États généraux de l’information : la chasse au Bolloré est ouverte !

soirée JDD Bolloré 1

Ce mardi 3 octobre s’ouvrent les États généraux de l’information, pince-fesse mondain qui devrait se poursuivre jusqu’à la fin du printemps 2024, avant de s’autocélébrer lors d’une sauterie promise au théâtre du Châtelet, le 9 octobre prochain. N’y manqueront plus que Francis Lopez et ses Mousquetaires au couvent, qui firent les belles heures de cet auguste établissement.

Officiellement, Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières, aux manettes de ce nouveau comité Théodule, affirme : « Ce serait une erreur de penser que les États généraux sont une réponse à Bolloré. » Officieusement, Libération nous en dit plus : « Après la crise au Journal du dimanche, la presse peut-elle échapper à de nouvelles bollorisations ? » Nous y voilà.

Au menu des réjouissances : « Préparer un plan d’actions pour que nous, citoyens, et nos enfants, puissions recevoir des informations fiables et pluralistes », à en croire Le Monde. Bref, résume Libération, « l’espace de la cité est subitement devenu un champ de bataille globalisé, traversé par les ingérences étrangères, les fake news. […] En clair, comment préserver un espace informationnel sain, quand il se retrouve la proie des offensives de Bolloré, de Poutine et d’Elon Musk. »

Selon que les riches sont de gauche ou de droite…

Ce qui paraît plus clair encore, c’est que la chasse aux milliardaires « conservateurs » investissant dans les médias est ouverte. Alors que leurs homologues « progressistes » seraient par avance absous, puisque œuvrant pour la « bonne cause ».

On ne sait ce qu’il convient de saluer en ces propos : la naïveté, la duplicité, ou les deux à la fois. Que les médias traditionnels soient des enjeux politiques, rien de bien nouveau. Que les « ingérences étrangères » soient le lot quotidien de nombre de journalistes n’a rien de bien neuf non plus. L’URSS avait ses méthodes, un peu grossières ; les USA un brin plus finaudes. Mais de Staline en Poutine et de Nixon en Biden, rien n’a fondamentalement changé. Et à ce jeu de dupes, des nations telles que la Chine, Israël, l’Azerbaïdjan ou la Turquie ne font jamais que suivre le mouvement tout en adoptant les mêmes vieilles recettes visant à asseoir leur influence médiatique.

En fait, la défiance vis-à-vis de cette profession viendrait plutôt de lecteurs de plus en plus rares, ces derniers ayant tendance à plus suivre les sites d’information alternatifs sur Internet que les médias traditionnels. Là, les chiffres annoncés par Libération sont plus que révélateurs : « 82 % estiment que les médias sont "sous contrôle" des grands groupes financiers. »

L’exception Bolloré ?

Il est vrai qu’ici, au contraire des États-Unis, on peut être à la fois patron d’un groupe industriel et médiatique. C’est le cas des familles Dassault et Bouygues, l’une avec Le Figaro et l’autre avec TF1 ; mais aussi de Xavier Niel, de Matthieu Pigasse et du défunt Pierre Bergé, avec d’autres médias tout aussi dominants, dont Le Monde, évidemment. Sans oublier Bernard Arnault et son groupe LVMH, premier annonceur publicitaire de France qui, de fait, demeure le véritable patron de nos médias. Ce qui est aussi le cas de Vincent Bolloré, même si en partie retiré de ses affaires industrielles d’avant. Alors, pourquoi lui plutôt qu’un autre ? Parce qu’il entend désormais faire ce qu’il entend de son argent ?

Et la vérité oblige à dire qu’il le fait plutôt bien. i>Télé est devenu CNews, avec le succès qu’on sait. Canal+ ne s’est jamais aussi bien porté. Quant au Journal du dimanche, il continue de sortir tous les dimanches, tout en ayant récemment reçu des centaines de candidature de journalistes, peut-être un peu las de l’actuelle doxa unique. Comme quoi les choses ne sont pas si simples.

