Examens, concours : les écrans leur font perdre la tête… et la main

enfant ordinateur

Les printemps - électoraux ou pas - sont aussi la période des examens, des partiels, des concours - blancs ou pas. Et ils sont encore, ces jours-ci, des milliers de jeunes ou moins jeunes, étudiants ou professionnels, à vivre l'intensité et le stress des révisions, des épreuves qui s'enchaînent, des 7 heures de dissertation ou autres joyeusetés. Et pour les enseignants, avec la fin du second semestre dans les universités, ce sont les copies des partiels qui vont arriver et, parmi leurs récriminations, une antienne nouvelle s'élève : la dégradation inquiétante de l'écriture. Ils ne déplorent plus seulement le manque de culture, le déficit de lecture, le manque de maîtrise des bases de leur discipline, de la syntaxe et de l'orthographe, et le vocabulaire incertain. À ce tableau alarmant du niveau des étudiants s'ajoute un autre fléau : les copies illisibles, avec une écriture difficile à déchiffrer.

Le phénomène n'est pas nouveau et il était prévisible qu'il atteigne l'université. En effet, ces dernières années, la sonnette d'alarme a été tirée à l'école. Chaque année, au moment de la rentrée et de la passation des évaluations en CP-CE1, des professeurs des écoles montent au créneau. Pour eux, les raisons sont évidentes : omniprésence des écrans, réduction des heures de classe consacrées à l'apprentissage du geste : « Dans les années 1960, un instituteur de CP y consacrait dix heures hebdomadaires. Aujourd'hui, si on arrive à deux heures, c'est la fête ! » remarque Laurence Pierson, professeur des écoles devenue graphopédagogue, citée par Le Parisien. Le tout numérique à l'école doublé de l'addiction aux écrans à la maison n'a pas fini de produire ses dramatiques conséquences : parmi elles, la perte du geste de scripteur.

Pire : l'on se rend compte que cette perte en entraîne d'autres. En effet, les neurosciences montrent que la fin de cet apprentissage et de cette pratique induit des modifications du fonctionnement du cerveau et de ses capacités d'apprentissage, comme le rappelle un article des Échos, cette semaine. En 2020, le magazine Pour la science rendait compte de l'étude d'une chercheuse norvégienne qui avait montré la supériorité de l'écriture manuelle sur le clavier : « Ces résultats suggèrent que les mouvements délicats et finement contrôlés de l’écriture manuscrite contribuent aux schémas d’activation cérébrale liés à l’apprentissage. Nous n’avons trouvé aucune preuve de tels schémas d’activation lors de l’utilisation d’un clavier. »
Même une prise de notes en amphi, dans un cours magistral ou lors d'un colloque, lorsque l'écriture ne peut être soignée, est toujours plus stimulante qu'une prise de notes sur ordinateur.

Alors, sachant cela, que faire ? À côté des modules de remédiation en expression française type Voltaire, on voit se multiplier les initiatives tendant à développer l'évaluation de la compétence « lisibilité de l'écriture », y compris en licence de lettres ou d'histoire, un comble ! Évidemment, les choses sont à reprendre bien en amont, dès l'école maternelle et primaire. On voit aussi se multiplier les consultations, à tous âges, chez des graphothérapeutes, souvent d'ailleurs des anciens professeurs s'étant reconvertis. Pour eux, la boucle est bouclée. Pour l'Éducation nationale et son prochain ministre, c'est un nouveau chantier à ouvrir.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

Vos commentaires

24 commentaires

  1. Le tout numérique a été répandu dans les écoles sous la pression des fabricants de matériel informatique, qui font le siège des ministères, de la commission européenne et du parlement de Bruxelles pour vendre leur camelote. Il ne s’agit nullement, une fois de plus, de considérations nobles sur la qualité de l’instruction.

  2. Ceux qui fabriquent les tablettes et inondent le marché les interdisent à leurs enfants .Les parents ont aussi une grande part de responsabilité .C’est tellement simple de coller un enfant devant un écran….

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