Étudiants en médecine déprimés et… réquisitionnés !
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Sur les bancs virtuels des facultés de France, l’heure n’est plus aux joyeuses discussions où l’on refait le monde, mais au constat terrible de l’impasse dans laquelle nous sommes. D’autres l’ont déjà écrit, mieux qu’ici – voir le superbe mail du doyen de la faculté de droit de Nancy -, mais les études ne se font pas par téléconférence, outil régulièrement inadapté, généralement mal maîtrisé, systématiquement médiocre.
Plusieurs restrictions s’entrecroisent depuis désormais un an : la liberté de sortir de chez soi, de travailler, de jouir de la majorité des loisirs ou des institutions, voire de nouer de nouveaux liens. Ce sont probablement ces dernières mesures qui touchent particulièrement les étudiants. À l’âge des premières vraies relations, des premières expériences professionnelles, du trop-plein d’énergie et du trop peu d’argent, toute cette rampe de lancement vers la vie active s’effondre, achevant une génération au futur déjà incertain.
De ce manque de perspectives – sociales comme professionnelles – découlent des cris d’alerte, répétés ces derniers mois aux sourdes oreilles de Frédérique Vidal. Et de ces cris d’alerte découlent certains passages à l’acte, dont la presse commence à se faire l’écho, ne pouvant en relever que quelques-uns, par pudeur parfois, par ignorance souvent.
En parallèle, ces mêmes étudiants – des filières de santé, du moins – sont réquisitionnés, gratuitement ou presque, pour venir « servir la cause » qui nous unit tous : lutter contre ce mal obscur et terrifiant que représente une pneumonie. Pour certains, c’est ajouter l’insulte à la blessure. Pour d’autres, c’est le côté face de la vocation médicale.
Tous ces faits sont évidents. Toute cette détresse est justifiée. Mais là n’est pas l’essentiel. Du temps béni où je découvrais la réanimation, notre chef de service, admirable et admiré, épatant de rationalisme, nous répétait que « les mêmes causes entraînent les mêmes conséquences ». Comprendre qu’il faut traiter la cause pour éradiquer les conséquences, et non courir après des symptômes sans chercher l’atteinte qui les entraîne.
La situation actuelle est similaire. Déplorer isolément l’enseignement bâclé, la solitude forcée, le mépris du ministère dédié, la gratuité de l’apport des étudiants en santé, sans critiquer le processus causal de ces maux, c’est brandir sa lance face à des moulins à vent toujours plus nombreux.
Ne pas, dans le même temps, lever la tête et observer que des dizaines de professions courent à la ruine et souffrent de ces mêmes symptômes confine à l’égocentrisme.
Car ce cri d’alerte, ce suicide entraîné, n’est malheureusement pas l’apanage des étudiants.
Si c’est effectivement « dur d’avoir 20 ans en 2020 », selon la formule (hypocrite mais diablement efficace : sans rien donner aux plus jeunes, on irrite les plus vieux) désormais consacrée, ça l’est tout autant avec une, deux ou trois décennies de plus. De la détresse psychologique estudiantine à celle du restaurateur, il n’y a qu’un pas, trop souvent franchi ces derniers mois. Ce n’est pas tant l’âge mais la perte de ses libertés individuelles qui se répercute sur le moral, et ce n’est pas tant le présent, certes tragique, mais le futur désespéré qui entraîne ces vagues de suicides.
Camarades étudiants, vous n’êtes pas seuls dans votre souffrance, d’autres souffrent aussi. Ce n’est pas votre génération qui est sacrifiée, c’est une année de vie que nous avons tous, jeunes adultes comme octogénaires, perdue, et nous en perdrons d’autres si nous ne réagissons pas.
Et si, plutôt que de contempler ce qu’est devenu notre quotidien, nous nous interrogions sur les étapes de cet asservissement ?
Et si, au lieu de nous isoler dans la détresse, la soumission et l’acceptation de notre sort dont ne peuvent résulter que ces actes désespérés, nous nous unissions dans la lutte ?
Et si, enfin, nous arrêtions d’obéir sagement à des ordres aliénants pour recouvrer notre liberté ?
Il est rare qu’une liberté se perde en un seul coup. Mais les coups s’enchaînent…
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