États généraux de l’information : une nouvelle croisade contre Bolloré ?

Si l'exécutif promet un comité indépendant, force est de constater que le casting retenu n’a rien de neutre.
Vincent Bolloré

« Bolloré accapare des médias et réduit le journalisme. » Au micro de France Inter, ce 24 juillet, Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières, s'en prend à Vincent Bolloré. Une sortie qui fait suite à son interview réalisée dans le même studio, quelques jours plus tôt. « Là où Bolloré passe, le journalisme trépasse. C'est un ogre qui digère les médias et les transforme en organe d'opinion », accusait-il alors. Ces déclarations hostiles au milliardaire breton sur les ondes du service public ne devraient pas nous étonner si elles n’émanaient du tout juste nommé délégué général des États généraux de l’information.

Promesse de campagne, le président de la République a profité du mouvement de grève lancé par la rédaction du Journal du dimanche contre l’arrivée de Geoffroy Lejeune pour organiser, à partir du mois de septembre, une réflexion sur les médias et plus largement sur le droit à l’information. Pilotés par un comité soigneusement sélectionné par l’Élysée, ces États généraux de l’information ont, entre autres, pour objectif de « lutter contre toutes les tentatives d’ingérence et de donner aux journalistes le meilleur cadre pour remplir leur mission essentielle ». Et si l’exécutif promet un « processus ouvert et contradictoire » conduit par un comité « indépendant », force est de constater que le casting retenu n’a rien de neutre et transpartisan, bien au contraire…

Un comité orienté
Aux côtés de Bruno Lasserre, ancien vice-président du Conseil d’État aujourd’hui à la tête de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), Christophe Deloire présidera donc ce comité de pilotage. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le secrétaire général de Reporters sans frontières ne porte pas Vincent Bolloré dans son cœur. Outre ses déclarations au micro de France Inter, Christophe Deloire s’est engagé aux côtés de la rédaction du JDD dont il « salue le courage ». Il en appelle à Arnaud Lagardère, ancien propriétaire du journal, pour mettre fin à la « menace Bolloré ». Une hostilité envers l’homme d’affaires breton qui ne date pas d’hier. Déjà, en 2021, il présentait un documentaire, intitulé Système B, dans le but de dénoncer les méthodes de Vincent Bolloré. Nul doute qu’il profitera donc des États généraux de l’information pour, une nouvelle fois, taper sur les médias du groupe Vivendi et plus largement sur la presse libre dont il ne partage pas les opinions.

Pour l’épauler, il pourra compter sur la chercheuse Camille François, spécialisée dans le numérique. Cette enseignante à l’université de Columbia n’a certes pas (encore) manifesté son hostilité vis-à-vis de Vincent Bolloré mais ne cache pas son soutien au président de la République. En 2022, elle partageait ainsi son « soulagement » de voir le candidat d’En marche élu face à Marine Le Pen. Y aurait-il, alors, des proches ou soutiens des autres partis politiques pour équilibrer l’orientation de ce comité ? Que nenni ! On trouve ainsi Anne Perrot, inspectrice générale des finances qui signait, en 2017, une tribune dans les colonnes du Monde en soutien à Emmanuel Macron. Dernière personnalité nommée au sein du comité, Nathalie Collin n’a pas d’ancrage politique public mais a été, un temps, à la tête de Libération avant de rejoindre la direction du Nouvel observateur. Deux médias bien connus pour leur pluralisme.

En somme, comme le résume Gilles-William Goldnadel sur CNews, ce comité de pilotage est « un aréopage de gens qui pensent exactement la même chose [..] Le but du jeu est de tordre le cou à la presse libre. » Un sentiment partagé par Laurent Jacobelli, porte-parole du Rassemblement national, pour qui « les États généraux de l’information s’apparentent dangereusement à une police de la pensée ». Même au sein des Républicains, on s’interroge. Olivier Marleix, président du groupe LR à l’Assemblée, ironise ainsi : « Ça va être quelque chose, ces États généraux de l’information [...] avec Christophe Deloire choisi par le pouvoir pour nous expliquer le "bon modèle". »

Après la proposition de loi de David Assouline (PS) pour « soumettre à la validation de l’équipe rédactionnelle la nomination du directeur de la rédaction » et le texte transpartisan, porté par les écologistes, pour garantir « l’indépendance des médias », il semblerait que la bien-pensance redoute de voir le vent de la presse tourner…

Picture of Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

52 commentaires

  1. Quand les politiques s’intéressent à la presse et dans le cas présent veulent légiférer sur ce que doit être la presse, il y a lieu de s’inquiéter.

