États généraux de la Justice : du grand défoulement au grand démantèlement
4 minutes de lecture
C’est dans un parc d’attractions (!) que M. Macron a lancé sa grande opération de communication politique préélectorale sur la Justice, dite pompeusement « Etats généraux de la Justice ».
Cette Justice qu’il continue, par dérision et mépris affiché, à appeler « service public de la justice » en oubliant qu’il s’agit d’une autorité constitutionnelle. Aurait-on idée de parler du « service public du gouvernement » ou du « service public du Parlement »…
Bien sûr, ce genre de « show » n’est pas nouveau et s’inscrit dans la ligne de précédents tout aussi empreints de boursoufflure sémantique, de « Chantiers de la Justice » en « Justice du 21e siècle », de Taubira en Belloubet, les magistrats peuvent avoir le regard blasé et ironique des vieilles troupes devant ce genre de gargouillis médiatiques…
En fait, ce que les gens de Justice, confrontés en permanence aux difficultés matérielles et à l’insuffisance criante des moyens, attendent d’abord, c’est moins des « États généraux » qu’un « État généreux ». Mais, d’évidence, le « quoi qu’il en coûte », ce ne sera pas, cette fois encore, pour l’autorité judiciaire !
Pour autant, ce serait une erreur que d’y voir une simple opération de diversion, pour faire semblant de répondre à la lassitude et la colère du corps judiciaire et des autres acteurs de l’institution.
Car derrière les palabres qui vont s’engager pour amuser la galerie pendant quelques mois, le « grand défoulement », où chacun va y aller de l’expression de ses frustrations, dans le plus grand désordre et dans l’irréductible contradiction des rôles et intérêts, une commission est mise en place pour, en toute discrétion derrière le rideau, faire le vrai travail et apporter au Président, flanqué de son mis en examen préféré, sur un plateau, la caution pour un « grand démantèlement ».
Il est clair que la feuille de route de cette commission censée être « indépendante » (sans rire !), présidée par un ancien conseiller de Badinter, idéologiquement presque monocolore, avec la pincée d’alibis de rigueur pour donner l’illusion du pluralisme, et où les magistrats, archi-minoritaires, ne feront que de la figuration, en la personne des seuls deux chefs de la Cour de cassation qui avaient imprudemment tendu cette perche au Président, est déjà écrite.
Les conclusions des travaux qu’elle va mener dans l’ombre peuvent en être connues d’avance : ce sont tous les serpents de mer les plus éculés que, depuis des années, élèvent ceux qui rêvent de rabattre et soumettre l’autorité judiciaire ; soit, entre autres :
- La fonctionnarisation du parquet, en retirant aux membres du ministère public leur qualité de magistrats, cette spécificité française qui fait toute la supériorité de notre système judiciaire sur ceux qui confient cet acte capital qu’est la poursuite à la seule police ou à des accusateurs aux ordres de la puissance publique, formidable régression pour la garantie de l’impartialité et la protection de la présomption d’innocence !
- La suppression du juge d’instruction et la mise en place d’une procédure à l’anglo-saxonne, nirvana des avocats, surtout ceux des riches et puissants, dont ses plus enthousiastes soutiens s’étaient pourtant mis en sourdine ces dernières années depuis quelques affaires qui en avaient mis en lumière les vices majeurs… Mais le juge d’instruction, malgré tous les coups de boutoir portés contre lui sous la pression du lobby des avocats, reste un bastion d’indépendance et c’est cela qui est insupportable pour ses contempteurs.
- La suppression de la Cour de justice de la République, pourtant instituée par les politiques pour juger des politiques, mais qui a eu le tort de faire simplement le travail pour lequel elle avait été créée !
Et avec ce cynisme brutal qui le caractérise, M. Macron d’avouer qu’il s’agit d’empêcher tout simplement qu’un juge vienne asticoter un ministre en exercice (un avocat imprudemment nommé garde des Sceaux, par exemple ?), bref, en marche vers l’immunité ministérielle ! La demi-douzaine de membres du gouvernement qui ont dû quitter leur poste depuis quatre ans pour cause de tintement de « casseroles » applaudiront à tout rompre…
Le télescopage du rendu du rapport de cette commission avec les échéances électorales majeures de l’an prochain ne doit pas abuser : outre que M. Macron compte bien, d’évidence, être réélu (et qu’il pourrait même, dans ce cas, conserver son ministre de la Justice…), ce document servira de caution à toute entreprise future de mise en œuvre de ses conclusions, d’où qu’elle vienne.
La Justice ne peut plus attendre, la France non plus !
Vos commentaires
Pour ne rien rater
Les plus lus du jour
LES PLUS LUS DU JOUR
Un vert manteau de mosquées