European Banking Authority : une nomination qui fâche
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En 2012-2013, lors des empoignades autour de la loi Moscovici "de régulation et de séparation des activités bancaires", les opposants à ce projet très minimaliste évoquaient, pour dénoncer sa timidité, une sorte de connivences entre les établissements bancaires et les inspecteurs des finances. Est-il opportun qu’un jeune et brillant fonctionnaire de Bercy saborde ses futures occasions de pantouflage en se montrant trop exigeant envers ses putatifs futurs employeurs ?
Là, l’histoire se joue en sens inverse, mais à plus grande échelle : le nouveau président de la European Banking Authority sera… un banquier, José Manuel Campa, jusqu’à présent en charge de la conformité chez Banco Santander… soit la première banque espagnole, une parmi la trentaine de banques considérées comme « systémiques », c’est-à-dire dont le défaut entraînerait une crise majeure. Celles que l’on dit « too big to fail » ("trop grosses pour faillir"), mais parfois, aussi, « too big to jail » ("trop grosses pour être emprisonnées").
La perméabilité entre régulateur et régulé influent fait jaser. Le recrutement du commissaire Barroso par Goldman Sachs avait ému, mais pas au point d’empêcher cet inceste à haut niveau. Ce nouveau coup dur démontre, s’il en était besoin, que l’Union européenne n’est, tout compte fait, qu’un commode instrument de mutualisation pour les lobbys de tous poils, et pas du tout un espace démocratique qui est au service des citoyens européens et dont la gouvernance serait irréprochable.
l’EBA se présente comme une autorité indépendante. Comme un Thomas Becket qui est soudain devenu soucieux de l’honneur de Dieu (cf. Jean Anouilh), on peut se prendre à rêver d’un dirigeant qui, conscient de la divergence entre les intérêts des peuples européens et ceux de la haute finance, serait capable d’imposer beaucoup plus de mesure à cette dernière. Ne rêvons pas, il est plus probable que la clef du local à scellés où se trouvent les saisies de drogue ait été confiée à un junkie notoire...
Ce genre de décision n’est, bien sûr, qu’une goutte dans le torrent des causes des futures crises. La crise financière, d’abord, avec un alignement probablement persistant des intérêts servis par le régulateur sur ceux des banques. Ces banques soucieuses de fricoter tranquillement avec le shadow banking (finance de l'ombre) doivent sabler un champagne dont les bulles éclateront vite, avant d’autres bulles, bien plus dangereuses. La crise politique, ensuite : le rejet du projet européen, malheureusement incarné par cette Union européenne, par une population dégoûtée n’est qu’un légitime dividende de cet entre-soi délétère.
Les premiers débats autour des prochaines élections européennes semblent montrer une hystérisation croissante de la vie politique. Goûtons le paradoxe : élire un Parlement européen qui serait majoritairement hostile à l’Union européenne devient, chaque jour, plus probable. Qui blâmer ? Tous ceux qui, abusant de leurs pouvoirs, ont préféré servir les intérêts de lobbys bien organisés plutôt que le bien commun. Mais surtout pas ceux qui useront de leur bulletin de vote pour les sanctionner.
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