États généraux de la justice : encore des discours !
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La politique en marche se nourrit de plus en plus hypocritement des dogmes du management anglo-saxon : impliquer les acteurs, les faire échanger et la lumière jaillira…
Le Président a pointé un certain nombre de dysfonctionnements de l'institution judiciaire : manque de moyens, textes incompréhensibles, pression des justiciables en attente de justice, pression des médias. Tout cela est connu, trop connu.
Il a défini deux « chantiers » :
- La restauration du pacte civique entre la nation et la justice via l’indépendance, la responsabilité, la transparence et l’évaluation ;
- Rétablir la justice comme service public via l’effectivité et la lisibilité.
D’autres constats s’imposent moins politiquement corrects qui doivent orienter la politique à mener courageusement.
Le rôle d’une justice illisible. Elle est trop sollicitée à cause de la multiplication des injustices et des difficultés sociales. La société est malade. La justice ne peut que panser les plaies, intervenir au coup par coup. Elle ne peut pas pallier les carences politiques et sociales. On lui demande trop. La preuve : nos magistrats se muent en pédagogues, en assistantes sociales, en conseillers en réinsertion… Il faut la recentrer sur ses missions régaliennes et ne plus lui faire supporter la gestion des faillites à répétition du politique et de la société.
La formation. Il faut sortir du ghetto idéologique dans lequel est enfermée l’École nationale de la magistrature. Facile à dire. Il faut le faire.
Par ailleurs , il faut retrouver la parité homme-femme dans un corps qui est ultra majoritairement féminin ; ce qui n’est pas bon, même si les femmes ont apporté beaucoup de leurs qualités à l’œuvre de justice.
Ensuite, la justice n'est plus l'objet du droit. Celui-ci est devenu une masse de réglementations incompréhensibles et non maîtrisées comme le président de la République l'a souligné, sauf qu’il a lui-même contribué à ajouter des couches à ce mille-feuille indigeste.
Reste - et c'est le point qui n'a été évoqué par le président de la République que de manière incidente - la question des modalités procédurales du procès civil comme pénal à l'heure de la numérisationn et des datas. Il a dit : « Je crois que nous devons d'abord clarifier le suivi, définir mieux les interlocuteurs, mais utiliser mieux la révolution numérique qui peut, sur ce sujet, offrir des services aux usagers, à nos concitoyens et permettre des sauts qualitatifs immenses. En particulier ce qu'on appelle en très bon français nos legal tech, toutes ces entreprises qui sont impliquées dans la transformation par le numérique de nos pratiques, permettent des innovations extraordinaires. Elles doivent être associées aux réflexions en la matière et à ces éléments de lisibilité, d'accessibilité et de simplicité. »
Le progrès, toujours le progrès. Il ne suffit pas d’avancer ! Encore faut-il savoir où on va… Or, nous savons qu’il s’agit du problème majeur auquel l’institution judiciaire est confrontée. L’outil est gourmand. Il menace de tout régenter par conformisme et facilité.
La justice est chose humaine. Elle résulte d’une analyse rationnelle du cas de justice qui passe par une qualification humaine et juridique. Elle résulte d’un discours au plein sens du terme. La corrélation qui est à la base du fonctionnement des procédés d’intelligence artificielle, de leurs algorithmes et de leur datas constitue une forme de savoir primitif qui n’est pas en mesure d’étudier la relation de causalité qui est précisément à la base de l’œuvre de justice.
Certains de ces outils technologiques facilitent le travail de l’institution judiciaire par des gains de temps et de productivité. Mais on ne peut abandonner à la machine ce qui doit rester l’œuvre de l’homme et/ou de la femme chargé de rendre le jugement.
L’enjeu est fondamental, essentiel. Comment peut-on faire en sorte que la justice reste humaine face à l’immixtion inévitable des algorithmes et des datas dans le fonctionnement de l’institution judiciaire ?
Au-delà des questions de moyens et de pur fonctionnement, il s’agit, au cœur des turbulences politiques, sociologiques et technologiques, de rétablir un grand corps dans sa vocation essentielle de rendre la justice des hommes pour les hommes, faute de quoi il est vain de prétendre réformer la justice face aux multiples défis de notre temps.
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