En revanche, il est intéressant d’en savoir plus sur la personnalité de Christophe Deloire, dont le prédécesseur, Robert Ménard, nous dit : « Autrefois, Reporters sans frontières pouvait se flatter de défendre tous les camps, même des journalistes avec lesquels nous n’étions pas d’accord. La liberté, c’est de défendre des gens qui ne pensent pas comme vous. Et quand France Inter s’inquiète du manque de pluralisme au JDD, il serait bien inspiré de d’abord balayer devant sa porte. » Il est vrai que cette radio d’État est censée représenter toutes les opinions politiques des contribuables qui la financent. Au contraire d’un Vincent Bolloré, bien libre de ses opinions et de ses largesses financières. La nuance n’est pas mince.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

22 commentaires

  1. Il y a plus d’éditorialistes de gauche à CNews qu’il y en a de droite dans tout le service public, télé et radio confondues…

  2. Et allons y, encore un comité Théodule de plus afin de permettre à macron de refaire un one man show de plusieurs heures. Et il faut emprunter presque trois cents milliards

  3. En tous cas, ce que je peux constater avec du recul (et ainsi après quelques temps, constater si oui ou non les infos sont justes) et des croisements d’information que RT et Sputnik Africa sont plus justes dans leurs informations, même les infos françaises!
    Certes, il faut un VPN qui, paraît il sera interdit (mais bien sûr, vive la Liberté à la française!) pour les lire, mais au moins, on a de l’info en temps quasi réel, et les éditoriaux sont bien nommés « éditoriaux et non informations, les phrases et discours sont bien avec le nom de ceux qui les ont prononcés, et ce avec un lien permettant de vérifier (sur RT, Sputnik étant plus une chaîne d’info en réel)!

  4. Les milliardaires, qu’ils soient de droite ou de gauche, posent un problème politique. Comme le pensait Machiavel, les inégalités économiques se traduisent toujours par des inégalités politiques. Le pouvoir démesuré que donne leurs fortunes à une poignée de gens immensément riches qui possèdent tous les médias importants et qui choisissent et aident les candidats de leur choix (Macron par exemple qui a été fabriqué par trois milliardaires dont le plus riche de tous) pose un énorme problème politique. Une telle situation n’est pas compatible avec un régime authentiquement républicain. D’ailleurs notre système politique n’est pas une république mais un système représentatif qui, comme l’avait prédit Mirabeau en 1789, a évolué vers l’oligarchie. Notre système représentatif, qui n’est ni une démocratie (la démocratie athénienne était radicalement différente de notre système politique actuel), ni une république (dans une république on ne tolère pas les dominations arbitraires, celle des très riches par exemple), devient une oligarchie ploutocratique comme c’est déjà le cas aux États-Unis. Ce problème n’est pas nouveau, Aristote, déjà, pensait, qu’il fallait limiter les inégalités économiques !

  5. Quand Libération ose parler « d’un espace informationnel sain », on se pince le nez, ou on éclate de rire, c’est selon.
    La même chose pour tous ces médias gauchistes en survie, shootés aux subventions.

  6. Une vraie et saine décision serait de supprimer toutes les subventions d’argent public versées aux médias. Seuls survivraient alors les médias dignes de ce nom.

    • En effet la jungle bobo-gaucho-etc à besoin de bons coups de machettes pour que le soleil nous parvienne !
      Le gouvernement cherche des milliards et ils sont là sous yeux. Il serait plus sain de frapper tous ces médias insalubres à leur rente aux subventions que de piocher dans les caisses des caisses de retraites du secteur privé.
      Mais où irait ces gouvernants de pacotille sans leurs suppôts médiatiques ?

  7. La couverture de Libé , que j’évite comme la peste , est en effet un excellent raccourci de cet enfumage , ils n’ont vraiment peur de rien eux qui vivent de l’argent des contribuables.

  8. Je constate avec plaisir que Nicolas Gauthier évoque, enfin, la « radio d’Etat » et non la « radio de service public ». C’est que la nuance est d’importance. Tout finit par arriver chez BV …

  9. Encore un comité Théodule mis en place par Macron pour faire taire ses opposants. Ces états généraux de l’information, auxquels ne vont participer que les « bien pensants » définis par le Président, vont définir précisément ce que les medias auront le droit de dire. Les lavages de cerveaux ont continuer…

  10. Parmi les patrons médiatico-industriels « gentils », on pourrait également citer Patrick Drahi qui, pour le risque d’ « ingérences étrangères » se pose un peu là: Français sur les bords mais Marocain au milieu, et accessoirement lusitanien, israélien et christophien ( de Saint-Kitts-et-Nevis, paradis touristique et fiscal) et enfin résident suisse. Bref, on sent le patriote acharné.

  11. Très peu peuvent encore se prétendre journalistes , la majorité sont des menteurs vivant grassement de subventions volées aux contribuables pour écrire ce qu’on leur dicte dans les hautes sphères . Merci aux autres qui peuvent encore se regarder dans un miroir , ils sont rares et pourtant très précieux à nos yeux.

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