Exclusif – Éric Zemmour : « Les présidentielles, c’est un homme, un peuple. Et après, qui m’aime me suive ! »
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Ce 5 octobre 2021, Éric Zemmour, que le sondage Challenges-Harris Interactive donne au deuxième tour de l’élection présidentielle, s’est longuement confié, sans fard et sans tabou, au micro de Boulevard Voltaire. Son nouveau statut, Bernard Tapie, son livre La France n’a pas dit son dernier mot, les limites du libéralisme, les chefs d’État qui l’inspirent : Zemmour nous dit tout. Durant quatre jours, nous publions pour vous en quatre épisodes le son et le texte des confidences de celui qui fait trembler le paysage politique français. Voici aujourd'hui l'épisode 3. Vous retrouverez les épisodes 1 et 2 déjà publiés sur le site.
Marc Baudriller : On attendait un débat entre Marine Le Pen et Macron, ce ne sera peut-être pas cela.
[Dans « la survie de la France en tant que France », ndlr], il y a tout l’enjeu de la présidentielle. Nous sommes effectivement, (avec Emmanuel Macron) les deux pôles d’un vrai débat non pas de société mais de civilisation. Ce débat aura lieu grâce aux sondages. Ce débat ne pourra pas ne pas avoir lieu. Nous avons déjà eu Marine Le Pen au second tour et elle n’a pas imposé ce débat, elle a parlé d’autre chose. Je pense que c’est cela, qui se passe aujourd’hui. Lorsqu’elle en avait l’occasion, elle n’avait pas choisi d’imposer cette question-là. Elle a préféré parler de l’Europe et de l’euro, qui sont des questions importantes. Donc, son tour est passé…
M. B. : Une campagne, c’est un peu d’argent. Avez-vous des donateurs ? Êtes-vous prêt à passer sous les fourches de la déclaration de patrimoine ?
Je trouve que cette transparence obsessionnelle est assez malsaine, mais je respecte la loi. Maintenant, pour l’argent de la campagne, on verra bien. Ce sont des questions que je ne maîtrise pas encore vraiment. Pour l’instant, je ne peux pas en parler.
M. B. : Pensez-vous à une alliance avec les nationaux, Front national, Dupont-Aignan, LR ou une partie de LR ? À votre avis, qui est le plus dangereux pour vous, parmi les candidats à la candidature LR ?
J’ai milité depuis vingt ans pour la destruction de ce stupide et suicidaire front républicain dans lequel la droite s’est emmêlée les pinceaux depuis trente ans, tombant dans le piège. J’ai vu que Valérie Pécresse affirmait que tout son engagement politique reposait sur ce front républicain. Grand bien lui fasse ! Personnellement, j’ai d’autres engagements politiques et je pense qu’il y a des choses beaucoup plus importantes. Le front républicain est stupide. Il a divisé des électorats qui étaient faits pour être ensemble et qui furent ensemble au temps du général de Gaulle, au temps de Georges Pompidou et même, dans une moindre mesure, au temps de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy. Ce sont des électorats patriotiques, c’est la bourgeoisie patriote. La séparation entre ces deux électorats est criminelle, pour la droite. Par conséquent, il faut les rassembler. Le problème, c’est que le Front national n’a que les classes populaires et que LR n’a que les retraités CSP+. Dans cette configuration, personne ne peut gagner. Il faut donc rassembler les deux et je pense que c’est possible.
Est-ce que la France restera la France, c’est-à-dire, comme disait le général de Gaulle, un pays de race blanche, de religion chrétienne et de culture gréco-romaine ? Je suis favorable à cela. Il est possible de rassembler ces électorats. Maintenant, la présidentielle n’est pas l’élection législative. Nous ne sommes pas en Allemagne. Nous n’allons pas faire des coalitions. Les présidentielles, c’est un homme, un peuple, et après, qui m’aime me suive ! Celui qui est au second tour rassemble des gens qui sont avec lui et contre l’adversaire. C’est comme cela que cela se passe, dans la Ve République. Il n’y a pas d’alliance de partis, pas de coalition. Je crois que c’est ainsi qu’il faut voir les choses.