  2. Pour quelles raisons n’y aurait-il pas dans ces comités de République bananière , à part égale, un pull de candides triés au sort dans l’électorat. Ce qui se fait en Justice (le tirage au sort). Il y aurait au moins de la contradiction, des idées du terrain en provenance de lecteurs, les principaux intéressés . A moins que l’information ne concerne que les bien-pensants, donc naturellement orientée pour leur satisfaction.

  3. Qu’il fait bon vivre dans cette France où le roi place ses pions partout pour consolider ses destructions…
    Les copains d’abords est sa vraie devise !

    Alors cette fois, un nouveau comité Théodule qui pourrait bien accoucher d’un ministère de la vérité tant désiré par sa copine Ursula…

  4. Les états généraux de l’information , si c’est pour garantir la liberté des journalistes pourquoi pas. On pourrait
    avoir Geoffrey Lejeune à L’humanité ou au Monde..

    • « Si c’est pour garantir la liberté des journalistes pourquoi pas ?  » C’est ça, t’as qu’à croire…

  5. Si les journalistes du JDD n’aiment pas les décisions de leur direction, ils n’ont qu’à démissionner pour rejoindre un journal qui leur plaise.

  6. Le contrôle des médias par quelques milliardaires (Arnault, Bouygues, Niel…..et Bolloré) pose un problème de fond. Ce contrôle nuit gravement à la liberté d’expression et les médias de Bolloré ne sont pas plus « libres » que ceux des autres milliardaires. Machiavel pensait, à juste titre, que les inégalités de richesse se traduisent inévitablement en inégalités politiques; c’est plus que jamais une évidence. Arnault, Lagardère et Niel, ont créé Macron et Bolloré a fabriqué un candidat conforme à ses attentes. Au centre de la pensée républicaine il y a le refus de toute forme de domination arbitraire; l’appropriation des médias par les milliardaires est une forme de domination arbitraire profondément anti-républicaine.

    • Ne me dites pas que vous préférez les journalistes ultra gauchistes qui crachent à longueur de journée sur la France et son passé prestigieux. Ces milliardaires n’ont pas toute la presse ni le monopole gauchiste du service dit public.

  7. « Ces états généraux de l’information ont, entre autres, pour objectif de lutter contre toutes les tentatives d’ingérence » : Cela rappelle une toute récente commission d’enquête parlementaire sur les prétendues ingérences, où son président, le ci-devant Jean-Philippe Tanguy, a brillé de mille feux. Édifiant !

  8. le retour de l’info mode URSS, la diffusion de l’information avec ces gens asservis et surtout contre la liberté d’expression fait peur, comme tous ces états généraux de ceci ou cela il en ressortira une forme de sanction du peuple.

  9. Cessez donc de rabâcher « service public » à longueur d’articles alors que nous n’avons affaire qu’à un audiovisuel d’Etat.

  10. Il en sera de ces états généraux de l’information comme de la cours des comptes: un épais rapport qui ne servira à rien et sera rapidement enterré; du moins il faut ici l’espérer.

  11. Tout les grand médiats appartiennent a des gens riches, forcément vue le cout de fonctionnement mais ce qui est injustes les médiats d’état dit services publique un mensonge de plus et d’orientations bien déterminé le cout de fonctionnement c’est nous qui les finançons sans que nous ayons notre mot à dire ce qui est de toutes évidences antidémocratique.

  12. Avec ce macron son système c’est magouille et compagnie ou comment éliminer ceux qui ne pensent pas comme lui

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Que peut mettre Emmanuel Macron à son actif ? Du sociétal uniquement
Gabrielle Cluzel sur CNews
Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois