[EXPO] À Bruxelles, esquisses et ébauches des maîtres

Eugène Verboeckhoven (1798-1881). Poussins (1858). Huile sur papier, collée sur toile, 27,5 x 55,5. Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles © Photo : J. Van Seghbroeck
Eugène Verboeckhoven (1798-1881). Poussins (1858). Huile sur papier, collée sur toile, 27,5 x 55,5. Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles © Photo : J. Van Seghbroeck

« Drafts. From Rubens to Khnopff » : les musées royaux des Beaux-Arts de Belgique s’expriment en anglais, ne me demandez pas pourquoi. Le terme draft signifie, principalement, « ébauche », mais dans cette exposition consacrée à la première idée d’une œuvre, on est aussi dans l’esquisse, le croquis, l’étude.

Définitions et réalités

Tout cela se distingue, en théorie. Le croquis (prise de note) et l’étude (poussée) sont deux choses qui ne deviennent pas forcément un tableau. L’esquisse est la première idée d’un tableau et elle reste en l’état. L’ébauche est le premier stade du tableau définitif - « La meilleure est celle qui tranquillise le plus le peintre sur l’issue du tableau », notait Delacroix (Journal, 14 janvier 1857). Dans les faits, ces distinctions ne sont pas toujours aisées à observer. Quand, au XVIIe, le théoricien André Félibien dit qu’esquisser, « c’est prendre promptement les traits d’une figure sans la finir », ne définit-il pas plutôt l’acte de croquer ?

Un très bel effet de neige du peintre Guillaume Vogels (XIXe) est-il une étude ? Une esquisse ? Et les études animalières de singes (attribuées à David II Teniers, XVIIe), de poussins (Eugène Verboeckhoven, XIXe) ou de jeunes canards (Charles Verlat, XIXe) ne sont-elles pas, du fait de leurs qualités, des tableaux de plein droit ? Les définitions peinent à s’appliquer stricto sensu aux œuvres d’art dont la conception est une suite complexe d’opérations.

Guillaume Vogels (1836-1896). La neige, soir (ca. 1883). Huile sur toile. Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles © Photo : Guy Cussac, Bruxelles

Le destin de la composition dessinée par le peintre sur la toile ou le panneau est de finir caché sous la peinture. La réflectographie permet de « voir » le dessin initial mais aussi les repentirs. « Les dessins préparatoires, fréquemment réalisés à la mine de plomb (graphite), sont particulièrement sensibles à la réflectographie infrarouge », écrit un site spécialisé. Cette étape du dessin sur le bois ou la toile a souvent été précédée d’une idée jetée sur un papier (au crayon, à l’encre) ou sur une toile plus petite. Ainsi, Allégorie de la fertilité de la terre, de Jordaens (XVIIe), est petite pensée encrée, de la dimension d’une feuille A4. Elle est mise en regard de la peinture achevée, presque 2 x 2,50 mètres, avec des personnages grandeur nature.

Rubens, l’esquisse à la pointe du pinceau

L’esquisse peinte ajoute à la composition et à la lumière les idées de couleurs. Rubens en est un des maîtres. Il dessine « les figures d’un trait rapide et ajoute des touches colorées légères et translucides, parfois plus épaisses, donnant l’impression d’une grande spontanéité », dit l’exposition. Cela se vérifie avec L'Enlèvement d’Hippodamie, esquisse du tableau qui se trouve au Prado. Les centaures ivres (à droite) enlèvent Hippodamie lors de ses noces avec Pirithoos, qui tente de la rattraper. Il n’y a rien qu’aime tant Rubens que ces mouvements passionnés où son pinceau fait merveille.

Peter Paul Rubens (1577-1640). L'enlèvement d’Hippodamie. Huile sur bois, 26,9 x 44,3. Esquisse pour le tableau peint par Rubens, Madrid, Prado. Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles © Photo : J. Geleyns - Art Photography

Ces esquisses se distinguent des tableaux finis par leur petite taille et leur prestesse, comme si le peintre se hâtait de fixer l’idée avant qu’elle ne le fuie. Delacroix s’en délectait : « Dans le premier coup de pinceau que Rubens donne à son esquisse, je vois Mars ou Bellone en fureur ; […] il semble dans ces linéaments à peine tracés que mon esprit devance mon œil et saisisse la pensée avant presque qu’elle n’ait pris une forme » (Journal, 27 janvier 1857). À regarder ces premiers jets, l’exposition se parcourt comme on entrouvrirait le carnet où le poète a jeté les premiers vers d’un sonnet, comme on feuilletterait le manuscrit d’un roman avec ses ratures, ses rajouts… La peinture est « chose mentale » (Léonard de Vinci) et il est passionnant d’observer les prémices de la matérialisation de l’idée, qui gardent toujours une part de mystère.

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

4 commentaires

  1. Quand c’est du glogish je dis que je ne comprends pas, mais néanmoins, je suis d’accord pour me faire livrer chez moi « La Neige, soir » , c’est tout de même mieux que « Carré blanc sur fond blanc » si , si , ça existe et le peintre est connu mais je n’ai pas le nom en tête !

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