« Peut-être souffrons-nous cette fois de ne pas avoir connu de visible défaite »

Le 9 novembre dernier, date anniversaire de la mort du général de Gaulle, une grande partie de la classe politique – le carré des caciques LR, Laurent Wauquiez, Maël de Calan, des représentants du FN, Nicolas Dupont-Aignan et Debout la France, Florian Philippot et ses Patriotes et même Anne Hidalgo, maire de Paris – est venue en procession, ou comme à la parade, à Colombey-les-deux-Églises se recueillir sur la tombe du chef de la France Libre. Que cela vous inspire-t-il ?

Cela ne m’inspire rien, j’en suis plus satisfait que du contraire, je suis content de voir que le général de Gaulle reste une référence essentielle pour beaucoup de gens. Il l’a toujours été pour moi. Ce qui m’attriste, et pourrait m’inciter à la moquerie, à la dérision, voire au mépris, ce n’est pas que des personnalités politiques de tout bord viennent se recueillir sur la tombe du général de Gaulle — Karim Ouchikh et moi l’avons fait nous-mêmes. Ce qui m’attriste, et même me désole, c’est que ces mêmes personnalités paraissent ne retenir absolument rien de l’exemple du Général, et en particulier du message du 18 juin : semblent ne pas l’entendre, ne pas le comprendre, n’en pas percevoir l’esprit, ne pas le transposer dans la situation d’aujourd’hui.

Vous-même, avec votre ami Karim Ouchikh, président du SIEL, étiez à Colombey. Et c’est de Colombey que vous avez lancé un Conseil national de la Résistance européenne par analogie au Conseil national de la Résistance. Quel est le sens de cette initiative ? Pourquoi à Colombey ?

À Colombey le jour anniversaire de la mort du Général parce que de Gaulle a été l’âme de la Résistance, au même titre que Vercingétorix, Jeanne d’Arc et Jean Moulin. Je crois la situation actuelle aussi grave que celle qu’a trouvée la Pucelle en 1428 ou de Gaulle au moment de la débâcle — plus grave, même. Une défaite, en effet, une occupation militaire, un peuple peut les surmonter, s’en remettre, on l’a bien vu ; et la France l’a particulièrement montré, qui en plusieurs occasions au cours de son histoire paraît s’être relevée du tombeau, comme Lazare. Je l’ai dit cent fois, j’ai une conception lazaréenne de la patrie, et spécialement de la patrie française, deux ou trois fois ressuscitée d’entre les morts, déjà. Mais peut-être souffrons-nous justement, cette fois, de n’avoir pas connu de défaite, de visible défaite, qui aurait pu réveiller les esprits, les tirer de la torpeur désolante où on les voit.

Nous sommes victimes d’une invasion soft, comme tout le reste : une invasion qui n’ose pas dire son nom, et qui fait condamner ceux qui osent la nommer.
Le sens de cette initiative est celui d’un appel, d’un cri de désespoir et de révolte, d’un avertissement à la Brangaine, ou Cassandre, d’une exhortation dramatique au sursaut, au bord du gouffre. Demain, il sera trop tard. En 2022, il sera trop tard.

De toute façon, l’issue ne sera plus politique, à présent. Nous sommes au-delà de la politique. 2017 était la dernière chance du politique. La politique ne peut que jouer contre la nation, désormais, puisque l’occupant est déjà l’arbitre de la situation, et qu’il sera demain maître du jeu, ne serait-ce que par son nombre et par son poids électoral ! Toutes les lois de la politique et toutes les lois tout court sont contre nous. Nous n’avons aucune chance de l’emporter à un jeu où l’adversaire — et là, je ne pense plus à l’occupant, mais au remplacisme global, que j’évoquais précédemment — dispose de tous les pouvoirs et a toutes les cartes en main : roi, dame, valet, juge, journaliste.

Dans le discours que vous avez prononcé à Colombey, vous qualifiez le Grand Remplacement de GPA planétaire. Vous n’y allez pas un peu fort ?

Non. Je le répète, on ne comprend rien au Grand Remplacement si on ne le situe pas dans le cadre encore plus large de ce que j’ai nommé le remplacisme global, où je vois l’essence du post-modernisme post-humaniste, et probablement post-humain. Remplacer, tel est le tropisme central pour une humanité hébétée par la déculturation, l’imbécillisation de masse, la violence et la drogue. Toutes les manipulations génétiques se tiennent, et toutes tendent pareillement à une humanité de rechange, standardisée, normalisée, taylorisée, interchangeable à merci : une Matière Humaine Indifférenciée (MHI), où bien vite il entrera bien autre chose que de l’homme, devenu un OGM comme un autre. Il est seulement stupéfiant que les écologistes arrêtent à l’homme, Dieu sait pourquoi, leur légitime souci de biodiversité.

À propos d’Emmanuel Macron, vous dites : "Il sort de la politique par l’économie, par la finance et la gestion d’entreprise. Nous voulons en sortir par l’Histoire." Que voulez-vous dire ?

Que la situation ne relève plus de la politique, je le répète. Macron et nous sommes d’accord sur ce point, bizarrement, pour des raison bien sûr opposées. Lui estime la politique périmée, il instaure la "davocratie" directe, le management du parc humain par les laboratoires et la banque, la gestion des masses par la finance hors-sol, sans intermédiaire : neutralisation du microcosme, des féodalités, des baronnies, de la représentation nationale. Nous jugeons, de notre côté, que la question de savoir si une grande nation, un grand peuple, une haute civilisation vont ou non disparaître de la surface de la Terre, ce n’est pas de la politique, c’est de la tragédie — et de l’Histoire, oui.

Voyez à quel point les discours des hommes et des femmes politique sont morts, im-pertinents, gratuits. Ils ne touchent plus aux choses, plus aux âmes, plus aux paysages, plus aux êtres. Ils sont aussi vains que ceux de la sociologie, des statistiques, de la démographie, des sciences humaines en général, dont on trouvera demain incroyable qu’elles aient pu passer parmi nous pour des sciences, comme à d’autres époques l’astrologie ou l’alchimie. Songez que non seulement elles n’ont rien vu et rien dit, rien annoncé, des deux phénomènes majeurs de notre époque, le Grand Remplacement et l’effondrement de l’École, la submersion migratoire et l’interruption de la transmission, mais qu’en plus elles les ont niés de toutes leurs forces, au moment même où ces phénomènes énormes et qui crevaient les yeux (et le cœur) se déroulaient en pleine lumière. J’appelle dénégationnisme cette résolution farouche à nier l’évidence.

Renaud Camus
Renaud Camus
Ecrivain - Fondateur du NON

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