[Expo] À la cour du Prince Genji : un pan de l’amitié franco-japonaise dévoilé
4 minutes de lecture
C’est une exposition qui raconte deux belles histoires, celle d’un roman et celle d’une amitié historique. Jusqu’au 25 mars 2024, le musée Guimet à Paris consacre une exposition au Dit du Genji, considéré comme le premier roman psychologique de l’Histoire. Écrite par une femme au XIe siècle, cette histoire des intrigues amoureuses du prince impérial, Hikaru Genji, inspire les artistes et écrivains japonais depuis mille ans, notamment le maître tisserand Itarô Yamaguchi, passeur de l’amitié franco-japonaise.
C’est au XIe siècle que fut écrite l'œuvre qui est considérée comme étant la plus représentative de la littérature classique du Japon. Elle naît à la fin de l'époque de Heian, un mot qui signifie « paix », en japonais, et qui désigne aussi Kyoto, alors capitale du pays. C’est l’apogée de la cour impériale japonaise et l’âge d'or de la culture et des arts les plus fins, notamment la poésie et la peinture.
La poétesse Murasaki Shikibu, dame de compagnie à la cour, qui en connaît tout le raffinement et les intrigues, rédige Le Dit du Genji, une fresque brassant 500 personnages sur 54 livres qui raconte la vie du prince Genji, fils de l’empereur régnant et d’une de ses concubines. Ce Don Juan japonais fréquente moult femmes avec qui il a des aventures parallèles, qui connaît tour à tour l’exil, la réhabilitation et l’ascension vers le pouvoir. Son histoire est racontée sous forme de courts poèmes au formalisme bien précis, les waka. Plusieurs d’entre eux, calligraphiés et illustrés, sont présentés dans l’exposition.
Un récit qui inspire les artistes
La première partie de l’exposition offre au visiteur un florilège de pièces d’art classique japonais du XVIe au XVIIIe siècle : peintures sur soie, impressions sur papier, mais aussi de magnifiques paravents illustrés aux motifs de grues sur fond doré ou figurant les conséquences d’une tempête dans le jardin de l’impératrice. On peut admirer quelques ravissants objets du quotidien, comme des laques japonais - écritoire, boîte à miroir, un très joli coffret à encens décoré avec minutie par des incrustations d’or, d’argent et de nacre - qui, dès le XVIIe siècle, furent exportés en Europe et collectionnés, notamment par Marie-Antoinette. On se rend compte à quel point le Dit du Genji a inspiré les artistes, qui donnent libre cours à leur créativité depuis mille ans sur le même sujet.
Une salle est consacrée aux déclinaisons contemporaines du récit, notamment sous la forme d’animés et de mangas. Il est fascinant de constater qu’une œuvre millénaire, grâce à la dimension universelle des aventures et des passions décrites, passionne toujours les Japonais du XXIe siècle et qu’elle reste gravée dans leur culture.
Inventivité française et créativité japonaise
La deuxième partie de l’exposition est singulièrement intéressante en ce qu’elle découvre tout un pan de la relation franco-japonaise. Dans les années 1850, une maladie décime les vers à soie à Lyon et plusieurs maisons françaises commencent à s’installer au Japon pour se fournir en soie. Une délégation japonaise se rend à Lyon en 1872 et y découvre le métier à tisser Jacquard, élaboré en 1801 et baptisé du nom de son inventeur autodidacte lyonnais. Cette révolution technique séduit les tisserands japonais qui se l’approprient et réduisent considérablement les coûts de production du textile.
Dans la grande salle finale, le visiteur découvre quatre rouleaux racontant la vie du prince Genji réalisés par Maître Itarô Yamaguchi (1901-2007), qui est issu d'une famille de tisseurs de soieries du quartier Nishijin à Kyoto. Ce dernier a commencé très jeune à tisser sur un métier Jacquard, réalisant des kimonos et ceintures pour de riches commanditaires. À 70 ans, il décide de « laisser un chef-d’œuvre qui serait la concrétisation des plus hautes qualité et technicité atteintes dans l’utilisation du métier Jacquard ». Il observe des rouleaux peints du Dit du Genji datant du XIIe siècle et conservés dans des grands musées de Nagoya et Tokyo, et les reproduit en tissage, redonnant aux motifs anciens des couleurs vives et une nouvelle jeunesse. Il passe les trente-sept dernières années de sa vie à travailler sur ce chef-d’œuvre. Se rendant à Paris à l’âge de 94 ans, où il s'empresse de visiter le musée de Cluny (et d'admirer la finesse de La Dame à la licorne), il offre ces rouleaux au musée Guimet afin de rendre un touchant hommage à la France, patrie de Joseph-Marie Jacquard. Pour la première fois, ceux-ci sont présentés dans leur intégralité, déroulés sur plus de 30 mètres de long. Le visiteur peut ainsi contempler de façon inédite le fruit de ce travail de patience et de rigueur, d’une minutie rare.
L’alliance de l'inventivité technique française et de la créativité japonaise, et la puissance narrative d’un récit ancien toujours remis au goût du jour, sont parfaitement mises en valeur dans cette belle exposition du musée Guimet. Un raffinement à découvrir sans modération !
Pour ne rien rater
Les plus lus du jour
LES PLUS LUS DU JOUR
Un vert manteau de mosquées
3 commentaires
Sûrement à voir.
Merci Madame de partager la créativité, la richesse de la culture nippone.
Et oui une partie de notre belle histoire de France associé à des artistes japonais : partage du savoir faire et révélation du talent de ces artistes . Et Macron qui prétend que nous n’avons pas d’histoire , pas de culture , cherchez l’erreur .