Euthanasie et soins palliatifs : la bataille fait déjà rage

©Shutterstock
©Shutterstock

Mardi 21 janvier, le Premier ministre a annoncé qu’il souhaitait aborder séparément le sujet de l’aide médicale à mourir et celui des soins palliatifs. François Bayrou, catholique pratiquant, n’a jamais caché son hostilité à l’euthanasie, qu’il dénonçait encore en 2023 dans Le Figaro : « Ne faisons pas un service public pour donner la mort. »

Ainsi, c’est à travers deux textes distincts que ces sujets délicats pourraient être à présent débattus par le Parlement. Les partisans d’une légalisation de l’euthanasie sont vent debout. Bien évidemment, la gauche et le camp présidentiel s’insurgent. Alors qu’ils tenaient leur victoire au bout des doigts, la dissolution décidée par Emmanuel Macron en juin dernier leur a volé cette nouvelle conquête sociétale. Et voici que, désormais, sont annoncés deux textes, encore plus ou moins inexistants, au calendrier inconnu. Le progressiste s’étrangle.

Le soir même, la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, s'est ainsi dite « opposée » à cette « scission ». « J'attends que le gouvernement et le Premier ministre réinscrivent ce texte dans son ensemble à l'Assemblée nationale », et ce, dès « aujourd'hui », a-t-elle lancé, sur France 5. De son côté le député MoDem Olivier Falorni, ayant déposé dès septembre une proposition de loi favorable à l’euthanasie, cosignée par 235 parlementaires, estime que « séparer les deux n'a aucun sens ». « Il s'agit en fait de dire : "Votons une loi sur les soins palliatifs et puis attendons quelques années pour voter une loi sur l'aide à mourir" », a-t-il expliqué à France Info.

Le député Hadrien Clouet, de La France insoumise, a dénoncé, mardi dernier, auprès de France Info, un « sabotage », estimant que « François Bayrou veut torpiller le texte, parce qu'il a toujours été hostile à l'aide à mourir ». Dans un communiqué du 23 janvier, l’ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité) s’est indignée : « Pourquoi ce texte législatif ne peut qu’être un texte global ? Parce que, d’une part, les soins palliatifs et l’aide à mourir sont complémentaires et non antinomiques, comme on aimerait parfois nous le faire croire. Une personne en situation de fin de vie doit pouvoir avoir accès aux soins palliatifs, elle doit pouvoir aussi avoir accès, si les conditions sont réunies et qu’elle en fait la demande, à l’aide à mourir. »

Des opposants qui accueillent favorablement cette séparation 

Contacté par BV, Jean-Marie Le Méné, président de la fondation Jérôme-Lejeune, réagit : « Les soins palliatifs sont le contraire de l’euthanasie, qui n’est pas un acte médical. » Il voit dans cette annonce du Premier ministre « une bonne nouvelle, car séparer les deux sujets revient à les distinguer. L’euthanasie n’est pas de la médecine, il est important de le dire. » Il invite le gouvernement à prendre ses responsabilités en présentant une grande loi sur les soins palliatifs pour qu’enfin ceux-ci soient accessibles sur tout le territoire.

De son côté, le président de la Conférence des évêques de France, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, a estimé qu’il s’agissait d’« une mesure de sagesse ». « La question de la peur de la fin de vie qui habite tout le monde se poserait dans des termes très différents si nous avions vraiment une prise en charge de la douleur dont on est capable aujourd'hui », a-t-il rappelé, sur Ici Champagne-Ardenne.

Philippe de Villiers s’est fendu d’un message lapidaire, sur X : « Le gouvernement constate qu’il ne peut plus payer les #retraites. Et il nous annonce un projet sur l'#euthanasie pour les vieux. La coïncidence est troublante. Avec la filouterie d’une double loi, l’une cachant l’autre. Une main qui soigne, une main qui tue. Décivilisation. » Une étude de la Fondation pour l’innovation politique, publiée ce moi-ci, vient appuyer les inquiétudes de l’ancien élu vendéen : « On voit désormais circuler, à bas bruit mais aussi explicitement, l’idée que le développement de la mort provoquée pourrait être une source d’économies. » Illustration au Canada où un rapport parlementaire fait état d’un gain financier total net de l’aide médicale à mourir estimé à 149 millions de dollars canadiens.

En juillet 2023, la Cour des comptes rappelait quant à elle dans un rapport que « 500 personnes meurent chaque jour sans avoir bénéficié des soins palliatifs dont elles auraient eu besoin ».