G. C. : Comment vous définiriez-vous ? Conservateur, réactionnaire, libéral, colbertiste, souverainiste, somewhere parmi les anywhere ? Tout cela à la fois ? N’est-ce pas contradictoire ?
C’est effectivement tout cela à la fois. Je dirais aussi patriote, gaulliste. On peut être conservateur parce qu’il faut conserver ce qui est beau et ce qui est en danger. On peut être réactionnaire sur certains points parce qu’on estime que, dans le passé, les choses marchaient mieux sur ces points. Par exemple, l’école et l’assimilation, dans les années 1960, fonctionnaient mieux. Il faut s’inspirer de ce qui se faisait. Je remarque, pour l’école, que les Asiatiques qui sont à la pointe de la modernité font exactement ce que l’on faisait dans les années 1960 : l’école sur le mérite, sur l’excellence et pas du tout sur notre obsession de l’inclusion. On peut être souverainiste dans le sens où il faut récupérer le maximum de la souveraineté que nous avons abandonnée à l’Europe, voire aux régions et autres. Il faudrait que l’État récupère cette souveraineté car cela a été une perte irréparable. On est un peu tout cela, le mouvement gaulliste, bonapartiste. Dans l’histoire des idées politiques de la France, on sait ce que c’est. Lorsque je vous parlais d’alliance sociologique entre les classes populaires et la bourgeoisie patriote, c’est en fait Napoléon III, Disraeli en Angleterre, Bismarck en Allemagne, Clemenceau en 1917 ou le général de Gaulle. On sait ce qu’est cette sociologie-là et ce qu’est ce créneau politique.
Gabrielle Cluzel : N’y a-t-il pas confusion dans le terme libéral avec ce que l’on pourrait appeler le petit libéralisme, le vôtre, celui des petites et moyennes entreprises qui ont envie que l’État descende de leur dos quand elles veulent entreprendre et le grand libéralisme, l’ultralibéralisme, celui des grandes entreprises qui prônent le mondialisme et l’ouverture des frontières pour prospérer ?
C'est même pire que ce que vous dites. Depuis les années 1980, le libéralisme est devenu l’allié des libertaires soixante-huitards, avec de grandes entreprises qui font le jeu des idéologies d’extrême gauche, Benetton et Compagnie. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas tenir un discours qui, enfin, réduise le poids des charges sociales et même des normes environnementales. Les entreprises ont délocalisé et les patrons des petites entreprises accablés de charges, d’impôts et de droits de succession ne peuvent pas transmettre à leurs enfants l’outil de travail qu’ils ont souvent édifié de leurs mains. C’est la folie française. En Italie, ils ont réduit à presque rien les droits de succession sur les entreprises. Ils ont pu, ainsi, conserver tout un tissu de petites entreprises qui irriguent le pays, en particulier le nord, et qui a permis à l’Italie de garder 24 % ou 25 % de part de l’industrie dans sa production, comme l’Allemagne, alors que nous, nous sommes descendus à 12-13 %. Nous étions pourtant, aussi, à 24 %. La désindustrialisation a touché la France, mais n’a pas touché l’Italie ni l’Allemagne. Il y a tout de même des raisons propres à la France. On peut être très critique sur l’euro ou le libre-échange, Dieu sait si j’ai été critique. L’entrée de la Chine dans l’OMC a été une folie de nos dirigeants occidentaux en 2001. Ils ont vraiment sacrifié les productions européennes et américaines aux consommateurs. Paul Krugman, économiste américain, disait : « Qu’est-ce que la mondialisation ? C’est l’alliance entre le Parti communiste chinois et Walmart », le super Carrefour américain. Il ne faut pas oublier que l’on a choisi le consommateur, l’Europe étant le porte-drapeau de cette idéologie consumériste uniquement axée sur la concurrence et le meilleur prix du consommateur. On a oublié que l’on était aussi des producteurs. Nous avons sacrifié plus [que nos voisins]. L’Allemagne et l’Italie n’ont pas sacrifié leur industrie. Si réduire les charges, les impôts, les normes, c’est être libéral, alors je suis libéral !
