi d’Allah est supérieure à la loi de la Répubque, le droit d’attenter à la laïcité en exigeant des salles de prières dans les entreprises ou des repas hallal à la cantine, le droit de différencier les hommes et les femmes en obligeant ces dernières à se cacher sous des voiles ou d’exiger des horaires différenciés dans les piscines, le droit d’interdire dans nos écoles d’enseigner des matières qui gênent leur religion, le droit d’être soignés gratuitement avec les impôts de ceux qui travaillent, le droit de rentrer en France et d’y vivre sans papier, le droit pour certains de « niquer » la France et, plus globalement, le droit de se permettre ici ce qui chez eux les enverrait en prison pour longtemps. Ils veulent vivre en France et bénéficier des bienfaits dont ils profitent ? Alors qu’ils ne tentent pas de nous imposer une culture qu’ils ont fuit.

  6. En l’état actuel de la constitution, l’article 11 ne permet pas un référendum sur l’immigration, pour cela il faudrait réunir le congré et modifier la constitution, ce qui n’est pas une mince affaire, De Gaulle en son temps s’était assis sur la constitution et l’article 11, mais je ne vois pas de De Gaulle en France pour le moment.

    • Et pourquoi la constitution interdirait-elle auxFrançais un référendum sur quel que sujet que ce soit si ce sont eux qui le demandent ? La constitution, refuserait-elle au peuple de pouvoir s’exprimer ?

  7. Après M. Heitz, procureur général près de la cour de cassation, c’est au tour à présent de M. François Molins, ancien procureur de la République de Paris, de monter au créneau pour critiquer la déclaration de M. Retailleau sur l’état de droit. Je les comprends parce qu’en filigrane c’est au pouvoir des juges que s’attaque M. Ratailleau qui a dit pourtant quelque chose de sensé : « l’état de droit n’est ni sacré, ni intangible ». Qu’est-ce, donc, l’état de droit sinon le contenu de règles de droit à un moment donné. Ce contenu n’est évidement pas sacré au sens qu’il est interdit d’y toucher et pas intangible au sens qu’il doit rester immuable. Surtout en droit, rien ne peut être écrit inscrit une fois pour toutes dans le marbre, parce que tout évolue, ce qui était vrai hier ne l’est plus aujourd’hui et ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera plus demain. Le droit doit accompagner cette évolution en fonction de la volonté du peuple au nom duquel la Justice rend ses décisions. C’est pour cela que le peuple par la voie référendaire (démocratie directe) ou par l’intermédiaire des représentants qu’il a élus (démocratie représentative) doit régulièrement être écouté au moyen d’élections. La difficulté est qu’en France, soit tous les représentants du peuple ne sont pas élus par lui (tels, exemple, les « hauts fonctionnaires ») soit ses représentants élus ne sont pas « restreints » par des mandats impératifs d’où d’une part l’adage chiraquien en forme d’aveu « les promesses n’engagent que ceux qui y croient » et, d’autre part, le fait que les élus ne sont POLITIQUEMENT responsables que devant leurs électeurs respectifs. Encore faudrait-il que les électeurs votent et prennent eux aussi leur responsabilité en ne se réfugiant pas dans l’abstention.

  8. « un referendum n’est pas susceptible de recours. Il s’impose au Conseil constitutionnel et devient une loi : vox populi, vox dei ». Euh on a tous vu qu’un référendum ça s’efface d’un coup de plume, rappelez-vous le traité de Lisbonne on avait été méchants idiots et la liste est longue heureusement sarko a remis les choses en place, puisque le résultat ne convenait pas, il suffisait d’ignorer ce résultat.

  9. Très exactement, jusqu’à inscrire le droit à l’avortement dans la constitution alors qu’il n’était plus menacé depuis longtemps.
    Il va falloir beaucoup de soutien à M. Barnier et B. Retailleau, courageux qu’ils sont. Il est possible qu’une partie de leurs objectifs soient atteint grâce au RN et une toute petite partie de la presse.

  10. Respecter le droit, bien évidemment. Mais le droit n’est fait que des lois votées par le parlement et il est en évolution permanente. S’il ne permet pas de répondre au problème du moment il est impératif de l’adapter. Pour certains cela ne pose pas de problème lorsqu’il s’agit de le faire par exemple quand il s’agit de légaliser le mariage pour tous, la PMA ou l’euthanasie mais il serait intouchable, gravé dans les tables de la loi, quand il s’agit de la sécurité des Français ou des flux migratoires …

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Emmanuel Macron est faible avec l’Algérie et fort avec la Russie
Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois