Des étoiles aux vers de terre et retour

À regarder les journaux télévisés français, on pourrait oublier que, dans d’autres pays, les journalistes font leur travail et informent le public sur des sujets importants. Samedi 24 février, la RTBF ouvrait son journal du soir par un sujet sur Hubert Reeves, l’astrophysicien bien connu. Celui-ci tente de sensibiliser les jeunes à l’extinction massive des espèces animales que nous connaissons. Notamment les vers de terre. Car les lombrics sont en train de disparaître, comme les insectes, les oiseaux, les poissons et bien d’autres espèces. La Terre meurt, mais en silence. Pas de quoi faire l’ouverture du 20 Heures en France.

Le lendemain, on apprenait que Nicolas Hulot, ministre de l’Écologie, était prêt à des concessions sur l’interdiction du glyphosate dans trois ans. Moyennant quoi, il a pu visiter le Salon de l’agriculture sans se faire lyncher. Sans doute, il y a un an, aurait-il pu accompagner Hubert Reeves dans une de ses conférence.

Or, quelle est la cause de la disparition des abeilles, des lombrics, des mésanges ? Les pesticides et herbicides répandus par tonnes dans les champs.

J’entends bien les agriculteurs qui nous disent que, sans ces produits, ils ne peuvent produire suffisamment. Qu’ils vivent chichement, à la limite de la pauvreté. Sans intrants chimiques, la productivité des sols diminuerait ainsi que leurs revenus, à peine suffisants pour faire vivre une personne.

Pourtant, leurs grands-parents cultivaient sans cet attirail chimique. Pourtant, leur travail faisait vivre toute leur famille. Pourtant, ils nourrissaient le pays qui n’importait quasiment rien.

Ce qui a changé, c’est l’arrivée du pétrole dans les champs. Pétrole pour le tracteur. Pétrole pour les engrais. Pétrole pour les insecticides. Pétrole pour les herbicides. Ou dérivés du pétrole.

Aujourd’hui, les agriculteurs ne vivent plus de leur travail mais de subventions. Ils ne peuvent plus transmettre leur ferme à leurs enfants puisqu’elle appartient au Crédit agricole. Ils ne meurent plus de cholestérol mais de cancers (quand ils ne se pendent pas de désespoir).

Il serait temps que les agriculteurs redeviennent des paysans et qu’ils arrêtent de chercher des solutions (chimiques, mécaniques ou robotiques) auprès de ceux qui les ont conduits à cette impasse.

Pour notre part, nous rêvons d’une campagne qui sentent à nouveau bon l’humus plutôt que la raffinerie. Une campagne où nous serions dérangés par le bourdonnement des insectes ou le chant des oiseaux plutôt que par le bruit des tracteurs. Une campagne où l’on pourrait pêcher dans la rivière grâce au lombric déterré sur la berge. Mais aussi une campagne où les paysans gagneraient (bien) leur vie en produisant des aliments exempts de produits chimiques.

Mais il est vrai que ce ne serait pas bon pour le cours de Bourse des entreprises pétrochimiques ni pour le PIB.

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Pierre Van Ommeslaeghe
Professeur de philosophie

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