Symbole d’un sujet brûlant et complexe, la réaction du député socialiste, Jérôme Guedj, n’est pas celle que l’on pouvait imaginer lorsqu’il affirmait, il y a quelques jours, sur X : « Jamais je ne voterai un texte qui permettrait d’ouvrir l’aide active à mourir à un malade d’Alzheimer comme vous souhaitez si désireux de le faire. Les vulnérabilités, on les accompagne. Une société qui prévoit leur éviction, même volontaire, est effrayante. »

Vos commentaires

27 commentaires

  1. Ils font ch… à la fin , si vous n’en voulez pas ,souffrez jusqu’à la fin ,mais laissez mourir les autres . Moi je ne veux pas finir avec une couche culotte ,en buvant de l’eau et en mangeant des bouillies . Épargnez moi de finir comme Hemingway , épargnez aux pompiers de ramasser les os et la cervelle.

  2. C’est très simple, il suffit d’exiger de chaque citoyen de choisir sa fin de vie, mais on préfère occuper les passions à ce sujet, pendant ce temps on ne s’occupe plus de ce que font nos députés, nos sénateurs, le conseil d’état et la CDDH

  3. En Belgique, cela fait déjà belle lurette que l’euthanasie est légalisée. Pourquoi tant de polémiques en France ? C’est totalement incompréhensible tellement cela tombe sous le bon sens , toujours reporter, bavarder, discuter…et quelle hypocrisie puisque bon nombre de médecins français pratiquent déjà l’euthanasie « sous le manteau ». Je suppose qu’une nouvelle fois, les groupes de pression religieux et les lobbystes réactionnaires sont à l’oeuvre car seul Dieu reprend la vie, n’est-ce pas ? Crétinerie absolue

  4. Acte 1: réunissez les euthanasistes, faites-les plancher sur un projet de loi, demandez-leur de le chiffrer, abondez dans leur sens: vous voulez 5 milliards ? En voici 10 ! Et ainsi de suite jusqu’à épuisement des débats. Acte 2: Déposez un projet de loi sur les soins palliatifs, avec le même budget que celui adopté pour l’euthanasie, MAIS avec une clause « de residuo »: quand le budget affecté aux soins palliatifs aura été épuisé, alors, mais alors seulement, le reliquat sera reversé à l’euthanasie. Ainsi, chacun sera satisfait !

  5. J’ai du mal à comprendre pourquoi tant de polémique à ce sujet…
    Pour moi il est clair que tant qu’on a espoir de guérir voir de prolonger substantiellement une vie décente à un patient on le soigne du mieux que l’on peut…
    Lorsque cet espoir disparait le rôle des soignants est de respecter le confort et la dignité du patient par les soins palliatifs… quitte à augmenter certaines doses ou utiliser des antidouleurs tellement puissants qu’ils peuvent raccourcir la durée de vie.
    Et si le patient est conscient, ou a clairement exprimé ses dernières volontés, contre l’acharnement thérapeutique en fin de compte lui injecter une dose létale qui mettra fin à ses souffrances. Pour moi c’est une forme de suicide accompagné !
    Au diable les positions dogmatiques inspirées par des convictions religieuses qui ont oublié le principe simple de la charité !

    • Je suis totalement d’accord avec vous ayant été confrontée moi-même à cette douloureuse situation. Il faut déjà respecter les dernières volontés du malade et le laisser partir en douceur et en PAIX. La charité n’est pas que…chrétienne, pas besoin de religions pour la pratiquer.

  6. Pour certaines maladies comme la maladie de Charcot, attendre de mourir en s’étouffant longuement est insupportable à envisager et indigne.
    C’est une affaire strictement personnelle et je considère inconcevable que chacun se donne le droit, sous couvert ou pas d’une religion qui lui est personnelle, d’avoir l’outrecuidance de vouloir décider pour autre que lui.
    Cela nous montre que les adeptes d’une religion ont annihilé leurs analyses et leur sens critique pour en faire don à leur religion. Peut-être une façon de se dédouaner en se donnant bonne conscience…

  7. Pourquoi mettre la charrue avant les boeufs ? Si cette loi sur l’euthanasie tellement chère au champion qui a déjà fait inscrire l’avortement dans la constitution devait voir le jour, ne faudrait-il pas, avant de parler d’instaurer une loi sur l’euthanasie, mettre en place dans tous les départements un service de soins palliatifs digne de ce nom ? Lorsque ces services de soins palliatifs seront opérationnels et au niveau partout en France, il sera peut-être légitime de se poser la question de la loi sur l’euthanasie. Il sera légitime de se la poser pour les personnes malades et en souffrance, mais aussi pour les barbares criminels qui agressent et assassinent les innocents. Tous les citoyens, mais plus particulièrement les innocents, méritent qu’on fasse preuve d’humanité à leur égard.

Laisser un commentaire

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Un vert manteau de mosquées

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois