[Exclusif] Législatives : le système la main dans le sac (2/3)

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Les LR non ciottistes, bénéficiaires innocents ou passagers clandestins du front républicain ?

Alors que la nomination d'un nouveau Premier ministre est imminente, BV revient sur l'élection de l'Assemblée avec laquelle il devra gouverner la France. Une Assemblée issue de compromissions inédites entre le pouvoir en place et ses oppositions de gauche et de droite. Chiffres en main, BV refait le match en trois articles publiés sur trois jours. Qui a fait élire qui, avec quel résultats ? Cette étude dévoile les arcanes d'un système politique verrouillé, sans voile.

Après les incroyables compromissions de la Macronie avec le NFP et LFI, la suite de notre enquête exclusive aujourd'hui : Les LR non ciottistes, bénéficiaires innocents ou passagers clandestins du front républicain ?

 

Les LR non ciottistes, regroupés à l’Assemblée nationale sous l’appellation « Droite républicaine », ont pour partie sauvé les meubles, lors des dernières élections législatives, avec 47 députés membres ou apparentés - trois fois plus que le groupe « À Droite » d’Éric Ciotti, toujours président de LR. Ce résultat marque toutefois dans la durée une baisse qui ressemble à un effondrement, puisque cette formation politique (UMP, puis LR, puis LR-Droite républicaine) est passée de 43 % des suffrages exprimés au premier tour et 398 députés, en 2002, à 7 % des suffrages et, donc, 47 députés, en 2024. La « Droite républicaine » n’est plus que le cinquième groupe parlementaire après que l’UDR, le RPR, l’UMP ou LR a occupé sans discontinuer la première ou la deuxième place pendant des décennies.

L’ancien député RPR puis LR Pierre Lellouche considère d’ailleurs que LR est désormais moins un parti que la juxtaposition d’entreprises électorales individuelles utilisant la marque LR uniquement quand cela est utile, très peu par exemple lors de la dernière campagne.

 

 

Quel a été le comportement de LR face au « front républicain » et ses désistements ? LR a opté de fait pour un nouveau « ni-ni » : ni consigne de vote, ni désistement.

LR avait certes beaucoup moins de possibilités de désistement que le NFP ou les centristes d’Ensemble, mais on note trois cas avec des motivations variées ou divergentes : désistement dans la 4e circonscription de Saône-et-Loire (victoire du candidat ciottiste pour lequel le désistement a été favorable), désistement dans la 14e circonscription de Paris (victoire d’Ensemble contre le candidat ciottiste), désistement dans la 6e circonscription de Seine-et-Marne (victoire du RN, pas de consigne de vote donné par le candidat LR).

Olivier Marleix et Laurent Wauquiez élus avec un désistement de gauche

Si l’on regarde, maintenant, les désistements dans les circonscriptions où un candidat LR était en lice au second tour, on constate que 24 candidats LR ont bénéficié de tels désistements, dont 23 de candidats NFP (4 EELV, 6 LFI, 2 PCF, 11 PS). La moitié des députés du groupe « Droite républicaine » ont été élus dans une circonscription où il y a eu un désistement de gauche.

Cela ne signifie pas que les LR non ciottistes auraient perdu en absence de désistement, mais il est difficile de croire que ces désistements n’ont pas aidé voire ont été décisifs, dans certains cas. On peut ainsi s’intéresser à la seconde circonscription d’Eure-et-Loir, où le député LR sortant Olivier Marleix (président du groupe parlementaire LR entre 2022 et 2024) accusait un retard de plus de 12 points, au premier tour, sur le candidat RN (25,92 %, contre 38,33 %) et a pleinement bénéficié, pour sa réélection, du retrait du candidat PS qui avait quasiment fait autant de voix que lui (25,59 %). Laurent Wauquiez, président du groupe « Droite républicaine » et qui avait peu d’avance sur le candidat RN (36,80 % contre 34,18 %), a bénéficié du désistement du candidat EELV, même s’il aurait probablement été élu sans désistement.

Le front républicain n'a pas été ingrat pour LR

Le groupe « Droite républicaine » a également bénéficié de la volonté de la gauche de bloquer à tout prix le RN dans la gouvernance de l’Assemblée nationale, puisque le groupe se retrouve avec un poste de vice-président sur six et un poste de questeur sur trois. Le RN n’a eu aucun poste alors qu’il a obtenu, au premier tour, 33 % du vote populaire, contre 7 % pour les LR non ciottistes.

Le front Républicain sponsorisé par la gauche et le centre macroniste n’a donc pas été ingrat, c’est le moins qu’on puisse dire, pour ceux des LR qui avaient l’immense vertu de refuser toute alliance avec le RN. LR a ainsi pu rejeter dans le discours le front républicain tout en profitant électoralement des désistements de la gauche pour sauver ce qui pouvait l’être.

Le comportement électoral des LR est-il donc une version locale de « en même temps » ? On pourrait le croire, en lisant les éléments de langage de la déclaration de leur groupe sur le site de l’Assemblée : « Les Français […] n’ont pas voulu d’une extrême gauche reniant les principes de la République et ont refusé leur confiance au Rassemblement national pour gouverner le pays », « les combinaisons d’appareils et les coalitions contre nature ne relèvent pas de l’esprit de la Ve République auquel nous sommes attachés », « nous veillerons à ce que des partis, qui ont rompu avec les valeurs de la République, ne fassent pas obstruction au fonctionnement de nos institutions », etc.

Marginalisation

Dans les faits, Laurent Wauquiez, en dépit d’un rendez-vous « décevant », la semaine dernière, avec le président de la République pour la constitution d’une majorité parlementaire, exclut tout autant l'alliance avec le RN que celle avec LFI, ce qui pourrait signifier a contrario qu’un accord est possible avec le centre et tous les partis de gauche hors LFI.

Oubliera-t-on rapidement le soutien électoral puissant de la gauche à LR ? Cela sera-t-il suffisant pour enrayer la marginalisation d’un courant politique absolument majeur pendant les six premières décennies de la Cinquième République ? L’avenir le dira.

 

À lire jeudi : Le RN et ses alliés, entre désillusions et résistance.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 05/09/2024 à 13:29.

Georges Le Breton
Georges Le Breton
Haut fonctionnaire en activité, spécialiste des politiques publiques.

Vos commentaires

40 commentaires

  1. Je viens de lire très attentivement vos articles sur la » façon « que certains LR ont été élu et notamment Wauquiez l’homme qui a craché dans la soupe lorsqu’il était ministre avec Mr Sarkosy.
    Donc il réédite son manque de valeur, de respect en allant s’acoquiner avec LFI Mélanchon et sa bande!!!!
    Pour moi ce Monsieur devrai être exclu de tout parti de droite.
    Je me permets cette réflexion étant un ancien LR, carte déchirée pour différentes raison et malheureusement ce que j’avais prédit avec des amis de droite, vient de se réaliser.
    Alors Mr Wauquiez toujours le premier à tancer vos compatriotes qui ne font pas comme vous voulez, ayez au moins la pudeur de démissionner de TOUT vos postes politiques, vous ne faites que salir ceux qui oeuvrent pour le bien de la France et notamment Le RN et Mr Ciotti eux sont restés droits dans leur botte, contrairement à vous.

  2. Comment s’étonner de la quasi disparition d’électeurs pour LR ? Qui ne réussit à garder 47 députés que grâce aux combines électorales et aux consignes aberrantes (et suivies de façon incompréhensible par pas mal d’électeurs) de sinistres traîtres à la droite style Villepin, Toubon ou Bertrand préconisant de voter au besoin LFI ou PC. Ce résidu de ce qui fut le RPR puis l’UMP, renommée à juste titre ensuite UMPS par les commentateurs, n’a cessé depuis 40 ans de trahir ses électeurs. Plus vite ils disparaîtront définitivement, mieux ce sera (malgré la sympathie qu’inspire par exemple F. X. Bellamy). Seul E. Ciotti a une attitude intelligente à mon point de vue. Il ne s’est d’ailleurs pas gêné ce matin pour donner son opinion sur Bertrand !

  3. Et encore vous ne citez que les élus des têtes d’affiche de LR , pour ma circonscription 3eme de Savoie notre députée qui avait certes 40.86% au 1er tour devant la candidate RN 35.98%, s’est vue propulsée au second tour avec les voix du candidat NFP (totalisant 21.81% des suffrages au 1er tour ) à 61.16% contre la candidate RN qui n’a pas décollé puisque 38.84% , le désistement du candidat NFP a été bénéfique pour notre députée . En souhaitant qu’à l’avenir il n’y ait pas un renvoi d’ascenseur pour des élections locales , allez savoir.

  4. Ce NINI des LR est insupportable. Quand je vois la tête de Copé par exemple est ses bons conseils……il sait rien faire à part ricaner bêtement et expliquer des choses que les autres ont compris depuis longtemps. On a l’impression que LR est un grand partie et c’est tout le contraire. Tous ces politiques au lieu de faire barrage au RN devrait faire de la politique …..mais non comme bertrand qui chasse le RN sur ses terres …..non mais comme mégalomane on fait pas mieux !

  5. Il est intéressant de noter, à l’instar de l’élection de Vincent Jeanbrun, que les LR ont uniquement progressé en ville. Le monde de la finance et des affaires semble de nouveau soutenir la droite dite républicaine après s’être tourné vers Macron depuis 7 ans. Peut-être ont-ils compris que le macronisme est fini, et qu’il est fort logiquement le parti qui défend le plus leur milieu. Laurent Wauquiez sait tout ça et il a les yeux tournés vers les sympathisants de Macron. Sera-ce lui le candidat macroniste de 2027 ? Reste à savoir si Laurent Wauquiez s’est converti au macronisme ou s’il tente de les duper…

  6.  » le soutien électoral puissant de la gauche à LR […] sera-t-il suffisant pour enrayer la marginalisation »? Tout à fait car cette décrépitude ne dépend pas des autres partis mais du seul parti dit gaulliste, à force de trahisons successives de leurs électeurs.

  7. Ce n’est pas nouveau ;les
    politicards ont des convictions à géométrie variable. Et cela se comprend, car la politique est devenue un métier… Il faut donc assurer sa survie.
    Autrefois, les politiques n’étaient pas forcément plus honnêtes ;mais leur train de vie ne dépendait pas de leur élection.
    Quand on voit les élus LFI
    on ne peut que lever les yeux au ciel. Pauvre France, dans quel état ils l’ont mise.

    • « mais leur train de vie ne dépendait pas de leur élection » Bien sûr. Actuellement la carrière politique est au top niveau pour enrichir rapidement et somptuairement quiconque l’embrasse, quelles que soient ses compétences (cf le patrimoine de Mélenchon). Terrain rêvé pour toute mafia. Dérive irrésistible de l’idéal démocratique vers l’oligarchie avec la dictature en point de mire.

  8. But de votre article ? si je sais lire ce tableau « tarabiscoté » je note qu’un seul député LR s’est retiré? s’ils ont profité du désistement aux deuxième tour de candidats « ensemble » ou NPF c’est parce que ceux ci ne voulaient pas du RN donc ? Faisons court pour vos explications , vous cherchez à nous faire passer quel message ?Je suis LR Ciotti mais malgré tout les raccourcis pour influencer ceux qui lisent juste les titres ou entre les lignes , m’agacent !!

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