Si c’est plébisciter le libre-échange à tout crin et l’idéologie libertaire, je ne suis pas libéral. Ce mot ne veut plus rien dire. Ce mot est né à gauche au XIXe siècle et il est passé à droite sous l’influence des communistes. C’est devenu un mot-valise qui ne fait plus sens.
M. B. : Y a-t-il des chefs d’État actuels qui vous inspirent ?
J’apprécie des gens qui sont des patriotes et qui défendent leur pays. Poutine, Orbán défendent leur pays et une certaine idée de l’Europe chrétienne. Ils ont compris les enjeux historiques de cette vague démographique venue du Sud et ils en tiennent compte. Je pense que ce sont vraiment les grands hommes d’État de ce début de XXIe siècle. Le reste [des hommes d'État] ne veut pas comprendre et se soumet à la doxa dominante, se soumet à la démographie, se soumet aux juges et se soumet aux médias. En Occident, on a renoncé complètement à défendre son pays et l’avenir de son peuple.
M. B. : Vous ne parlez pas de Boris Johnson ou de Trump.
Je pourrais, effectivement. Je ne comprends pas toujours la position et les choix politiques de Boris Johnson. Il m’a l’air un peu moins ferme sur ses convictions, mais il faut reconnaître que c’est Boris Johnson qui a reconstitué, en Angleterre, l’alliance bonapartiste gaulliste entre les classes populaires et une bourgeoisie patriote. On a vu des régions qui votaient travailliste depuis l’après-guerre et qui, soudain, se sont retournées et ont voté pour le Parti conservateur. Le même parti qui, trente ans plus tôt, avec Margaret Thatcher, les avait saignés aux quatre veines. Je pense, effectivement, que la stratégie politique de Johnson a été remarquable. Pareil pour Trump. Non seulement Trump a réussi cette alliance, mais, en plus, il a très bien identifié instinctivement les deux moteurs et les deux axes politiques essentiels que sont l’immigration d’un côté et l’industrie de l’autre. Sa campagne de 2016 marchait sur ces deux pieds-là. C’est comme cela qu’il a battu les démocrates et c’est comme cela que lui aussi a récupéré une partie de l’électorat populaire qui votait démocrate depuis les années 1960.
G. C. : Tirez-vous une leçon personnelle, pour l’avenir, de l’échec de Donald Trump à se faire réélire ?
Je pense que Donald Trump a vraiment perdu, au-delà des histoires de fraudes. Je ne suis pas aux États-Unis et je ne connais pas cela de l’intérieur, mais je pense que Donald Trump a été victime de son ego. Tactiquement, il est tombé dans le piège des démocrates. Les démocrates ont voulu faire de cette élection un référendum pro et anti-Trump et il est tombé dans ce panneau-là par vanité. Ce fut une erreur de sa part. C’est facile à dire de loin, mais on voit mieux de loin. Il aurait dû revenir sur ses fondamentaux. Je crois que la politique, c’est d’abord le combat des idées. Et Trump avait les bonnes idées : immigration et industrie. En France, on rajouterait l’école pour des raisons évidentes. Je pense que ce sont les thèmes fondamentaux sur lesquels 70 % de la population française sont d’accord. Je crois que Trump l’a oublié. Il avait tous les médias contre lui, l’establishment contre lui et l’État profond contre lui. Ce n’était pas simple, je ne donne pas de leçons, mais j’essaie d’analyser à froid. Ce sont mes restes de journaliste politique. Je pense que ce fut son erreur.
Retrouvez dès demain l'épisode 4.
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